‘Sometimes we are Chris & Cosey, sometimes Carter Tutti, CTI & sometimes we are Throbbing Gristle’, ce ton décontracté me plaît. C’est vrai que ces deux-là n’ont plus rien à prouver, 40 ans d’amour (ça donne envie même s’il est trop tard pour la plupart d’entre nous) et de collaboration musicale. Partenaires dans la vie et à la scène, l’exubérante chanteuse, danseuse, musicienne, écrivaine, photographe, strip-teaseuse, jardinière et j’en passe et le plus effacé mais fabuleux bricoleur de génie qui a conçu beaucoup des appareillages et synthés des projets mentionnés. Or donc Chris & Cosey se recomposent eux-mêmes et ça n’a rien d’un écran de fumée pour masquer un manque d’inspiration parce que ce disque, c’est de la balle. La musique de Chris & Cosey a toujours été caractérisée par un ton assez dépouillé, sec même, subtilement agencé. Ces relectures se chargent de leur insuffler une dose organique dancefloor friendly mais toujours aussi exigeante. C’est jouissif. Quand, on songe à certains albums de remixes faciles où l’on défigure les originaux à coups de beats technoïdes, rien n’est plus éloigné ici. Le chant de Cosey est toujours peu expressif mais on lui confère une touche de madone doublée d’une Kahli (l’excellent ‘Retrodec’) avec une petite réverbération qui paraît planer au dessus des rythmes. Les structures rythmiques sont simples en apparence mais en fait extrêmement bien menées, riches, denses; quant à la musique, elle aussi relève d’un travail d’orfèvre compilant foule de petits détails, de sons, de textures cachées qui se dévoilent, se diluent, s’auto-remplacent, de grincements, de nappes et autres loops hypnotiques. On songe volontiers aux essais les les plus technoïdes de Mother Destruction, à ceci près que Chris & Cosey font partie de ceux qui ont inspiré le mouvement sans jamais s’y plonger réellement. La transe, le rythme, oui, mais même si naturellement, une partie de l’équipement est électronique, l’autre est électrique et on ne cherche pas spécialement à faire sonner ces ré-interprétations electro comme une finalité, c’est plus organique que ça. On peut vraiment parler de musique tribale du XXIème siècle. Je préfère même par exemple la version de ‘Beatbeatbeat’ qui dévoile une sexualité Lolita devenue femme du plus bel effet mais il est évident que chacun aura ses préférences selon ses goûts. Fabuleuse musique qui n’est ni de l’EBM, ni de la dark wave encore moins de la techno ou de l’indus mais une forme de divinité sonore au dessus de et réunissant les bases de… Un véritable album de relecture, de recomposition, de réflexion, conçu pour amorcer une série imposante de concerts à travers l’Europe et les USA entre 2011 et 2014, ‘The result is this unique collection of reworked classic Chris & Cosey live tracks… as you’ve never heard them before.’. Je confirme et je jouis.