Psychic TV › Mouth of the night

Quand j’avais 16 ans, on nous considérait comme des bizarres parce que nous aimions Einstuerzende Neubauten (‘Mais c’est du bruit !’) ou Christian Death (‘C’est trop glaaaauque’); je n’écoutais pourtant encore pas vraiment Psychic TV, qu’auraient dit alors ces personnes ? Je n’ose l’imaginer mais ne les critique pas, il est certain que ce collectif-là (aux côtés de plusieurs autres dont Coil ou Throbbing Gristle) auront quand même pas mal bouleversé l’approche de la musique, une démarche pas à la portée de toutes les oreilles. Genesis P.-Orridge s’est même souvent présentée davantage comme une écrivaine qu’une musicienne. Si l’on se souvient de ses débuts, performeuse au sein de COUM, ‘Mouth of the night’ parait logique puisqu’il s’agit d’une musique composée pour un ballet interprété par la compagnie Mantis Dance Group (mis en image par le jamais très loin Derek Jarman; jetez un oeil sur Youtube, ça vaut le coup), le travail rythmique y est donc important. L’originalité est de travailler cet aspect avec des percussions mais également des collages de sonorités, bribes de voix, gémissements de coït, assemblés comme des éléments percussifs dans une atmosphère proche de musiques tribales. Ce serait encore trop simple pour Psychic TV qui alourdissent à dessein au besoin par des nappes lourdes (l’excellent ‘Rebis’, ‘Dawn’…). Globalement, les beats sont secs, cassés (‘Discopravity’), les corps ne cherchant pas spécialement une fluidité coulante lors de la danse. Quelques pièces font exception ainsi le martial ‘Separation and undressing’ avec ses roulements lourds, ses collages de ricanements, ses slaps de basse en liberté… L’unique composition presque dansante serait l’étrange valse rapide de ‘The immune zone’, ‘Climax’ concluant sur des atmosphères purement dark ambient. Cette version cd propose pas moins de quatre bonus allant de 4 à 10 minutes, alternant des essais (remixes ?) croisant EBM et expérimentation (9 et 11), musique de chambre gothico-expérimentale très cinématographique (l’excellente piste 10) et un ‘Unclean’ très rock industriel teinté de psychédélisme. Si les constructions hachées sentent un peu les 80’s, le tout a bien vieilli et évoque par instant fortement la démarche des collègues de Coil. Plutôt incroyable de voir les disques exceptionnels laissés par des artistes se présentant comme des dilettantes en musique ! 4,5/6