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Ferriterium › Calvaire
- 2021 • Epictural Productions FC2020/1 • 1 LP 33 tours
- 2022 • Epictural Productions FC2022 • 1 CD
lp/cd • 4 titres • 42:45 min
- 1L'Apostasie11:28
- 2La Proie du Cloître9:08
- 3L'Opéra de Géhenne10:18
- 4L'Apogée du Martyr11:51
informations
Enregistré par Raido. Mixé et masterisé par Mario Dahmen au studio Liquid Aether Audio à l'automne 2020.
Artwork : Sözo Tozö.
line up
Raido (voix, guitare), Julien Helwin (batterie), Lethal (basse)
chronique
Du black qui déboule comme ça, blam, blast en avant pour onze minutes trente tenues. Pas d'intro – atmosphérique ou psalmodiée ou arpégée, rien. Des breaks si on veut appeler ça comme ça, OK. Un ralentissement, un coup, sur ce premier titre – changer de braquet pour attaquer encore plus fort, derrière, dans le dur du son. L'épaisseur, aussi. Calvaire est solide, d'une densité balancée sans gants – à recevoir comme ça, tant qu'à faire, à saisir pleine-prise ou lâcher-la-même (ou peut-être qu'en l'occurrence c'est pareil) pour bien sentir la rugosité du bloc, entendre ce qui bouge dans les crevasses, anfractuosités. Puis ces mélodies, aussi – riffs en morceaux de thèmes ressassés/variés/remis/triturés/ressassés. Comme des tessons de lieds ou de symphonies époque romantique – passées au feu, aux cendres, laissés un temps dans la braise puis laissés longtemps à refroidir.
Pourtant, rien qui sonne fatigue dépressive, neurasthénie, là-dedans, que non ! Parce qu'il y a cette tenue, oui, sans doute, déjà – les mélodies salies mais aux lignes affilées, donc, la batterie comme une plongée grand-v dans un puits de branches conifères – serrées, griffues, qui vous balafrent la tronche et le reste. Et puis bien sûr : cette voix ! Gueulée fâchée, qui sonne plein-le-cul-de-tout plutôt que pleurons-satan-dans-nos-chaumières (éventuellement brûlées). Enfin... Vu le titre, ceux des plages – références bibliques et procédures de renoncement aux sacrements (l'Apostasie donc, acte de se faire dé-baptiser, si je ne m'abuse) – il est tout à fait possible que ça en cause, du supposé Cornu. Ou du marcheur aux quatorze stations (Jésus et son chemin de croix alias Le Calvaire, précisément). J'avoue n'avoir pas tant que ça prêté l'oreille aux paroles – avoir du mal à distinguer, surtout, ce que le mec articule. Il faut dire qu'elle est mixée en dessous du reste, un peu ou plus, cette voix. Un peu diluée dans la reverb, aussi. Et pourtant : elle ressort, elle frappe ! J'ai toujours cette impression nette qu'elle me saisit au col et me braille tout à dix centimètres du visage – et que si je ne saisis pas bien les mots c'est parce que le fracas m'étourdit.
C'est ça, ça se résume à ça, à vrai dire : ce disque me tient debout en même temps qu'il me secoue. Il y a quelque chose d'absurde dans le degré d'aboutissement jusqu'où il pousse sa forme – tout est excellemment joué, l'écriture est de toute évidence travaillée, rien n'est en trop, non-plus, ça n'affiche rien pour l'épate. Absurde parce que tout ce boulot semble exprimer une idée, un paquet de sensations, de ressentiments, d'aspirations empêchées noués tous ensemble à la brute, crispation et agitation l'une et l'autre aussi viscérales. (Je sais, le terme est cliché, usé. Pour l'occasion, je n'en trouve pas qui tombe plus juste, c'est comme ça). Absurde parce que c'est là-dedans que le mec semble se débattre – une absurdité, d'ailleurs, dont on s’accommoderait bien, comme état donné des choses, du monde, de l'existence, si ça n'impliquait pas d'avoir à se fader tellement de conneries, de cons et de connes qui n'en saisissent rien, de cette parfaite absence de sens, se contentent d'en servir la marche en restant dans les clous (même pas ceux de la croix, hein, ceux des routes goudronnées, balisées).
