New Model Army › Lost songs

Le recyclage est un art, tous les déchets n’ont pas la même qualité, le même potentiel, même si notre époque développe des techniques assez incroyables pour réutiliser un maximum de ce que nous débarrassons (il était temps !). La musique, c’est un peu pareil; tout amateur de musique sait que les dix morceaux présents sur un disque impliquent en réalité l’enregistrement de beaucoup plus de musique. La phase studio n’est donc que la première étape, il faut trier, abandonner, opter pour tel ou tel mix, agencer… Les maisons de disque prennent sous cet angle une dimension de cave à trésors et de déchetterie, avec des kilos de bandes endormies pour le meilleur et pour le pire, pour toujours ou… Sans faire de la psychologie de comptoir, mettez-vous un instant à la place des artistes: il y a bien sûr des évidences, tel ou tel morceau sonne moyen, ne colle pas à l’ambiance de l’album; d’autres fois, ce sera le vote qui décidera ou encore des impératifs économiques et logistiques. Que faire des ces compositions en léthargie ? Beaucoup de fans de musique savent que certains disques adorés à la sortie lassent au final, vieillissent mal, tandis que d’autres dévoilent leur sel au fil des ans. C’est là qu’interviennent les compilations d’inédits. Il y a bien entendu les sacs à merde emplis de versions démo pourries, de live inaudibles, pour profiter des aficionados mais aussi des chansons dont on se dit qu’il eût été dommage qu’elles finissent leurs jours sur une étagère. Avec New Model Army, on y va avec confiance, voilà un combo au dessus des contraintes commerciales qui n’a pas pour habitude de livrer de la saloperie. ‘Longs songs’ confirme, même en occultant le fait que c’est un double dans un beau digipack avec toutes les paroles des chansons (apparemment le groupe s’est investi dans le projet). Son intérêt réside notamment dans le fait de montrer quelques facettes moins courantes de leur musique ainsi le glauque ‘Refugee’ et son synthé glaçant, ‘Brother’ débutant par des voix arabisantes, quelques accents orientaux dans le muscle des guitares, ‘Song to the men of England’ (un beau poème de Shelley) avec le renfort du chant féminin ou le lent et prenant ‘Trees in winter’, gris comme une promenade en automne sur une plage anglaise adoucie par le discret violon, sans oublier ‘Freedom’ et ses choeurs féminins inattendus mais pas désagréables. Pour d’autres chansons telles que ‘Higher wall’, ‘Knife', on se demande bien pourquoi elles n’ont pas terminé en album tant elles portent la signature New Model Army. Franchement, peu de scories à passer au tamis dans cette collection se présentant comme la seconde partie de ‘B sides and abandoned tracks’; on s’interroge donc sur la présence du remix technoïde pourri de ‘Over the wire’ constituant une bien peu élégante sortie. Selon les goûts, on reconnaîtra que d’autres titres peuvent sonner lambda (‘Wanting’) mais jamais réellement mauvais. ‘Lost songs’ n’a donc rien d’un dépotoir, on sent le truc qui a été réalisé avec soin, on frise presque la cohérence d’un album studio. Clairement un achat recommandable pour compléter votre collection.