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Compilations - Bandes originales de films › The Big Lebowski (OST)

  • 1998 • Mercury 536 903-2 • 1 CD

cd • 14 titres • 51:47 min

  • 1Bob Dylan – The Man in Me3:08
  • 2Captain Beefheart – Her Eyes Are a Blue Million Miles2:54
  • 3Elvis Costello – My Mood Swings2:10
  • 4Yma Sumac – Ataypura3:03
  • 5Piero Piccioni – Traffic Boom3:15
  • 6Nina Simone – I Got It Bad and That Ain't Good4:07
  • 7Moondog with Orchestra – Stamping Ground5:16
  • 8Kenny Rodgers & the First Edition – Just Dropped in (to See What Condition my Condition Was in)3:20
  • 9Meredith Monk – Walking Song2:55
  • 10Ilona Steingruber, Anton Dermota & the Austrian State Radio Orchestra – « Glück Das Mir Verblieb » from the Opera « Die Tote Stadt »5:07
  • 11Henry Mancini – Lujon2:38
  • 12Gipsy Kings – Hotel California5:47
  • 13Carter Burwell – Wie Glauben3:21
  • 14Townes Van Zandt – Dead Flowers4:47

informations

chronique

Le Dude – Jeff Lebowski – déteste les Eagles. Ça se comprend. Et The Big Lebowski n'est pas une simple pochade : c'est un, c'est LE grand film country-rock des frères Coen. Peut-être bien leur premier, aussi, à quitter le refuge de l'Absurde et Suprême Ironie pour dire un peu « voyez... comme ça va mal ». Recta. Attention, je ne dis pas : avec toujours cet humour de salopards, ce sens de la fatalité autant que du méchant à-propos des accidents et des coïncidences. Mais peut-être pour la première fois, disais-je, en tombant le masque, ou plutôt en inscrivant dessus, filigrane ou pas, tout ce qui est foutu – et qui l'est peut-être, qui l'était sûrement depuis le début, dans l'Histoire, les traités (qui étaient des contrats, déjà), les mythes et légendes – en Amérique. DANS l'Amérique. (Il y aurait certes, ensuite, des O Brother, oui – mais aussi des Ballades de Buster Scruggs, sans pitié, le rire vite arraché...). Car l'Amérique du Dude et de sa bande de potes, c'est celle des Grands Niqués – ceux qui ont raté le coche, qui auraient pu, qui de justesse sont redevenus rien, leur époque ayant sombré, leur moment. Et oui, bien sûr : ce film est hilarant – mais justement, parce qu'au fond, pas de quoi rire !

Le Dude aime les Russes Blancs – le cocktail vodka-lait, pas les rescapés tsaristes (quoiqu'entre déclassés, déchus... ça ne serait pas dénué de sens ?). Le bowling. Et rien foutre, le pétard au bec, couché sur son tapis. Faut PAS : pisser sur son tapis ! C'est sale. Le Big du titre, il semble, c'en est un autre – de Lebowski, nommé Jeffrey, aussi. Mais millionnaire – des tapis, cet autre en a plein, mais merde... C'est pas le SIEN, au Dude. Le Dude n'aime pas qu'on le vole. Le Dude a été le héros d'un instant – subversif, dans une émeute, la Résistance. Et puis tout s'est cassé la gueule – tout a foutu le camp. Le film dit ça – le Dude, un moment, l'articule comme en passant, au coin d'une tentative de drague un peu minable mais au moins, il semble, sincère.

