Will Haven › Carpe Diem

Carpe Diem, c’est comme Swansong ou Kollapse, ça sent le sapin. Carpe Diem : pourquoi faire du hardcore et tracer la route alors que je pourrais mener une vie normale, faire des études, me cramer les yeux sur des livres et la téloche plutôt que les lombaires sur scène ? Will Haven est de toute façon un poil trop radical pour obtenir davantage qu’un (gros) succès de niche. Avec tous les potes riches qu’ils ont, ils auraient pu sentir l’appât du gain, sortir les refrains qui vont bien et devenir Slipknot. Ils ont préféré creuser le sillon du hardcore tendu, celui dans lequel tu attends beaucoup de ta section rythmique. Le batteur est parti, malheureusement, mais le nouveau a bien pris la place. En guise de bizutage, on va quand même le noyer dans le mix, avec un kick qui fait pof et une snare qui claque quand même encore un peu parce que les années 90 sont juste là, en amont. Ce Carpe Diem, je l’ai longtemps trouvé un peu fade et poli, conditionné que j’étais par de multiples écoutes de WHVN qui m’avaient forgé un biais willhavenien bien râpeux. Ce son de guitare un peu étouffé est aussi perturbant, comme si on voulait nous convier à un mystère d’initiés, du genre « ici le hardcore n’est pas ce qu’il prétend être ». Ma suspicion portait aussi sur le fait que cet album était le « meilleur ». Fuyez, pauvres fous, voici le « meilleur » album ! L’esprit de contradiction ne peut pourtant pas surmonter l’épreuve du bon riff. Will Haven, meilleur groupe de neo-metal ayant jamais existé. Comment ça ? il faut relever le gant et l’injure. Ces riffs à deux notes que gribouillait mon pote fan de Korn au lycée, eh bien ils sont là, chez Will Haven. Sauf que sur Carpe Diem, les riffs à un doigt servent plus encore qu’avant de soupapes à un ensemble atmosphérique qui préfigure nettement ce que fera le groupe lors de son re-retour. Mais c’est encore le riff qui domine ici et non l’inverse. Les morceaux simplement bourrins sont d’une efficacité hors pair, surtout lorsqu’il s’appelle Dolph Lundgren (pas saisi le rapport avec les paroles donc si tu as une idée, lâche ton com, abonne-toi et active la cloche). Un peu plus loin, encore un riff en 0-1-0-1-0-1 qui s’appelle « Alpha Male ». Parbleu, la barbe m’en pousse sur le torse ! Le final donne enfin un peu de place à la section rythmique. « Moving to Montana », voilà un doux rêve qui sent ici la fuite et le motel crasseux plutôt que la quiétude d’une partie de pêche à la mouche, les pieds dans l’eau, la bière au frais.