Peut-être que si Nico avait été anglaise, qu’elle avait été un homme et qu’elle avait vécu à la campagne, elle aurait pu écrire cet album ? Peut-être que l’on peut écrire un requiem pour célébrer la vie ? Peut-être que l’on se fout de ces questionnements pseudo-existentiels servant d’entame à la chronique ? A l’aide d’un orgue, d’un melodica, de quelques arrangements, Martyn Bates nous tisse une forme de sabbat champêtre et primesautier où l’on s’imagine couronné(e)s de fleurs à danser la farandole dans les champs parmi les hautes herbes et les pollens en suspension dans l’air… Une farandole filmée au ralenti car cette nature que l’on célèbre n’est pas toujours une alliée, elle abrite aussi en son sein des forces plus obscures dont il convient de respecter le repos. L’homme a un sens inné de la mélancolie et de la beauté, il ne lui faut pas beaucoup pour créer avec quelques accords répétitifs une forme de transe tournoyante emplie d’énergie mais toujours teintée d’un léger halo de tristesse. Musique d’espace et d’air libre car Bates n’est pas de ceux qui privilégient l’épure intimiste, il ose au contraire l’emphase, la flamboyance face au ciel, aux collines, aux falaises desquelles on devine la mer et les vagues s’écrasant à leurs pieds. Mais comme le sel parfume les pâturages anglais, comme la bruine menace aisément le soleil, une pointe d’amertume confère à ces morceaux une saveur exceptionnelle et n’en renforce que davantage la force des mélodies simples et émouvantes dont l’homme a le secret. Certain(e)s ont apparemment ce don dans leur ADN: entrecroiser des fils de larmes dans les circonvolutions du vent, la beauté de l’horizon ouvert. On le ressentait dans les meilleurs travaux de Eyeless in Gaza, on le ressent encore et d’autant plus dans ce magnifique opus, simple, mystiquement beau, légèrement trouble également.