Anatomia › Corporeal Torment

Anatomia parle souvent de décomposition car ils savent de quoi ils parlent : le groupe lui-même est en décomposition depuis leurs débuts il y a vingt ans ! Parti comme un hommage à Autopsy, les deux livides ont su transformer cette pâte en incluant petit à petit du death un peu plus personnalisé jusqu'à l'injection d'une bonne dose de doom qui tanguera vers le funéraire total tout en bouffant jusqu'à la moitié de "Cranial Obsession", "Corporeal Torment" étant le glissement final vers la dark ambient bien cauchemardesque. Ces changements progressifs tel un cadavre de renard bouffé par les vers nous montrent preumio que rien ne vit tout seul, et deuzio que tout change, tout se transforme, et pose la question évidemment de ce qu'on est après et donc aussi avant la mort... un ensemble de choses se réorganisant ou un gaillard bien identifié ? Voilà l'histoire contée aussi le long de cette carrière très pensée, gardant des repères familiers, trouvant son paroxysme sur "Corporeal Torment" ; cet itinéraire death>doom>ambient sera lui-même synthétisé dans le premier morceau, comme si on avait un "résumé des épisodes précédents". Les trois suivants seront une longue, sinueuse, visqueuse descente vers une description de l'angoisse engendrée par le refus de l'ordre des choses, à savoir la juste place de l'humain dans le système, un bidule qu'on pourrait définir comme un agencement de circuits se réorganisant sans cesse, que la conscience considèrera par ignorance comme esclaves alors qu'elle n'en est qu'un rouage parmi d'autres ; ce mépris de la réalité est le sel de l'inspiration d'Anatomia, archétype du groupe de death metal, et ils vont nous le dire et bien nous le redire, nous montrant également que tout genre de musique bien compris est poreux avec quelque autre genre que ce soit, par exemple la dark ambient matinée de doom apocalyptique un peu à la Skepticism si l'on cherche les correspondances lointaines. Et après cette petite heure de douche sacrée et putride, on ne peut donc penser que du bien de ces surprenants, intelligents, épatants Anatomia.