Valborg › Barbarian

En me remémorant la réception de la missive, commandée au label, je revois nettement ce fort beau gros cachet : "ZEITGEISTER". Et puis plus loin ce délicat, chatoyant "FRANKREICH". Héhéhééé, ça c'est de l'entrée dans ton foyer ! Où sont les cygnes bien poivrés, les pâtés de cerf ? VALBORG A FAIM ! Faim d'ambiance. Faim d'ampleur. Faim de paysages à traverser, de contrées à touiller, de villages à soumettre par sa seule présence. On investit le terrain de guerre tout-confort Barbarian, on a chaussé ses charentaises d'assaut, enfilé sa robe de chambre cloutée, on n'pose pas de question ! On vénère ce nom d'aquavit, rehaussé d'un V de Victoire odieux. Et on brame : VALBORG ROI DU METAL TEUTON !!! Et de l'Helvétie envahie ! Car comme d'habitude, on sentira ici ou là l'hommage aux grandes années du Givre Celtique (jusque dans le livret d'ailleurs : la pose de Christian Kolf façon Tom G. Warrior valant son pesant de cahuètes), mais le Valborg impose ici en panoramique son aura teutonique singulière, outre-gothique, foulant les terres retournées de conflits oubliés, tout en ayant la tête dans les cumulo-nimbus. Il arpente sa musique, la déploie par monts et par taureaux, comme sur l'imparable "Samantha Alive", qui serait un tube métallique absolu dans un monde plus velu que le nôtre, elle qui est posée comme un "Stairway to Valhalla" sur ce Val-Borg IV (la grosse ballade dans l'album de hard rock, ils savent y faire aussi !) Mais avant, on se fait bien traîner dans le décor. Pour son Barbarian, le Valborg a choisi le pas de slow. Filière Atmosphère, option lourde Ambiance. Un peu à l'image de sa pochette plus évanescente qu'à l'accoutumée, avec ce beau gros rocher à côté duquel guette le guerrier anonyme. Le ciel prêt à lui tomber sur le casque. L'air est chargé, on ressent ce frisson électrique d'avant la bataille. Rien que l'intro pose son mégaderche dans les baffles, les oreilles, le cerveau. Le son Valborg, ainsi sis, impose en une poignées de seconde sa puissance limpide, son austérité profonde. Un gigantesque néon grésillant descend des Cieux. À moins que ce ne soit juste un synthétiseur ? La voix méta-metal et über-mutante achevant d'imposer le respect. Valborg est MÛR À POINT. "Exterminator" est déjà gratinée, dans le genre bourre-doom "proto-Romantik", mais... Non di diou, qu'est-ce que c'est que si que quoi que cette maladie de gorge orpheline sur "Amethystine Skies" ?!!! Boborg, mon bon gros germain malsain des Carpates : permettez-moi de vous dire que vous êtes fichtrement Doué. Et que je me repais de votre dodu et juteux Barbarian comme d'un sanglier dans une ultime case de la BD, schkrompfff, schleurp, sluuuurp. Puis j'essuie les commissures avec le linceul, et alors je sens le temps qui s'arrête presque, halte dans la neige recouvrant les cendres, quand la guitare fait do-doom do-doom avec un gros pouce sur la grosse corde, faisant mine de temporiser, avant que ne se déploie "Dead Flowers on a Demon Grave". Festin, charnier. Quand "Phlegethonian Stream" (ouais) piétine le crâne du dernier paysan récalcitrant, la conquête de tous les hameaux du secteur est complète, le pouvoir grogothique du Valborg se révèle dans son entièreté, laissant entrevoir sa vastitude grandiose avant la plongée sans retour du Romantik. Puis, ah, mmmh, ce "Towering Clouds" monumental, sur lequel mon Boborg beugle "POWER" comme un Uruk-hai qui reprendrait "Sinnerman" après sa dixième pinte de sang ! J'en ai les morgenstern qui applaudissent. Ce bougre de Barbarian est rabelaisien, il vous tend son outre généreuse au sommet de la colline, comment refuser ? Balloté par le tempo doominateur, la nonchalance ogresque du Valborg en maîtrise totale de son style. L'auditeur amorphe et repu, adossé à l'énorme tronc qu'est ce son, se laissera aisément aller à siester dans cette plénitude des ténèbres... mais peut-être aura-t-il déjà franchi le seuil, comme le Dormeur du Valborg ?