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Liz Phair › Exile in Guyville

  • 1993 • Matador OLE 051-2 • 1 CD

cd • 18 titres • 55:40 min

  • 16'1"3:05
  • 2Help Me Mary2:16
  • 3Glory1:29
  • 4Dance of the Seven Veils2:29
  • 5Never Said3:16
  • 6Soap Star Joe2:44
  • 7Explain It to Me3:11
  • 8Canary3:19
  • 9Mesmerizing3:55
  • 10Fuck and Run3:07
  • 11Girls! Girls! Girls!2:20
  • 12Divorce Song3:20
  • 13Shatter5:28
  • 14Flower2:03
  • 15Johnny Sunshine3:27
  • 16Gunshy3:15
  • 17Stratford-on-Guy2:59
  • 18Strange Loop3:57

informations

Produit par Liz Phair et Brad Wood

Photo de couverture : Nash Kato

line up

Liz Phair (chant, guitare, piano, handclaps), Brad Wood (percussions, basse, choeurs, batterie, guitare, orgue, synthétiseurs, handclaps, feedback, drone), Casey Rice (choeurs, guitare, handclaps, percussions, grognements)

Musiciens additionnels : John Casey Awsumb (harpe 6, 12), Tutti Jackson (choeurs 6), Tony Marlotti (basse 15)

chronique

  • culte / cru

Liz Phair ou le malentendu de la scène « indie » dans les années quatre-vingt dix. Dans un article en réponse à un critique musical de Chicago intitulé « Three pandering sluts and their music-press stooges », Steve Albini attaquait ce qu’il considérait alors comme une fraude portée par l’industrie musicale envers la scène indépendante de Chi-town, avec le soutien de la presse spécialisée, en la personne des Smashing Pumpkins, Urge Overkill et Liz Phair. De cette dernière, la moins pénible des trois pour Albini, il disait qu’elle était une sorte de Ricky Lee Jones moderne, dont on ne parle plus qu’on ne l’écoute, dénuée de substance et chiante à mourir à écouter, tout en reprochant cependant que les critiques qui lui échoient soient majoritairement basées sur sa vie personnelle au lieu de son travail artistique (une meuf dans la musique quoi). Quand Liz Phair interview Albini quinze ans plus tard pour un documentaire accompagnant la réédition de son album culte, il reconnaît l’importance que celui-ci aura eu sur une audience féminine qui n’avait pas grand chose à se mettre sous la dent, personne qui parlait vraiment pour elles. Son problème à l’époque, c’était les gros labels qui venaient faire la cueillette au sein d’un réseau de groupes et de personnes organisées en indépendant pour faire vivre leur musique, surfant sur la vague de « l’alternative » et y voyant une occasion comme une autre de faire de la grosse caillasse. Et Liz Phair là dedans ? Traînant autour de tout ce monde là, voulant faire son album après que ses cassettes lo-fi « Girly-Sound » enregistrées à la maison aient été passées de mains en mains jusqu’à acquérir un statut de culte underground, elle signe avec Matador, gros label indépendant bien vite maclé avec Atlantic Records. La voilà propulsée figure féminine de la nouvelle scène indie-rock lo-fi avec un album censé être une réponse chanson par chanson à « Exile on Main St. » des Rolling Stones, concept plus ou moins fumeux sorti en interview par Phair. Avec une bonne partie des titres retravaillés à partir de chansons des cassettes « Girly-Sound », l’album est pour certains qui les avaient entendu déjà « trop produit », assertion surprenante à l’écoute de ce truc peu aimable, où une instrumentation plutôt austère (au plus chargé c’est guitare, batterie/percussion, basse le plus souvent absente, piano spectral ou orgue qui drone à l’occasion) accompagne ce chant à l’expressivité fleuretant toujours avec ses propres limites.

Le fait est que personne ne sonnait alors comme Liz Phair. Exilée dans un monde de mecs, comme l’était (comme ailleurs) la scène indépendante de Chicago, où les meufs étaient au mieux les copines des musiciens, où si y a des velléités de se l’ouvrir sur scène, on va se prendre des « A poil !!! » de la part d’auditoires pas particulièrement plus ouverts que le péquin moyen qui regarde MTV. Mais Liz Phair l’ouvre, et ce qu’elle a à dire n’est pas particulièrement agréable. Guitare à peine twangy, plutôt revêche mais sans tomber dans le noisy, approche très slacker-rock de l’époque où se fait entendre une musique très spécifiquement américaine, le country-rock n’est jamais très loin, le folk dépouillé non plus. Et puis cette atmosphère un peu morne, voire lugubre, héritée de « Girly-Sound » comme sur la minute frissonnante de « Glory », qui envoie un coup de givre dès le début de l’album. Liz Phair se pose en singer-songwriter sortie de sa chambre, elle y parle de trucs dont on ne parle pas trop et que finalement seul les filles comprennent vraiment. Elle est juste assez indie-rock pour faire le job de s’infiltrer, juste assez « raw » dans le son, abrupte dans sa composition (rien de frontalement catchy malgré les formes plutôt traditionnelles dans lesquelles elle évolue). Et crue et brutale aussi dans ses paroles. Liz Phair, c’est la girl-next door qui, sur fond de drone électrique informe, débite sous forme de comptine des « je vais te baiser comme un chien, te ramener à la maison et te faire aimer ça » et autre « je veux être ta reine de la pipe ». Les mecs auraient tort de s’exciter, ou de s’offusquer, ce qu’elle raconte n’est pas fait pour eux, elle s’exprime comme sujet, pour elle même.

