Vous êtes ici › Les groupes / artistesKKikagaku Moyo › Masana Temples

Kikagaku Moyo › Masana Temples

lp • 10 titres • 40:15 min

  • 1Entrance2:26
  • 2Dripping Sun7:50
  • 3Nazo Nazo3:07
  • 4Fluffy Kosmich3:40
  • 5Majupose4:01
  • 6Nana3:13
  • 7Orange Peel4:27
  • 8Amayadori1:35
  • 9Gatherings6:40
  • 10Blanket Song3:11

informations

Enregistré aux studios Valentim de Carvalho, Lisbonne, Portugal, en avril 2018. Mixé et masterisé par Tiago De Sousa. Produit par Bruno Pernadas.

Artwork par Phannapast Taychamaythakool.

line up

Tomo Katsurada (guitare, voix lead), Kotsuguy (basse), Go Kurosawa (batterie, voix lead), Ryu Kurosawa (sitar, claviers), Daoud Popal (guitare)

chronique

C'est par celui-là que je suis entré chez Kikagayu Moyo – que j'ai découvert le groupe, tout simplement. Avec, disais-je, une certaine réserve, d'abord – en restant, curieusement, un peu sur ma faim. Pas parce qu'il me semblait, non, que quelque chose m'y échappait ! Au contraire, même : pour l'impression d'une trop grande fluidité, que rien n'accrochait, que les gars du groupe, presque, avaient comme trop bien compris leur sujet, qu'ils maniaient trop aisément les matières, en archivistes, en historiens. Les guitares sixties/seventies – tout à tour californiennes, quasiment à la Jerry Garcia (Grateful Dead) ou John Cipollina (Quicksilver Messenger Service) ; ou Krautrock, à la Amon Düül II, Ash Ra Tempel ou Can... Avec ce chant qui rappelle par moments Damo Suzuki, d'ailleurs, des mêmes Can – mais en plus juste, moins la torsion hallucinée. Même ce sitar me paraissait exagérément parfait dans le décor, élément de dépaysement suspect parce que finalement guère incongru dans le contexte. Une musique « pan-psychédélique » bien familière à quiconque aura quelque peu parcouru le catalogue Guruguru Brain (ben tiens... ce nom, déjà, la référence) – label japonais relocalisé à Amsterdam, par ailleurs créé par les ci-présents Go Kurosawa et Tomo Katsurada, grands curateurs de ces musiques passées quasi-traditions, des branches contemporaines « synthétiques » et groupes davantage monomaniaques qui les prolongent (cf les acid-doomsters de Dhidalah, par exemple), lignées de nos jours qui les continuent.

