Ménageant un faux semblant de suspense dont tout le monde se branle dans ma chronique de ‘Trauma Club’, j’ai beaucoup parlé d’une pochette au visuel très inspirée du ‘Rio’ de Duran Duran, celle de la dernière production des Américains de Male Tears; on va en parler sans tourner autour du pot. La similitude graphique entre les pochettes n’est pas simplement le fruit d’un manque d’imagination ni un simple hommage. Presque 40 ans séparent les deux disques et selon mon interprétation, ‘Male Tears’ résume pas mal ce qui s’est passé durant toutes ces années. La femme chez Duran Duran affiche un sourire de mante religieuse, de celle qui veut bouffer la vie de partout: sexe, cocktails, aventure… Chez Male Tears, le sourire s’est mué en rictus vicieux mais fatigué. Plus de ‘New religion’, pas question de garder une prière pour le matin d’après, de retenir la pluie… Aujourd’hui, on fait semblant, on s’active dans l’ombre, on vise le sexe parce qu’il n’y a pas de raison de lambiner. Le sida, l’héroïne, la techno, le retour des intégrismes ont balayé pas mal d’insouciance dans l’hédonisme pur et la découverte sans oeillères. On cible plus. Inutile de politiser la pop à outrance non plus, j’ai parfois une tendance à couper les cheveux en quatre. Grosso modo, les Américains produisent une pop wave sonnant plus 80’s que 80’s, une pop qui tente justement de se focaliser sur l’hédonisme tel qu’il peut se vivre aujourd’hui, soit avec un paquet de questions en sac bonus. Les sonorités sont là mais le feeling est moins fringuant, plus sombre; on sent l’appel moins collectif plus orienté club d’initiés malgré l’apparente désinvolture de la musique. C’est peut-être l’un des changements sociaux les plus marquants; dans les 80s’, ce type musical caracolait dans les hit parades devant un parterre de jeunes lambda qui appréciaient volontiers une petite excentricité par-ci par-là (cheveux peroxydés ou laqués, boucle d’oreille voyante, chemises à motifs…) alors qu’aujourd’hui le jeune vêtu en survêt’ et claquettes comme s’il sortait du lit trouve ça chelou, trop négatif, ringard… Je m’égare. Ces digressions résument mon sentiment sur Male Tears, une pop wave torve évoquant des échos du meilleur de l’Italo Disco, bien ficelée en matière de mélodies même si dépourvue d’originalité pour qui a vécu les années 80, jouant adroitement sur les codes pour y injecter une imperceptible dose de doute histoire de plomber l’hédonisme. Une vision du fun qui s’affiche comme une résistance, des hits comme autant de gifles aux bonnes moeurs (l’excellent ‘Future X’, ‘Adult film’, un ‘Creep distance’ plus maussade)… Comme il y a quarante ans ? Gosh, on se retrouverait donc au point de départ ? L’enthousiasme de la jeunesse en moins ?