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Iskra › Ruins

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Dioneo      lundi 26 septembre 2022 - 19:18

cd • 10 titres • 42:42 min

  • 1Lawless3:15
  • 2Ruins3:08
  • 3Predator Drone MQ-16:00
  • 4Traume4:29
  • 5Nihil3:57
  • 6Illegal5:25
  • 7Aegis of the Victor4:47
  • 8Der Einzige3:27
  • 9Lebensraum3:04
  • 10Battle of the Hundred Slain5:04

informations

Enregistré au printemps 2014 par Cody Baresich. Masterisé au studio The Cutting Room, Stockholm, Suède.

Le LP de 2015 est sorti en deux éditions, coproduites par de nombreux labels ; « à l'internationale » (Yehonala Tapes/Neanderthal Stench/Back on Tracks/Crust or Die/Criminal Attack/Ya Basta/Sick Man Getting Sick/Dark Side of Punk/Chainbreaker/Kajfasz/DVM/Headnoise/Panda Banda) et pour les États Unis et le Canada (Profane Existence/War on Music/Doomed Society/What Is Making Us Sick/Black Raven/Nocturnal Reign/Echoes from Beneath). La version cassette de 2017 est une corpoduction des labels malaisiens Revulsion Records et Terr Records. L'édition Headnoise de 2020 est sortie à priori uniquement en Russie.

line up

Anatol Anton (guitare), Cody Baresich (batterie), Danni (voix), Wolf Edwards (guitare), J.P. (basse), Wolf Edwards (guitare)

chronique

« Desperate »... Comme le rappelait jadis un auteur (Romain Gary, dans Chien Blanc) – se corrigeant lui-même : le sens du terme, en anglais, se rapproche au moins autant de notre « enragé » que d'un pur et simple « désespéré » à quoi l'assimilerait une traduction un peu hâtive. Gary rapportait le propos que lui tenait un ami qu'il ne comprenait plus – activiste proche des Black Panthers, qui de son côté tentait de définir pour lui la situation d'alors dans son quartier (noir et pauvre, donc...). L'histoire est à priori vraie, et le livre finit mal. L'auteur, par ailleurs, se tirera une balle dans la bouche en guise de point final, quelques années plus tard. Bon. Gary, à vrai dire, n'était pas franchement du même bord, politiquement, que les gens dont on cause ici...

