Christine Plays Viola › Vacua

Allez, on retrousse ses manches, on saisit sa vocabulabêche et on s’attèle la sueur au front à la chronique. Il y a des groupes comme ça, plus que d’autres, pour lesquels trouver les mots pour décrire la musique relève de la gageure. Rien que l’introduction donne le ton: bruits de vent lugubre, rythmique rapide hachée de battement cérémoniels, accords de pianos pachydermiques contre synthés endiablés comme si deux films se déroulaient en parallèle sur la même pellicule pour en créer un troisième. Les Italiens paraissent adorer brasser des émotions très diverses, parfois au sein du même morceau, même si l’ombre domine clairement l’ensemble du disque. Sans parler d’influences progressives (faut pas déconner quand même), il est clair que les musiciens sont des maniaques du détail, possèdent probablement une solide formation musicale, ce qui leur permet de glisser sans coup férir dans une tonalité faussement inconfortable l’air de rien (‘Wrapped in spiral’) sans ruiner la mélodie, d’opter là pour une batterie roulante et là pour une cogne directe et franche, d’alterner entre post punk goth et cold wave ou simplement de mélanger les deux quand bon leur semble (‘Slaughter of the black sun’), d’alterner atmosphères froides (‘In silence withdrwan’) et titres plus dansants (‘Threatening clourds of surrender’). Rien n’est facile mais tout est fluide. Il faut dire qu’avec un chanteur de cette trempe… Massimo est du genre à faire risette à Tears for Fears (‘Threatening clouds of surrender’), jouer au goth torturé, travailler des tonalités plus aériennes, avec la même dextérité, s’adaptant et colorant ainsi les climats si divers des différentes chansons. ‘Vacua’ a les qualités pour parler à un public assez large: les fans de goth rock old school y trouveront largement leur compte de même que les gens plus branchés new wave, les modernes et les nostalgiques y poseront chacun leurs marques, sans pour autant que l’album ne sonne comme un melting-pot. Le talent de Christine Plays Viola leur permet de fusionner tout ça en un ensemble parfaitement cohérent, direct dans l’attaque tout en regorgeant d’une foule de détails quant aux arrangements et à la production. N’allez pas croire non plus que les zigues sont des mordus de technique tout crispés et se branlant l’esprit devant leur jeu, ‘Vacua’ est un disque passionné, empli de fougue ténébreuse et romantique, une musique de plein air nocturne plus que de caveau. Le seul ‘reproche’ est que voilà un disque dense, intense, pas si aisé à se farcir d’une traite (vu le nombre de compositions, il y avait largement de quoi sortir deux opus distincts, un Ep complémentaire au moins) sans risque de décrocher un peu, ce qui est dommage car rien n’y est mauvais. Ma foi, le combo l’a voulu ainsi; après tout, on peut bien l’écouter en deux sessions sans fiche en l’air l’ambiance. 4,5/6