Un théâtre de marionnettes aux planches mal jointes, un visage apparaît comme une version funèbre de Pennywise qui dans un rictus atroce laisse sourdre de ses mains des jets serpentins et noirs comme une sarabande de corbeaux obscurs; voilà ce que m’évoque la musique de Black Heroin Gallery… Il y a en effet un aspect tourbillonnant dans leur deathrock induit par les mélodies en volutes des guitares qui se glissent entre les interstices de rythmiques sombres mais pas spécialement rapides (même si ‘I walk to my grave débute de manière sentie avec des riffs acérés, méchants). Le goût du macabre semble une seconde nature chez les musiciens riches pour certains d’une longue expérience en la matière (Astrovamps, Willow Wisp) et ce nouveau projet le reflète assurément. Les Américains privilégient une production épaisse pour travailler les contours de leur musique comme on tente de domestiquer un magma noir et bouillonnant où se noient des ectoplasmes. C’est un peu l’esprit de ‘Deathwish’ de Christian Death qu’on retrouve mais joué par des adultes, le désespoir s’est mué en une forme de séduction perverse parfaitement exprimée par le timbre gémissant de Eyajo Joseph qui colore d’un humour toxique une musique volontaire évoluant comme une marche conquérante (‘To become nightmare’). Quelques accords pesants d’orgue, des notes déglinguées de piano, un synthé sorcier, un zeste de mélancolie froide (‘His beautiful darkness’), renforcent de temps à autre les ambiances de ce cabaret macabre extrêmement soigné au niveau de l’écriture et de l’agencement de ses lignes. ‘The dreadful dead of Hoop Snake Hollow’ a tout d’un psautier pour une étrange liturgie s’amusant à se travestir sous les oripeaux d’une messe noire mais qui en réalité se veut nettement plus profonde et passionnante. Comment résister aux sortilèges mélodiques de ‘As she slumbers’, au climat de conte de sorcière de ‘The worm prince of Black Toad Hollow’, au culte macabre évoqué par ‘To become nightmare’ ? Grandiose, le deathrock dans son essence la plus pure !