Et la B.O., aussi, raconte. Même prise à part, écoutée sans l'image : une sacrée tranche de narration, en plus d'une belle compile. Qui commence par Dylan – survivant d'une contre-culture défaite dont il avait été le visage, l'omniprésente figure. Qui reste, tout ça bien écroulé. Qui cherche « le mec en lui » dans les décombres – le ton tranquille, patelin, un poil fatigué, possiblement, le titre tiré d'un album nommé New Morning – aube plutôt pâle, timide retour en grâce semble-t-il, à l'époque (1970) sous les plumes critiques, plutôt sur le mode du « c'est déjà mieux – c'est déjà ça » que d'un quelconque « Dieu est Revenu »... Cette B.O. fait se répondre, dialoguer, s'éclairer mutuellement les utopistes, escapistes, les cocus-de-l'histoire, les éternel(le)s chroniqueur(euse)s du méfiez-vous, du ça-va-tomber, du il-n'y-a-jamais-besoin-de-raison-pour-avoir-peur (ou mal... ou le strict nécessaire empaqueté à portée de main, au cas). Les moments de gloire et les malentendus – confondus parfois, en hits, en reprises/échanges. Beefheart, mais pas Trout Mask – plus accueillant, pas moins claudiquant si on prête l'oreille, plus sensiblement humain que sensation de foire. Costello et ses humeurs acides et cravatées – l'autre Elvis mort ou bientôt, alors, au bout de l'obésité morbide et des tours de foire à Las Vegas. (Au vrai, tiens : rien ne date exactement l'action du film, ne nous dit l'année). Yma Sumac et Moondog, leurs exotismes impossibles à situer vraiment sur une carte, serait-elle du Tendre ou Master Gold – elle en princesse Incas toute de sequins et autres orpaillages, lui vêtu en Viking, aveugle dans New York. Nina Simone – poignante toujours, avec ou sans le recul, impossible là de temporiser ou de ricaner. Un bout de l'opéra de Korngold, Die Tote Stadt (la Ville Morte) – un qui-a-failli aussi, lui, tiens, qui a triomphé avec cette œuvre, à vingt-trois ans ; qui a dû fuir les nazis, bientôt, alors que son style, son romantisme viennois prenait dans le même temps un coup dans l'aile, hué par les Modernes ; qui a fini comme d'autres par alimenter Hollywood, ses bobines d'aventures et de guimauve, pour lui-même pouvoir croûter. (En restant fidèle, toutefois, nous dit-on, jusqu'au bout – à cette matière décrétée désuète, finie, périmée). Meredith Monk, tiens – dont on s'apercevra, dont on pourra trouver que les vocalises, finalement, les essais, expériences, ne seraient au fond pas si lointaines de ce que nous donne à entendre, ailleurs, plus tôt, par instants, la sus-citée Sumac en ses fantasmagoriques fanfreluches – que si ça se trouve, si les marchés ne scindaient pas autant tout ça, on aimerait d'un même amour, avec un même humour, débarrassé du souci de détruire et classer, toutes ces choses. (Mais les artistes sont ensuite devenus « conceptuels » – systématiquement, comme « les nihilistes » sont systématiquement « allemands » ? ... Pas toujours de leur plein gré, pour en revenir aux artistes, l'étiquette apposée, pas toujours pour le fric... Mais on vous dit : le marché, toujours là, qui guette). Et puis aussi, malentendus, disais-je : un certain Kenny Rodgers – countryman électrique en son temps surnommé Kenny le Hippie, alors que sa chanson (celle ici sélectionnée) parlait plutôt du trip, du LSD etc. comme d'un égarement, chantait la confusion plutôt que le ravissement. Magnifique, quoi qu'il en soit, ce Just Dropped In – phasage psychédélique sur les chœurs comme sur les guitares, montée à peine plus haut dans l'octave sur la partie presque-finale, comme à Broadway, pour souligner que tout s'emballe ; et la scène, magnifique aussi, et grotesque – érotico-burlesque, Julian Moore en guerrière (viking, elle aussi – décidément), et le Dude avec elle, qui défilera bientôt, lancé sous les jupes d'un rang de Loreleï pas moins psyché. (Mais c'est moi ou le type chargé des chaussures a l'air d'être une sorte de Saddam Hussein ?! Eh... Et si les vétérans, Walter et les autres, du Vietnam, en avaient une de retard, de satanée tuerie!).

Bon. Puis... Les Eagles. Enfin non. Enfin, leur chanson – la plus scie, en plus, la plus casse-burnes, à force. L'Hotel Californie – ouais, on sait, c'était en fait une maison de désintox. Et ouais : le Dude DÉTESTE les Eagles – et ça va de soi, tant ces mecs là ont été le symptôme, les parfaits employés, les pros du passage aux stades, au dévoiement de tout ce que lui et d'autres chevelus avaient voulu, ont raté. Plus rien de « beat » là-dedans – seulement des saloperies de hippies de salons, payés (tarif au mot bientôt exorbitant) pour bavasser leurs doutes existentiels, clamer aux autres anciens bohèmes de Laurel Canyon la fin de la récré et leur montrer le chemin de la caisse pointeuse/enregistreuse. Mais voilà... Ici ce n'est pas LEUR version. C'est celle, l'interprétation, des... Gipsy Kings ! Alors... C'est pire?! Que tout ?! Eh bien... Contre toute attente, non : là aussi, c'est improbablement beau. Comme est belle, et improbable – une fois de plus grotesque et fantastique, à en choper la chair de poule, cette scène où on l'entend, avec Jésus-John (Turturro), profil à la Zappa, polo rose avec son nom brodé, qui strike au ralenti... Et montre quand la vitesse redevient normale son vrai visage de petite crevure imbue. Mais voilà : la bienvenue est dite, et ce qu'on vient de voir les a battu à plate couture pour une fois, le temps de – les Eagles, donc, et leurs Stetsons briqués. Le disque – le film, non, certes – pourrait presque se terminer là-dessus. Mais non. Il reste une sorte d'interlude, pour se reprendre. Un truc techno-pop titré Comment Croire (en allemand... décidément bis), et signé Carter Burwell – compositeur attitré (ou quasi) des frangins Coen. Et puis pour conclure...