Et puis d’ailleurs, elle le sait bien que depuis toujours, les mecs c’est « Fuck and Run », redoutable tournerie qui claque comme un coup de trique où l’âge des rapports merdiques ne cesse de reculer, jusqu’à… gasp… douze ans, alors que dans un élan de sincérité mi-touchant mi-pathétique, Phair lance des « I want a boyfriend ». Les meufs savent. Alors elles font de Liz Phair leur héroïne et de « Exile in Guyville » un album absolument culte, dont le statut de monument de l’indie-rock lo-fi ne cessera d’enfermer son autrice dans une image qui n’était pas pour elle. Liz Phair n’avait pas vocation à être une figure culte de l’indie-rock. La photo de couverture, pas moins iconique, en témoigne. Prise par son pote Nash Kato (de Urge Overkill, le boucle est bouclée), elle présente une Liz Phair presque glamour, laissant entrevoir dans un coin un téton discret mais indiscutable, parce que sex sells et qu’après tout, « Exile » en parle pas mal. Même si celui dont elle parle n’est pas particulièrement vendeur. De toute façon les géniales chansons de « Girly-Sound », mélange d’humour noir, d’ironie et de désespoir, revisitées en à peine plus polies (le « I’ll fuck you and your girlfriend too » de « Flowers » se voit délesté de son aspect bisexuel), n’étaient pas vendeuses. Parfois réduite à une portion congrue mélodique et instrumentale qui leur donne toute leur force (le ton bluesy malveillant de « Girls! Girls! Girls! ») ou juste trop bizarrement agencées (« Johnny Sunshine », pure merveille de noise-pop étrange). Un album paradoxalement difficile, à prendre dans son intégralité, se concluant (presque) sur le génial « Stratford-On-Guy », sorte de vision panoptique au dessus de Chicago, où le chant un peu tremblant et grave de Phair se cale sur un mid-tempo morose qui assène au refrain son agressivité rentrée. C’est un peu ça « Exile », une sorte de ras-le-bol parfois drôle, parfois tragique, parfois catchy, parfois tordu, parfois juste complètement déprimé. L’album de quelqu’un qui n’en a rien à carrer de ce qu’on projette sur elle, finalement. L’indépendance était bien plus à ce niveau là que dans une esthétique alors en vogue.

note       Publiée le lundi 10 octobre 2022

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    (N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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    Superbe reprise, merci du partage ! Je ne suis pas surpris qu'elles aillent rechercher la version "Girly-Sound" du morceau (les démos enregistrées par Liz Phair et distribuées en K7, ce qui lui avait valu sa réputation d'artiste culte avant même qu'elle n'enregistre ce premier album), qui va encore plus loin que celle enregistrée ici.

    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
    avatar

    C'est pas ma chanson préférée (c'est un peu "les nuits d'une demoiselle" version USA, poussez-vous que jm'y mette) , mais bon, une reprise fort dégagée de tout arrangement de cette chanson... fort engagée, qu'est "Flower" (au passage, ils faisaient quoi chez Parental Advisory Corp., en 93 ? Ouais je sais, il étaient débordés par le dossier "rap en voie de hardcorisation") : https://www.youtube.com/watch?v=WKW9qloXSro

    zugal21 Envoyez un message privé àzugal21

    J'aime sa façon d'appeler un chat un chat. Et ce, harmonieusement. Sacrée Louloute, cette petite.

    Message édité le 07-01-2023 à 16:06 par zugal21

    Note donnée au disque :       
    (N°6) Envoyez un message privé à(N°6)
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    Bah oui c'est mieux, surtout qu'on parle de Liz Phair en fait, et de Guyville en particulier. Pour le reste, je compte pas chroniquer l'album de 2003, vu que sur GoD bah il sera pas du tout à sa place (même si bon, j'ai vu des trucs largement plus tiédasses et centristes chroniqués, hein), donc c'est pas vraiment la peine de refaire le match de l'époque, qui est depuis longtemps nul et non avenu, bien heureusement. Mais ça illustre très exactement le point central de la chro en fait.

    (edit : et sinon, je me contrefous de Avril Lavigne comme de tout le pop-punk à roulette de l'époque et j'aime beaucoup Californication)

    Message édité le 12-10-2022 à 14:00 par (N°6)

    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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    j'avais fait une réponse mais si tu ne vois pas en quoi Avril Lavigne est condescendante, on va économiser de l'huile de clavier. Et ça fait office de démonstration. (edit : moi aussi j'ai des potes qui disent que son 1er album était une énorme claque générationnelle, l'équivalent d'Offspring ou de Californication pour la génération d'avant - la mienne... ça ne change pas ce que mes oreilles entendent, et d'ailleurs, je suis en général assez réceptif au fait de dire que Californication avait un coté "hitmaker" condescendant aussi, mais ça reste 300 milliard d'années lumières moins pourri.)

    Message édité le 12-10-2022 à 13:51 par dariev stands