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Fehlfarben › Monarchie und Alltag
- 1980 • Welt-Rekord 1C 064-46-150 • 1 LP 33 tours
- 2000 • EMI Electrola 7243 5 29973 2 9 • 1 CD
lp/cd • 11 titres • 39:11 min
- 1Hier und Jetzt2:47
- 2Grauschleir2:26
- 3Das Sind Geschchten3:23
- 4All That Heaven Allows3:40
- 5Gottseindank Nicht In England2:44
- 6Militürk5:21
- 7Apokalypse3:12
- 8Ein Jahr (Es Geht Voran)2:53
- 9Angst2:18
- 10Das War Vor Jahren2:46
- 11Paul Ist Tot7:56
informations
Enregistré et mixé par Harald Lepschies et Rolf Hanekamp
line up
Michael Kemner (basse), Uwe Bauer (batterie), Thomas Schwebel (guitare), Frank Festenmacher (saxophone), Gorge Nicolaidis (synthétiseur), Peter Hein (voix)
chronique
« Kebabträume in der Mauerstadt/Türk-Kültür hinter Stacheldraht »... En fait c'est simple : Gabi Delgado avait écrit cette chanson – Militürk – du temps de Mittagspause. Le groupe l'avait casée sur son premier album – prise dans un arrangement bancal, vaguement psyché, un peu post-gong et post-kraut refroidi, flou. Puis Gabi était parti, avait fondé Deutsch Amerikanische Freundschaft – en toutes lettres, pas encore abrégé en D.A.F. sur les pochettes – avec Robert Görl. Sous ce nom, ils avaient sorti le titre en single – renommé Kebab Träume, donc, avec une autre mélodie, les paroles calées sur une musique différente (encore bizarre, au vrai, encore bien bricolée, à ce stade du groupe). Michael Kemner, alors, y était aussi, comme bassiste – dans lesdits pas encore tout à fait D.A.F., suivez, un peu ! Partant peu de temps après pour former Fehlfarben – avec d'anciens Mittagspause justement – le mec l'avait embarquée à son tour, paroles incluses et mélodie semblable à celle de la version Deutsch Amerikanische. La boucle est bouclée, oui – tant bien que mal, tracée vite fait à main levée.
Enquêtes généalogiques mises à part, ceci dit, consanguinité – instabilité, plutôt, au vrai – des scènes d'alors, en Allemagne, Fehlfarben, à l'oreille, c'est nettement autre chose. C'est sec. C'est dur. C'est gris. Ça pue le béton banlieusard – Düsseldorf et ses faubourgs, capitale ou pas, il semble qu'on ne s'y éclatait pas des masses en ce tout début des années 80. (L'Allemagne, peut-être bien, tout court. Les années de plomb, la guerre froide, le poids d'une culture importée, imposée encore plus qu'ailleurs – la honte historique planant encore sur l'héritage local, national...). Certes, quelques années plus tôt la jeunesse d'ici avait mordu au punk – mais avec une amertume toute spéciale, l'impression sans doute que l'Amérique, l'Angleterre, l'Europe qui n'avait pas cessé de regarder, de traiter le pays, (sournoisement, diplomatiquement, OK) en ancien ennemi, n'hésitait pas pourtant à écouler encore et encore ses derniers produit auprès d'une population sommée de les gober tels-quels, quitte à en régurgiter des mauvaises copies en idiome local, ensuite, si ça la tentait. Elle en avait marre, à vrai dire, ces années là, cette jeunesse. Elle ne voulait pas continuer le travail de ses parents – copistes et consommateurs labellisés antenne locale, filiale de telle ou telle tendance dans le grand cirque mondial. De ne rien générer pour soi, avec ses mots, ses armes, ses outils. Il fallait trouver autre chose – et sans singer non-plus les aînés hippies, pacifistes, inventeurs certes en leur temps d'un truc pleinement original (le kraut rock, encore, une certaine musique électronique) mais de là retombés pour la plupart presque aussitôt dans l'art pour l'art, l'élitisme, l'ornement pour trips, le... Désengagement. L'impasse. Il fallait dégager tout ça.
DONC ! Monarchie und Alltag est punk, oui. Nettement. Post-punk, aussi. Nerveux. Chanté en allemand – aboyé, presque, scandé, hargneux. Plus proche, souvent, des premiers Wire – Pink Flag, à la rigueur les morceaux les plus squelettiques de Chairs Missing, pour les touches d'électronique terne, sinistre – que de quoi que ce soit d'autre dans le punk rock « historique ». Pas loin parfois des dancefloors hantés (par les rêves des machines asservies) des scènes britanniques décentrées, hors-Londres – A Certain Ratio, 23 Skidoo, Section 25, des gens comme ça. Même goût de pollution, de déchet d'industrie à chaque bouffée, chaque gorgée, chaque bouchée – dégueulasse mais addictif. Même ambiance de vide urbain, traversé, peuplé d'ombres apathiques et tendues à la fois – personne ne regarde personne, ou alors par dessous, à la dérobée. Tout le monde serre les poings, jointures blanchies. L'air est froid – coupant, toxique. On se saoule avec sa rage, sa frustration, encore plus qu'à la mauvaise bière. Ça éclaire enfin les regards, ça les allume, cette envie de percer la gangue, de taper dans le tas. Enfin, il se passe... Quelque chose. N'importe quoi. C'est assez – c'est bien, c'est bon, c'est enfin plus que mieux-que-rien ! Ça tient comme ça – ce cap mauvais mais juste, droit au but – une bonne moitié de l'album, avec Militürk, encore elle, et puis Apokalypse, juste derrière, en méchante apogée de ce rase-motte mors aux dents. Et puis là...
