KoЯn › Requiem

Quelle foutue pochette synesthésique ! Elle fait ressurgir les sensations tactiles de l'enfance, dans ces matières malléables et sensuelles : la pâte à modeler, la pâte à sel, la pâte à prout... C'est un emballage parfait pour un koRn, ce groupe de l'enfance malaxée-écrabouillée ! L'album qu'elle renferme, hélas, fait plus patatras. The Serenity of Suffering avait prouvé que nos soit-disant rincés koRn pouvaient sortir un bon album à l'âge canonique, voire faire la nique à leurs jeunes années. Mais là, badaboum. Dodu mais raplapla, Requiem restera dans les mémoires comme un carré "insta". La formule est respectée, platement, cahier-décharge. Concis. Même si la basse ne bounce pas autant qu'on voudrait, y a le tempo qui tamponne, la gratte qui crisse, les riffs qui krisprollsent, le Davis qui screugneugneute et qui ouin-ouine entre deux effusions de diva. Y a un peu tout, mais y a un peu rien du tout, dans ce Requiem qui sort comme du pus biactolé aseptisé, giclant d'un bouton blanc pressé pouce à pouce dans une dimension où on sait pas si on est en 1995, 2005, 2015... Où on ne perçoit plus les aliments, entre les additifs E150d, E202, E261. Même en regardant bien la tranche de la boîte. KoRn se sont pas foulé : boulottage automatique. "Lost in the Grandeur", ça en dit déjà assez long, comme tentative de tube post-"on a tout dit". J'entends ces mots dans la bouillie carrée : "I'm so fed up". Eux-mêmes ils savent, c'est certain. Requiem ? Raie qui couenne. Une fois que je l'écoutais au casque dans la rue, sur mon smartphone (ces mouchards font de bien bons baladeurs) j'ai vu une grosse moche poussant son bébé boudiné, lui disant d'arrêter de chouiner à grands renforts de gros mots, du moins il me semble en avoir perçu quelques bribes tandis qu'elle essayait vainement de le faire taire en cherchant à lui carrer sa tototte... Enfin pourquoi je vous parle de ça ? Ah oui : parce que j'ai bloqué quelques massives secondes sur le bourrelet qui dépassait de son t-shirt. En me disant "c'est p't'être juste ça la vie, au final ?", avachi dans ma tête comme un Tony Montana au restau, égrenant son humeur maussade en philosofientes sur la vacuité et l'affaissement passé un certain âge. Ce carré de vécu, banal, répond ma foi assez bien à cet album pondu avec énergie mais sans envie par des musiciens embourgeoisés, ce koRn qui glisse des enceintes comme ce bourrelet livide, déprimant, mais pas au sens d'un drame comme jadis dans la discographie, non ; juste d'un pauvre élément du réel, sans esthétique. Le gras du vide, pas celui qui est la vie. Si tristesse il y a, ici, elle est bien celle de la reprise de la vie après un deuil inconsolable : mécanique. On mange, on cause, on fait caca, on fait dodo. Et on recommencera demain. On le sait, penché au-dessus du lavabo, avant de cracher le dentifrice. Ce Korn morne aussi. Il crache son dentifrice mousseux sur la faïence, il pose sa triste pêche de goth-funk-metal, un excrément de type plongeur-fantôme, celui qui fait même pas "chplouf", ne laisse aucune odeur dans le secteur, aucune trace sur le carré de pécu, et a même disparu avant qu'on tire la chasse. Moui, le cerveau n'est pas vraiment une cuvette de chiottes, je suis bien d'accord. Mais parfois, avec ces gros groupes américains qui posent leur album pro et calibré sitôt sorti sitôt oublié, c'est un peu la sensation qu'on a.