Co' Sang › Chi More Pe' Mme

Voir Naples et vivre. Le soleil. Le Vésuve. Le vico dei Zuroli. Le Duomo. La Sanità. Les odes à Santa Lucia. Les ruelles vides de Capri en février. Le froid dans la nuit, sur la plage de Procida. Les parties de foot avec les gosses piazza Dante. Toujours le même ballon orange. Les copains et les filles. Et le foot, encore, au Capodimonte. Le numéro 10 de Maradona sur le dos. Maillot à 10 balles acheté dans la rue. Piazza del Gesù. San Domenico. Le shit. La bière. Allongé dans l’herbe, dans les coins interdits de Pompei. Les cornetti, la nuit. Les motorini. Le ciné au squat TNT. Di Matteo, Da Michele. Les santons de San Biagio. Pulcinella rigolard. C’est noir de monde, faut faire le tour pour rentrer à la maison. Passer devant dix églises closes, gardées par des crânes de marbre. Via Toledo. Le café nocciola, devant San Carlo. Dans le dos, ce sont les quartieri spagnoli. Sant’Elmo. Vomero. Spaccanapoli droit devant. La rue. Le bruit. Via Tribunali. Les gouttelettes du linge suspendu. Les palais et fontaines de toutes ces familles qui ont voulu Napoli mais n’ont jamais tenu son peuple, tempétueux, superstitieux. Les sédiments de l’histoire d’une ville indomptable. Cette langue : le napolitain, celle de Co’ Sang. Rap conscient Mobb Deepien, cru et réaliste, pour ville d’inconscients. Tu les as entendus mille fois, ces beats violon/piano/grosses basses, mais c’est la langue qui te fait rester et cette mélancolie qui est aussi celle de Napule. « 'O ssaje ch'è malammore ». Le malammore, amour, haine, à travers tout l’album, la ville et tous ceux qui en ont respiré l’air. Malgré le soleil et les touristes, la cité s’écroule, rongée par les tremblements de terre, l’incurie de l’État et la cupidité de la Camorra. La débrouille à chaque coin de rue. Tout est contrebande. Les dealers tiennent la place pour chaque petit prince du rione. L’écume de plastique sur l’eau. Les rivières pourries par les décharges illégales. La mozzarella contaminée. Les scugnizzi crasseux sans école. Les seringues qui tapissent les pavés de l’impasse. Les échafaudages permanents. Les Africains pourchassés. Les rebelles assassinés. Les innocents aussi. Forcella. Annalisa Durante, 14 ans, est morte en bas de la rue. Une balle dans la tête. Ne rien dire. Cattivo. Le sicario s’est planté. Gangrène. Au stade, les Salernitains rigolent. Grand blitz de la police. Le curé s’indigne. Une école est renommée. Tout doit changer. Rien ne change. Voir Naples et mourir.