Bon... J'avais tort. Kikagaku Moyo – ici, même sur ceux d'avant, maintenant que j'y suis, de façon plus criante, brillante, encore, sur le suivant (et ultime, il semblerait, malheureusement), Kumoyo Island, sorti cette année même – sont au delà de ce « devoir rendu » – aux anciens, au musée, comme on voudra. Certes, tout y est, qui pourrait tourner en plat exercice : le kraut et le freak-rock repris d'antan donc ; un certain jazz comme tropicalisé, brumisé, rendu pop fine, finaude ; même quelques tournures d'un certain prog dans les claviers, certaines excursions prolongées sur les touches et les manches, certains changements, quelques transitions d'une partie vers l'autre. Mais à mesure qu'on s'y laisse glisser, dans cette coulée qui, encore une fois, pouvait de premier abord sembler presque TROP confortable, on se rend compte que SI : de toute évidence, ils nous ont bien égarés ! Que les lignes de l'horizon ne se contentent pas de tracer des mandalas connus, recopiés avec de minimes variations. Qu'aussi doucement soit-il venu, aussi suavement, un vertige s'est bien installé – une légèreté qui gagne la tête et les membres sans pour autant plonger dans l'hébétude, sans qu'il y ait besoin d'y ajouter fumées ou quoi que ce soit de son choix pour aider au « décollage », finir en croassant hébété que « wouhaaaa, trop puissaaaant, meeeeec ! ». Non. La musique de Kikagaku Moyo, finalement, gagne plutôt l'esprit, mène au flottement par le chemin inverse : elle n'abrutit pas, n'assomme pas mais semble éclaircir l'air, en absorber la charge et la vaporiser, nous y baigner en gouttelettes. Son abord charmant fait qu'au début on ne s'en méfie pas, on prête une oreille un peu distraite, quelque peu paresseuse, voire... On s'y installe en croyant y passer seulement, qu'elle passe sur nous sans accrocher, glisse. Et on s'y retrouve pris – agréablement alangui mais, une fois de plus, les yeux grands ouverts, sensible à tous les mouvements. Ce qui fait qu'autour de nous se déploient les ballets des vols de lucioles en mille couleurs et reflets, que les textures maintenant nous frôlent ou nous traversent, qu'on trouve ça tout naturel, comme bande-son de l'imagerie sur la pochette – zoologie surnaturelle, avatars d'un animisme shinto-védique... On se rend compte que le type, là, au sitar, joue extraordinairement bien – loin des clichés ornementaux des babas de la côte ouest plus tôt cités, sans doute bien plus informé quant aux écoles carnatiques, hindoustanies, aux musiques de l'Inde où l'on joue, par ailleurs, « au départ », de cet instrument. On se dit que pourtant, de toute évidence, ce ne sont pas là ces formes-ci, que la latitude est autre – qu'il le sait, qu'ils le savent, qu'ils en jouent – ça aussi – avec une acuité qui tiendrait, dirait-on si l'on tenait à ces notions là, du diabolique ! Mais non : pas d'enfer, ici. Pas de cieux promis, non-plus, je crois – artificiels ou post-mortem. L'acrobatie, plutôt, qui – pour une fois – ne tient pas du cirque, de l'épate, mais de la danse, de sa grâce, d'une justesse des mouvements qui délie la perspective.

Je cause, je cause... Je glose alors que c'est bien plus simple – on y revient, à l'impression première, mais cette fois heureux de la retrouver riche, plaisir plein plutôt qu'agrément sans substance. Reste qu'à y retourner, certes, les temps de prise, selon les plages, peuvent encore varier. Reste que Nana – la sixième piste – m'enchante toujours un peu plus que le reste, avec son allant, qu'il m'arrive de l'écouter en boucle sans toujours lui adjoindre le reste de l'album. Reste qu'en effet, cette musique – sur des prémisses inchangées – touchera sa plénitude la plus grande, s'accomplira avec plus de constance encore, de consistance polymorphe, sur Kumoyo Island, dernière étape avant qu'ils voguent ailleurs, chacun – ou arrêtent tout, je n'en sais rien. Il n'empêche : il plane déjà, sur ce site là, aux abords de ces temples ci, habités par les bêtes-entités, les fougères et les lianes et les fleurs éclatantes, un singulier climat. Il y fait agréable mais contemplant la sente par où l'on est entré, on se demande si vraiment, elle mène d'où l'on croyait venir. Et si ça devrait comme ça frapper l’œil, ces teintes au-dessus de la canopée.

note       Publiée le mercredi 29 juin 2022

Dans le même esprit, Dioneo vous recommande...

Can - Future days

Can
Future days

Pink Floyd - Meddle

Pink Floyd
Meddle

Grateful Dead - Aoxomoxoa

Grateful Dead
Aoxomoxoa

Amon Düül II - Wolf city

Amon Düül II
Wolf city

Ghost (Jap) - Tune In, Turn On, Free Tibet

Ghost (Jap)
Tune In, Turn On, Free Tibet

dernières écoutes

Connectez-vous pour signaler que vous écoutez "Masana Temples" en ce moment.

tags

Connectez-vous pour ajouter un tag sur "Masana Temples".

notes

Note moyenne        1 vote

Connectez-vous ajouter une note sur "Masana Temples".

commentaires

Connectez-vous pour ajouter un commentaire sur "Masana Temples".