C'est « vertical », oui, cette musique – comme disait la Compagnonne il y a peu, parlant des Vosges et de ses forêts au pied, dans l'amorce de quoi on se trouvait, un peu plus à l'est, si j'ai bien compris, de l'endroit, justement, où a été conçue, mûrie, enregistrée cette musique. Ce massif, ces paysages – c'est sombre, la neige y persiste. C'est beau, aussi, très, avec son indifférence à notre émoi, à nos absences d'émoi si c'est ainsi qu'on est, qu'on se trouve, qu'on s'y trouve ou s'y retrouve. On se disait que de vivre là, ça devait donner envie de ne plus voir, jamais, personne – et de passer sa vie à lire, écrire, dessiner, faire de la musique. Bref, je m'égare. De mon écoute où je vous l'écris, j'arrive à la fin de la dernière plage – L'Apogée du Martyr. (C'est le titre, pas mon état, hein). Je me rends compte que je le trouve éclatant, ce passage – aveuglant, tellement il émane de lumière blanche, phosphore, soleil regardé trop en face, halo ou pas de la brume et des nuages. C'est toujours glaciation mais le ciel semble hurler, à son tour, de toute son étendue, dans cette soudaine couleur, cette soudaine découverte. C'est soudainement poignant, ce passage où tout finit. Et puis ces mélodies, encore... Elles vont me rester, je sais bien. J'y retourne souvent, déjà, depuis que j'ai croisé sans me rappeler trop comment leurs chemins, leurs sentes, que j'ai mis le pied au bord de ce son en pente drue. Bientôt, il faudra que j'y revienne avec en main, devant moi, de quoi faire des images, des formes, des tracés et volumes qui n'auront pas besoin du bourdonnement des mots.
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commentaires
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Alors ça je veux bien le croire ! Marcher de mon côté de la frontière - donc pas si loin, comme tu sais et dans des forêts probablement assez semblables (le Jura, le Haut-Doubs...) - avec cette musique dans le casque, ça doit bien bien le faire aussi... Et dans les forêts - plus hautes, plus noires, les paysages, comme dit dans la chro, davantage "verticaux" - plus près d'où ce disque à été conçu, dans les Vosges, ça doit encore donner à tout ça une autre dimension...
Message édité le 09-08-2024 à 14:13 par dioneo
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- Shelleyan › Envoyez un message privé àShelleyan
En tout cas, marcher dans les Franches-Montagnes suisses sous un ciel orageux avec ceci à fond dans les oreilles, c'est parfait... Et ensuite on enchaîne avec Batushka quand le ciel se couvre et que la pluie tombe (oui, c'est du vécu)
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Réécoute, encore, ce jour - avec le temps cette fois de le faire in-extenso... Ce que je soulignais dans la conclusion de ma chro - l'envie que donne cette musique de s'isoler dans un endroit reculé du monde, où l'humain n'est au plus qu'une présence tolérée, qui peut rester tant qu'elle ne fout pas le reste en l'air, se fait la moins invasive possible - me frappe encore plus fort qu'avant. Je ne dis pas que c'est "réaliste" - à temps plein, je ne crois pas que ça pourrait marcher avec certains aspects de mon mode de vie mais... Ça rend vraiment séduisante l'idée d'un retraite, loin. Séduisante ET effrayante, oui. (Parce que "la nature", on le sait, n'a pas que ça à foutre de nous accueillir ou de s'assurer qu'on y survive ou quoi - et sans trop de doute même, plutôt tout le contraire, en l'espèce, en l'état de notre espèce... Quoique ce soit déjà peut-être lui prêter une intention, une attention de trop envers "nous", ça de lui supposer une hostilité).
Message édité le 09-08-2024 à 13:05 par dioneo
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- Shelleyan › Envoyez un message privé àShelleyan
J'adore Uada justement...
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- Dioneo › Envoyez un message privé àDioneo
Alors je note, vu que je ne connais pas du tout, Uada ! (Et du coup j'ai envie de retourner vers les Vosges et même de pousser plus par là... C'est malin. On verra ça quand viendra l'automne).
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