Pop. 1280 sont tombés dans la piscine de colle blanche, comme Jack Napier dans la cuve d'acide. Et cela les a en quelque sorte métamorphosés, sans les changer. Nappés de ce beau blanc moloko, soutenu par un joli jaune pac-man. Leur son est passé du papier de verre, au papier glacé. Et moi, humer le papier glacé - shhhmmmffffffff - j'adooore ! Regarder danser les gens, au son de la bonne dark wave du futur du passé, quand les ordinateurs faisaient de gros POUT POUT à chaque touche frappée, quand les robots saignaient, quand les néons chibraient la nuit. Pop. 1280 muant electro-goth pure (ou quasi : la guitare a survécu, elle grince des crocs ici ou là), c'est beau, parce que cela s'est fait aussi naturellement qu'un changement de saison. Hiver nucléaire, dancefloor pour tous. Ce son vient de New-York mais il renarde l'electro Belge de l'ère préhisto, en ayant sa p'tite saveur rien qu'à lui. Brooklyn, c'est bien un patelin du plat-pays, non ? Mh ? Brooxelles ? Mmmh... Mélodies aux lueurs chimiques irrésistibles, sortant d'écrans à mâchoires, série de tubes en éprouvettes blindées. Du Pop. 1280 à sérums et scalpels, tout en gardant cet arrière-goût de cigarette éteinte - le chant à gosier agrippeur de Chris n'y étant sûrement pas étranger. Chez lui comme à la maison sur ces pulsations "synthétiques analogiques". Heureux comme une murène dans le lait. Longeant les ondulations de ces synthétiseurs de la guerre froide, plus seulement ingrédient mais armature. Museum on the Horizon devrait en émoustiller plus d'un sur les dalles lumineuses du sixième sous-sol... "Here you go, round and round, you're going round, the merry go round". En fait, à moins d'être allergique à la dark-electro, faudrait vraiment être atteint d'agueusie tympanique au stade évolué, pour résister à un disque pareil. Régalade à tous les étages, pour qui n'aura jamais assez du son et de l'ambiance d'une certaine époque - et des goûts un peu trop exigeants pour les innombrables bidules inoffensifs d'un certain "revival", comme tous ces trucs interchangeables de la "synthwave". Pop.1280 sont supérieurs à un simple plaisir fétichiste et nostalgique. Leur zique à gros protons, ici, c'est pas du rétropportunisme qui confond la façade et les fondations : elle laisse comme une odeur sur les doigts des oreilles. Elle est vénéneuse. Elle s'infiltre comme par cathéter. Tous les morceaux sont au minimum savoureux, mais impossible de passer sous silence "Not Too Deep" : cette pute m'a hameçonné direct le neurone, et me gagne encore comme à la toute première écoute... Hé bien c'est simple : j'ai l'impression d'avoir connu ce morceau toute ma vie. Un peu comme cet album d'ailleurs, mais en plus obsédant. C'est un des plus gros tubes des années 80 tardives, il lui a juste fallu à peu près trente-cinq ans pour montrer sa gueule. Celle-là, c'est trois tours de platine minimum à chaque sortie du carton. Je ne suis pas danseur, mais je smurfe entre les rangées d'unités centrales de 3 mètres, je guinche avec de la replicant en combinaison, tout ça en pensant à la vie de l'autre côté de l'abri antiatomique. Et sur le reste : bienvenue à Guts of Fitness, à toute latitude de la nuit. On a posé le vélo elliptique près de la faille spatio-temporelle, attention à la marche. J'ai des fourmis dans les circuits, à imaginer ce qu'ils vont nous proposer pour le prochain. En attendant, je me laisse absorber par la lumière pâle et magique du frigidaire, que j'ai laissé ouvert en guise de veilleuse...