Ce groupe m’aura fait de l’œil pendant près de vingt-cinq ans, le truc qui te titille, que tu sais que tu finiras par écouter puisque nombre d’ouvrages consacrés au post-punk et l'indus le mentionnent mais dont tu repousses toujours l'écoute à plus tard. Le conseil d’un contact réseau social servira finalement d’étincelle à l'explosion passionnée qui en résultera. De qui s’agit-il ? D’un trio de jeunes gens passionnés de dub, d’expérimentation, farouchement activistes et marqués par la philosophie punk instaurée par Crass. Originaire d’une station balnéaire de la côte ouest, il s’en ira squatter à Londres comme nombre d’artistes de leur génération. En bons libertaires, Bourbonese Qualk, puisque c'est d'eux dont il est question, s’installent du matériel et s’organisent pour produire et diffuser eux-mêmes leurs créations. Aussi intègres que The Pop Group, plus cohérents que Cabaret Voltaire, ils resteront pourtant dans l’ombre des mal connus même si reconnus comme cultes. Il faut dire que le combo ne cherchera jamais à arrondir les angles ou à se limiter. Après quelques K7 limitées, il sort ‘Laughing Afternoon’, sa première production majeure qui annonce assez vite qu’on tient-là un nouvel OVNI. ‘God with us’, c’est ce que produiront Esplendor Geometrico en plus agressif : un beat tribal en boucle avec quelques bruits, effets crissants, bribes vocales derrière. Mais il serait faux de croire que nos Anglais vont s’en servir comme base de travail car le disque les voit faire flèche de tout bois. Post punk très influencé dub avec saxo pour ‘Idiot pain’, expérimentations proches de Tuxedomoon sur ‘Barcelona telephone exchange’ (l’usage du violon), dark ambient version post punk pour ‘Freefall’, dub barrée pour ‘Blood orange bargain day’, mélancolie pop passée aux effets dub sur ‘Behind closed Doors’, influences ethniques sur les rythmes de ‘Qualk street’, post punk dub glauque (‘To Hell with the consequences’), expérimentations indus pures (‘Builiding Jerusalem’) ou encore minimal wave lo-fi (‘Feast of trumpets’). Exposé ainsi, cet album aurait tout d’un fourre-tout dans lequel une truie ne retrouverait pas ses porcelets mais il n’en est rien tant il est baigné d’un halo qui laisse à comprendre vite que c’est une seule et même philosophie qui guide toutes ces explorations. La constante demeure le minimalisme des structures, des voix très peu présentes, effacées souvent, une production lo-fi sans être pourrie, un goût du rêche et une absence quasi systématique de mélodie identifiable, l’accent étant clairement porté sur les atmosphères. Il s’agit certes d’un premier jet mais beaucoup d’éléments se mettent déjà en place, notamment la volonté de pousser le public dans des retranchements inattendus. Plus que comme une œuvre définitive et aboutie, il me semble être à considérer comme la mise en place d’un vivier de sonorités, de rythmes, d’attitude surtout dans lequel puiseront non seulement Bourbonese Qualk mais bien d’autres formations également. L’os de l’âge industriel sans la moelle mais avec le militantisme.