Et bien là, dommage : Ein Jahr (Es Geht Voran) déboule et casse la sale ambiance. Une sorte de funk new-wave cheap et clinquant, faussement joyeux, approximativement dub – on dirait un mauvais morceau reggae du Clash, une chute de Sandinista! rejouée, reprise à la va-vite en guise d'hymne. Horrible. EMI – le label monté par le chanteur Peter Hein lui-même, Welt Rekord, avait décroché un deal avec la major – s'empressera de sortir la chanson en single, comme de juste. Le groupe aura beau se récrier ensuite que de toutes les leurs, celle-là était celle qu'il ne fallait pas choisir – pas représentative, erreur dont ils n'avaient pas fini de se mordre les doigts, simple réminiscence d'un lointain passé où le groupe s'était brièvement essayé au ska, au punk « festif »... – le mal serait fait. Des gens que Hein et d'autres membres du groupe détestaient allaient s'en emparer, en faire un hymne, réduire éternellement Fehlfarben à ce mauvais numéro... De fait : la chanson casse le disque en deux, brise son cour, en émiette la substance. Il faut dire que la suivante – Angst – semble vouloir persister dans cette voie, avec sa syncope sautillante ; que la voix, pourtant aussi crispée qu'au début de l'album (cette première moitié de disque impeccable), ne parvient pas à tordre, à rayer cette brillance surjouée, à nous rallier à sa vilaine excitation. Das Wahr Von Jahren, à la suite, tombe un peu moins à plat, d'accord. Mais à peine, et un peu tard. Dommage, oui...
D'autant qu'aux derniers instants, Paul Ist Tot rallume cette flamme basse, rampante, cette sensation de malaise qui donne envie de décarrer – de là, de n'importe où, dès qu'on s'y sent à l'étroit, qu'on réalise que c'est un tunnel sans bifurcation possible, que rester serait commencer à végéter. « Une télévison est allumée, morte et silencieuse. Et j'attends la question, la question : où aller ? Jusqu'où ? ». Et Paul Est Mort. Et foutue conclusion, de justesse, avec ce son flangé qui s'éteint, qui s'éloigne, disparaît... Après ça, Peter Hein allait quitter le groupe – retourner bosser chez Xerox. Une autre histoire se continuerait, sans lui. L'underground « pur et dur » – proclamé tel par soi-même – ne pardonnerait jamais au groupe d'avoir sorti Ein Jahr, d'avoir signé cet accord de fabrication/distribution avec EMI. Deux albums suivront – pas pour rien, pas redite, pas tentative de se disculper ou rétablir quoi que ce soit, traçant leur voie nette, sans bavure. Et puis le groupe splittera – comme bien d'autres, une fois tout dit... Pour ma part je zapperai Ein Jahr, la prochaine fois que je reviendrai à celui-là. J'en resterai peut-être à ces sept première pistes, même, puis je sauterai de là jusqu'à Paul Ist Tot – histoire de n'avoir pas à bouder mon plaisir, cette saveur persistante de fer usé, de nuages d'échappements faits shoots avant que les couleurs fausses ne viennent tacher la morne atmosphère.
note Publiée le samedi 18 février 2023
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Wire
Pink flag

Abwärts
Amok Koma

D.A.F. (Deutsch Amerikanische Freundschaft)
Kebabträume / Gewalt
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
En réécoute, là, je me redis que ce (long) début d'album, c'est quand-même pas rien, ça démarre fort et ça tient bien le cap sept titres durant. Je sais que Ein Jahr, juste derrière, va me faire une fois de plus PLOF mais n'empêche, je me demande si je ne vais pas remonter ma note d'une boule...
EDIT : Allez hop, ouais, 4 boules officielles.
Message édité le 05-08-2023 à 11:34 par dioneo
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Oui, ce sont vraiment Ein Jahr et la suivante qui me font frôler par le bas la quatrième boule... Deux titres sur onze, on me dira que c'est pas grave et c'est vrai mais voilà, à chaque fois ça me casse vraiment le trip.
En passant, sinon, si tu aimes leurs morceaux les plus punk-basique-braillés-teutönik, y'a moyen que tu accroches à Male, groupe de Düsseldorf aussi, qui a sorti son seul album en 1979 (Zensur & Zensur). Le côté post n'y est pas ou beaucoup moins mais au rayon punk rugueux en langue locale, ça le fait pas mal du tout ! (EDIT : j'avais zappé ça mais deux mecs dudit groupe avaient ensuite formé Die Krupps, tiens... Une certaine constance dans l'approche "sidérurgie" de la musique, les gars...).
Message édité le 03-03-2023 à 09:48 par dioneo
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- Klarinetthor › Envoyez un message privé àKlarinetthor
C'est vraiment pas mal et varié, j'adore les titres plus punk un peu arraché, avec la voix en allemand qui sonne si bien criée (suis-je en train d'enfoncer une porte ouverte ou un point Godwin?) et les plus post punk et Cure de la fin.
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Ah ! Bon ben cool, t'auras même pas à changer de disque...
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- Shelleyan › Envoyez un message privé àShelleyan Shelleyan est en ligne !
Oui, en fait c'est une compilation groupant les deux albums