Il n'empêche, ce mot – « desparate », donc – colle parfaitement à cette musique. Il en cerne, en communique parfaitement l'ambiance. Comme ce titre – Ruins. Comme ce paysage désolé – minéral, gelé, magnifique mais hostile – sur la pochette. Iskra – « l'étincelle », en russe ; et le titre d'un journal révolutionnaire un temps dirigé par Lénine en personne avant qu'il n'en renie radicalement la ligne – jouent une musique furieuse, âpre, toute en harmoniques déchirées, en chromatismes vrillés, d'un incandescence glacée. Des mélodies d'une tristesse sans fond – mais jouées en gloire ; avant que la batterie, le changement de tempo suivant ne vienne les fracasser – nous en jeter les pointes pleine-face, pleine-tripe, plein-poitrail, angles cassés et fils crantés. Qu'on définisse ces dix morceaux comme du « blackened crust » ou qu'on choisisse de prendre la chose dans l'autre sens – du black metal joué par des squatteurs (à dreads) arnarcho-punk – peu importe, au fond. La mixture en tout cas, arrache tout ce qu'elle frotte. C'est joué la plupart du temps à toute berzingue, le geste raide, crispé, violent mais exact. La batterie ne respire jamais – elle expulse. La femme au micro braille aussi saturé que le reste – et pour eux ça veut dire BEAUCOUP. Les guitares emboîtent à la même vitesse (éclair) que tous les autres riffs en crêtes aiguës et accès de « soli » qui semblent chercher le chemin le plus coupant d'un point A (cerclé) à un point B (comme Baston ? Bastion ? Bakounine ?)... Le livret – abondant – lève le doute, s'il en persistait le moindre : le groupe n'invoque aucun satan, préfère mettre en regard des citations de penseurs anarchistes (décidément) de toutes dés-obédiences et de bouchers militaires de toutes les nations, souligner la saloperie bien concrète des choses, d'un réel bien dégueulasse qui coure sans fin au long de l'histoire. Des textes explicatifs détaillent le contenu de chaque morceau – convoquent Baudrillard et décrivent la bataille de Little Big Horn, relèvent les noms de modèles des derniers « robots tueurs » sortis d'usine (le massacre sans se salir les mains ni même les yeux, pas besoin de surveiller, de piloter, les machines avancent toutes seules...), revendiquent l'illégalisme et réfutent le nihilisme – petit jeu des horreurs qui sape nos cultures « occidentales et modernes » (depuis au moins... qui ? Schopenhauer ?)... Ça choisit, ça a choisi son camp et ça ne lâche pas l'affaire. Une affaire de conviction, pas de distraction – avec ou sans la lecture (de cet insert pour le moins dense, glissé dans la pochette), on n'en doutera guère. Ça ne rigole pas – pas une seconde. Pourtant ça n'abat pas, non-plus – cette noirceur qu'ils et elle infusent brutalement, rejettent dans l'atmosphère presque trois quarts d'heure durant. Au contraire, ça nous repasse sa vigueur, plutôt, face aux avatars innombrables et jamais taris du Désastre – face au non-recevoir continuel d'un monde qui préfère ne pas trop en savoir, ne pas trop se questionner. Ça ne prétend pas qu'il suffirait de jouer dur et fort, de choper leurs disques pour changer les choses – infléchir quoi que ce soit, les fameuses « choses » qui « sont comme ça, et puis voilà ». Ça en énonce, en revanche, l'insupportable, l'inacceptable – le processus en boucle et tout ce qu'il bouffe, rogne, détruit en nous, et toujours plus sûrement à mesure qu'on s'aligne, en termes les plus directs possibles, les moins enrobés... Et après ? Des solutions, proposées ? Non, pas vraiment, pas en miracles. Une ligne de vie, seulement, de conduite, racontée – dont cette musique, sans doute, est l'une des nourritures, des sources d'énergie ordinaire. Quelque chose de très immédiat et de pas joli, le strict nécessaire poussé au maximum.

« Desperate » ? Oui, peut-être bien. Mais sans gueule-de-fusil – d'automatique, de canon... – donnée comme une issue possible. L'issue, c'est pour ceux qui partent. Rester fait bien plus mal – mais on n'a guère le choix, alors on fait des toits, des sous-sols et de fenêtres aux murs, plutôt que de façonner des idoles ou des munitions.

note       Publiée le lundi 26 septembre 2022

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Je ne connais pas, pour le coup mais j'ai lu ta chro et il y a un truc que je retrouve : le "pourquoi" on aime plus tel ou tel groupe de crust grind etc plus qu'un autre, au-delà du plus-vite-plus-fort, l'originalité du truc ne crevant pas forcément les tympans... Pour Iskra et pour ma part c'est une question d'énergie, de conviction que j'y entends, qui ne tient pas que du bourrinage... J'aime bien leurs riffs aussi, plein de mélodies (tristes comme dit dans la chro) sous le côté ultra-fâché. (Et j'irai poser l'oreille du côté de tes Allemands du coup, vu que je suis pas mal sur les musiques vénères, en ce moment...).

    Note donnée au disque :       
    Shelleyan Envoyez un message privé àShelleyan
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    Ah oui, ça dépote sévère; ça me rappelle un brin les Allemands de Morder (ici chroniqués)

    nicola Envoyez un message privé ànicola

    Traduction : j’ai les quinze albums chopés à l’époque sur le site plus à jour.

    Message édité le 28-09-2022 à 17:49 par nicola

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    @nicola : bah oui mais vu que cet expiré... Ça nous fait une belle jambe de tôle rouillée/étai d'entrepôt squatté ?

    @Aplecraf : cimer, pour la chro... Un groupe a écouter les jours de mauvaise humeur de préférence, je préviens, par contre. Enfin, disons que c'est du rêche, quoi, pas forcément adapté pour l'animation musicale du goûter des mioches le mercredi.

    Message édité le 28-09-2022 à 14:54 par dioneo

    Note donnée au disque :       
    nicola Envoyez un message privé ànicola

    Et ça se trouvait gratos sur leur site.