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Haruomi Hosono › Cochin Moon

cd • 6 titres • 42:48 min

  • 1Hotel Malabar Ground Floor …Triangle Circuit on the Sea-Forest…2:28
  • 2Hotel Malabar Upper Floor …Moving Triangle…8:45
  • 3Hotel Malabar Roof Garden …Revel Attack…8:58
  • 4Hepatitis4:43
  • 5Hum Ghar Sajan8:50
  • 6Madam Consul General of Madras9:04

informations

L'album est crédité à Haruomi Hosono et Tadanori Yokoo, même si ce dernier n'a réalisé que la pochette.

line up

Haruomi Hosono (synthétiseurs, composition), Hideki Matsutake (programmation), Ryuichi Sakamoto (claviers), Hiroshi Sato (claviers)

chronique

  • fièvres et hallucinations exotica

En Inde, Haruomi Hosono n’a rien vu, sinon son propre masque de mort. Invité dans ce voyage par le graphiste renommé Tadanori Yokoo, dont le projet est de préparer un album collaboratif, Hosono tombe gravement malade (quelle idée aussi de prendre des glaçons, en Inde, sans même un peu de whisky pour désinfecter). Loin d’une bande originale d’un film Bollywoodien imaginaire dans la lignée de son travail sur l’exotica qu’il développe depuis maintenant trois albums, « Cochin Moon » sera le produit de fièvres délirantes, alors que l’organisme de Hosono se vide littéralement pendant des semaines. Ainsi découle sa teneur nauséeuse, hantée par des bruissements frénétiques d’insectes synthétiques, des ritournelles autant influencées par les râga hypnotiques du pays que par les ratiocinations d’un krautrock maladif. Dans l’Hotel Malabar, Hosono se meurt doucement. La visite n’en sera que plus déroutante. D’autant plus que pour la première fois, il compose uniquement sur synthétiseurs, influencé par la découverte de Isao Tomita et Kraftwerk. C’est un tournant des plus marquants dans le parcours de cet ancien hippie déguisé en chanteur exotique pour de rire, qui s’incarne dans sa rencontre avec Hideki Matsutake, qui possède non seulement les engins mais aussi les skills pour les manipuler (ce qui l’avait également mis dans la ligne de mire de Ryuichi Sakamoto, arrangeur aux velléités de composition déjà présent sur le précédent album de Hosono). Celui qui deviendra le quatrième membre non officiel du Yellow Magic Orchestra ramène ainsi toute une flopée d’instruments ultramodernes, avec lesquels Hosono plonge dans le monde de la musique électronique sans passer par la case pop. Si le premier étage de l’Hotel Malabar ressemble encore à une sorte de Kosmische Musik non dénuée de thèmes mélodiques, avec voix vocodées comme à Düsseldorf, plus le délire progresse plus il tend vers l’abstraction. Arrivé au rooftop, oubliez bien l’ambiance cocktails des bars de plage où jouait le groupe exotique de "Harry" Hosono, c’est moustiques électroniques, perturbations et désorientations sonores, avant une poussée de fièvre sur base krautrock hallucinatoire, l’Inde n’y est entraperçue qu’à travers des filtres tous plus malaisants les uns que les autres.

Comme si il voulait sortir de son propre corps en souffrance, la seconde partie est créditée à un avatar de Hosono, et c’est « Hepatitis », titre forcément évocateur d’angoisse avec en introduction ces étranges glougloutements, comme du fond de ce ventre où rien de va plus. Mais le morceau prend le contre pied avec une mélodie enjouée, un peu cocasse presque, avec ses harmonies synthétiques qui évoquent déjà fortement YMO (Sakamoto est de la partie sur tout l’album, lui aussi) et sa rythmique incessante de chemin de fer (Extrême-Orient Express ?). Une seconde partie d’album qui fonctionne un peu comme une purge réparatrice. Alors oui, ça glougloute toujours mais cette fois-ci on l’entend enfin le Bollywood fantasmé, tout aussi reconstitué que l’exotica hawaiienne des albums précédents, un Bollywood intégralement programmé sur appareil électronique, certifié strictement inauthentique (mais sans aucune trace de post-colonialisme), une sorte de proto-bamboo banger sorti de visions enfiévrées mêlées de futurisme. Si Hosono est alors capable d’un tel coup de force, il le doit à Madam Consul General of Madras, qui selon son propre récit l’a guéri de son affection en lui préparant un pur repas dans la tradition japonaise. Miracle à Madras ? En son honneur, Hosono concocte cette piste incroyablement prenante et hypnotique (aucun Allemand n’aurait fait mieux, même à Berlin), cette fois délivrée du mal, même si parfois viennent encore le hanter quelques dérivations inquiétantes, une vision de l’Inde digne de Blade Runner. Ah, et Tadanori Yokoo, à part la pochette pop-art finalement peu en phase avec une musique si étrange, il a fait quoi là-dedans au bout du compte ? Bah rien. Parce que lui aussi est tombé malade comme un chien. C’est le désavantage des voyages. Autant leur préférer des intensités immobiles, des paysages imaginaires. Même un peu effrayants. Les choses sont toujours plus belles vues de loin.

note       Publiée le samedi 13 août 2022

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Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

Réécouté à la suite de la dernière chronique du camarade 6. Rien à faire, c’est désarmant. On pourrait avoir envie de s’en protéger (un peu comme pour Rock Bottom ou Sun Ship, dans mon panthéon). Mais ça traverse toutes les défenses.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Première écoute en cour ici, donc... Oui : on entend nettement la technologie d'époque là-dedans ("du futur" et "en avance" sur le coup donc depuis longtemps "dépassée", prise d'ici). Non : ça ne gêne absolument pas, parce que NON, c'est pas du tout ça, le centre du truc, la "substance du propos" est nettement ailleurs. OUI : cet ailleurs là, où le gars m'a convié depuis à peine 10 minutes là où j'en suis de l'écoute, j'y suis/j'y ai été direct embarqué, plongé, happé. C'est bien singulier - le moins que je puisse en dire à ce début de découverte. (Incidemment - VIVE LES PROBLÈMES INTESTINAUX, si c'est à ça que ça mène... Et ça me fait évidemment penser à la fameuse anecdote d'Eno realtant sa découverte/invention du concept d'ambient music, qaund alité, il s'était trouvé trop faible pour se relever et monter le son/corriger une avarie de sa sono qui ne sortait plus que d'un côté, et qu'il avait trouvé comme ça une nouvelle façon d'écoute...).

Message édité le 08-09-2022 à 10:54 par dioneo

Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

Il fallait laisser passer un peu de temps depuis la découverte via cette chronique. J'avais toujours négligé Hosono, le voyant comme un sorte de gentil baba nippon, qui venait condimenter la musique de ses comparses plus "auteurs". Un raté dans les grandes largeurs, comme je sais faire. Certes, on voit un peu pondre le premier YMO avec ces petits sièges éjectables musicaux qu'il déclenche quand bon lui semble. Mais l'ensemble est bizarrement plus consistent et abouti. Il tourne quasiment une fois par jour et je ne me vois pas m'en lasser, pour l'instant.

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dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
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Très bonne chro, ça décrit assez bien l'indescriptible.

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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Ouais ! On demandera à Béatriste qu'elle fasse la médiume, allez...

Message édité le 13-08-2022 à 16:35 par dioneo