Ne pas avoir honte de sonner pop pour mieux libérer sa noirceur intrinsèque… Pour son troisième opus, le groupe canadien laisse des influences new wave infiltrer davantage encore sa musique, laquelle ne peut manquer d’évoquer pas mal de projets des 80’s (Tears for fears, Duran Duran, The Cars…) mais avec une gravité tragique qui court du début à la fin de l’album. Sans se départir ouvertement de beaucoup de projets actuels, Actors suivent pourtant leur propre voie par un goût du détails extrêmement développé les poussant à travailler leurs titres de manière peu conventionnelle. Les Canadiens leurrent volontiers par une attaque assez directe de la rythmique mais des chansons telles que ‘Cold eyes’ avec ses délires de guitare, le travail épuré mais très pertinent des synthétiseurs prouvent que ces gens ont pris du temps pour peaufiner leur mise en scène. Même dans des inclinaisons purement dancefloor (‘Death from above’ avec son feeling Human league), le sentiment de profondeur ne se dilue jamais. Apparemment, le sculpteur sonore en chef n’est autre que le chanteur lui-même, Jason Corbett, qui non content de porter la moitié de la mélancolie du disque dans son timbre de Bryan Ferry funèbre, semble être un maniaque de la production et ça paie. Ce disque est extraordinaire dans son oscillation permanente entre accents tranchants (‘Killing time is over’) et tentations pop, sans jamais se départir de son halo de grisaille. Pas réellement froide, pas organique non plus, emplie d’espace mais renvoyant volontiers des reflets intimes, la musique ne lasse pas; d’un simple dancefloor, elle trace une carte urbaine avec ses quartiers les plus moches, ses collines en banlieue, les arbres de ses parcs, la foule et les néons des grandes artères le long desquelles on déboule un peu ivres à l’arrière d’un taxi ou d’une décapotable (‘Only lonely’)… Si je m’étonnais quelque peu de l’engouement suscité par le groupe à l’écoute du premier album, je comprends totalement pourquoi à l’écoute du second. Avec un tel niveau d’écriture, les Canadiens évoquent les plus grand noms de la ‘pop’ de la fin des 70’s et du début des 80’s, ceux qui ont fait carrière, tout le mal que je leur souhaite.