Et puis pour conclure : Townes Van Zandt. Qui ne rigole pas, lui (non-plus). Qui l'est jusqu'au tréfonds, lui – country, comme j'annonçais, et là aucunement rock. Qui la connaît, la perte. Qui chante ferme, sans nous faire croire que ça suffira. Qui reprend, lui aussi, emprunte. Reprend... Les Stones. Ceux d'une sorte de Fin, tiens – en tout cas je l'entends toujours comme ça, l'album d'où ça vient, ce Sticky Fingers à braguette (manipulable) sur la pochette. Un rare moment de sincérité. Ou d'ironie grinçante ? Ou des deux à la fois ? Déboussolés et millionnaires (milliardaires ?). Van Zandt, donc, qui entonne ça – dépouille la chanson. Retourne le décorum pick-up truck/décapotable vannée de l'originale en vrai usure aux poussières et sables du désert. Là où personne, enfin, ne viendra tenter de vous secourir, vous emmerder pour une homonymie, vous louer pour la nuit parce que vous portez, justement, ce nom. Dead flowers, oui. Flower Power ? Y'a plus. Mais les reliques sont en rayon, faut guetter les promos, se préparer pour la suite et les spéculations.

(Et le Dude se prend les cendres en pleine poire, le vent les colle à son plastron... Et c'est tout, on dirait. Et le bowling, encore, quoi qu'il se soit passé).

note       Publiée le mercredi 14 septembre 2022

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Oui, c'était le fameux bug des chros aux titres longs incommentables... J'ai racourci (en OST au lieu d'Original Motion Picture Soundtrack ou un truc du style) quand l'Ami Corbak m'avait signalé ça.

    Et oui, Bukowski. Pas vraiment passé par la case hippie, lui, mais parce que sans doute il n'y a jamais cru. A part ça désabusements bien compatibles et goûts de la glande abreuvée au raide comparables, c'est sûr. "La contre-culture pas faite pour triompher/parader"...

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    Rastignac Envoyez un message privé àRastignac
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    J’avais écris un commentaire qui a bien été enregistré… dans les limbes. Vertiges de guts.

    Je disais donc que je me replongeais dans l’oeuvre de Bukowski en ce moment. Et quand j’ai lu la chronique j’ai forcément eu plein de flashbacks du film, une de mes oeuvres de chevet. Ben je me dis qu’il y a aussi forcément un hommage, au moins des clins d’oeil car ils sont nombreux : l’homme qui préfère souvent etre seul à picoler chez lui (russe blanc/vodka7binouze) en calbuth, à écouter les trois musiciens qu’il supporte (ici Brahms là Creedence). Qui ne sort que pour aller aux courses de cheval ou aux matches de boxe / au bowling. Qui (au minimum) a un peu de mal à bien saisir les relations homme/femme. Qui s’entoure de parasites dont il ne peut se passer. À qui il arrive une rimbambelle d’emmerdes sorties de l’esprit d’un démiurge sanguinaire. Qui a du mal à suivre le cours du monde. Moins misanthrope chez les Coen mais pas très socialisé non plus ni très… diplomate. Et qui vit dans un Los Angeles populaire, cracra, cosmopolite aussi. Voilà je m’en rends compte que maintenant mais je l’aurai dans un coin de la tête à chaque revisionnage (en VF ou VO, c’est du nanan idem).

    PS : je plussoie cette absurdité de la chanson perdue du Creedence. Cette scène avec le oinj qui lui tombe entre les jambes en bagnole, mazette.

    Message édité le 19-09-2022 à 15:54 par Rastignac

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    C'est vrai que c'est curieux, cette absence (d'autant que Credeence, comme groupe "emblématique" de la fin de l'ère flower poser, c'est pas rien ouais) mais... Que voulez vous ! Sans doute une sombre histoire de droits ou quelque chose du style ?

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    cantusbestiae Envoyez un message privé àcantusbestiae

    Comme certains de mes camarades, je suis outré par l'absence du morceau de Creedence. Reste une excellente BO, à l'image du film, le plus "tarantinesque" des Coen Bros.

    Message édité le 19-09-2022 à 15:09 par cantusbestiae

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    @Dime : oui, pas con pour l'année de l'action ! J'ai exprès pas re-regardé le film juste avant d'écrire la chro (pour me concentrer sur ce que me raconte le disque en lui-même) mais maintenant que tu en causes, du Bushy... Ça + le Saddam Maître des Godasses, ça colle ! Puis bon... Le Dude et ses potes sont restés bloqués sur les années 70, c'est sûr, mais Bush, c'est à la fois Nixon ET Reagan donc c'est cohérent comme passerelle/anomalie qui brouille les époques, à la Philou KaDick et ramène une espèce de Vietnam Le Retour à l'été pre-grunge !

    Message édité le 15-09-2022 à 13:33 par dioneo

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