Modicum Mortem citent volontiers leurs influences, du deathrock, du black metal, du goth old school (sans oublier la littérature) mais, précisent-ils, ils ne s’y sentent pas piégés et préfèrent travailler leurs propre univers. Ouais, bof, tous les groupes disent ça alors que la moitié pue ses références comme une poubelle à compost, sauf que c’est vrai dans le cas du duo; on devine bien ce qu’ils écoutent et apprécient mais on a surtout envie de se concentrer sur leur univers sonore, un univers libre d’entraves dans la composition, franchement tripant. Le combo préfère les productions caverneuses à l’ancienne, la réverbération des vieux caveaux moussus anthracites de poussière, aux pierres tombales de Sagex trop en vogue aujourd’hui. Hormis une bonne reprise de ‘Alice’ des Sisters of Mercy un peu scolaire mais vraiment fidèle à l’esprit du gothic rock originel débarrassé de toute flamboyance, le mini propose pas moins de cinq compositions propres qui valent franchement le détour. A commencer par ‘The Tracker’, une véritable chasse lycanthrope rythmée par une boîte simple mais à la pulsation quasi chamanique traversée de temps à autre par des hurlements de sorcière. Le chant guerrier (du genre qui fait peur), les guitares tendues, violentes, tapissant l’arrière-fond confèrent une atmosphère unique et jusqu’au-boutiste m’évoquant les Australiens de Leviathan. Même les imprécations féminines au milieu ne cassent pas cette atmosphère angoissante vraiment tripante. Quel bonheur que d’écouter une musique qui a compris la définition littéraire de ‘gothique’! ‘Eternal rest’ manie aussi la bêche deathrock mais dans une optique plus froide, détachée, mystique néanmoins. Le groupe gère ses climats au petits oignons avec le contraste entre la récitation féminine glacée, le chant masculin spectral en arrière-fond. Si cette première chanson peut évoquer une nuit cérémonielle funèbre, ‘Deadly toys’ en serait l’aube hivernale. Le ton est plus dépouillé, légèrement moins glauque, ce moment où la quête imprécative trouve son aboutissement. Quant je parlais de liberté créatrice… Après nous avoir plongé(e)s dans cet univers mortifère de haut vol (avec production DIY parfaitement adaptée), le duo nous balance l’excellent ‘Evil church’ que je résumerais par: ‘Un Suicide gothique jouant de la musique dans la chapelle désaffectée d’une prison en ruines' avant de conclure par un ‘Oh God !’ lent mais très pesant, genre Will de la grande époque, avec cris en arrière-fond à glacer le sang pour des ambiances extrêmement lugubres. Cet élargissement du spectre influenceur ne rompt en rien la cohérence d’un disque placé sous le signe du glauque (hallelujah !) capable de mêler en la même toile des influences deathrock, dark electro indus (hé, les fans de Will et Wumpscut, joignez-vous au sabbat !) avec un pinceau taillé à la main.