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Hangman's Chair › A Loner

cd • 9 titres • 52:04 min

  • 1An Ode To Breakdown
  • 2Cold & Distant
  • 3Who Wants to Die Old
  • 4Storm Resounds
  • 5Supreme
  • 6Pariah and The Plague
  • 7Loner
  • 8Second Wind
  • 9A Thousand Miles Away

informations

line up

Cédric Toufouti (chant), Julien Chanut (guitare), Clément Hanvic (basse), Mehdi Thépegnier (batterie)

chronique

Après la banlieue triste, l'obscurité totale ? Non : la Lumière. Celle des néons, plus obsédante que celle des réverbères. Corridor aveuglant pour éloge à la solitude, titre clin d'œil possible à Neil, même s'il n'y a qu'un œil, un œil-néon larmoyant, une fois ouvert le dépliant laqué. La lumière d'un talent incontestable aussi, celui d'un groupe en absolue possession de ses moyens, obtus, possédé, et passionné comme aux temps jadis, sans internet, avec juste des baskets, des casquettes. Et beaucoup d'huile de coude... La lumière d'un rock gothique panaméen arrivé au grade Berger (Michel, pas le pastis !), d'un pastel intense, une teinte d'absinthe, diluée avec patience disciplinée... Le sang d'encre de Banlieue Triste qui vire au turquoise... Lumière goth, hautes sphères du spleen.

Car la lumière, c'est sombre. Ouais. Rappelons une caractéristique essentielle du style gothique de nos cathédrales : l'ouverture maximale à la lumière, en éliminant le plus possible de pierre. Les vampires sont arrivés bien après. Voilà ce que nous rappellent les artisans Hangman's Chair sur leur troisième album de la maturité. Celui qui, dans un halo aussi continu que la reverb ("Storm Resounds" !), plus immaculé que la chambre du final dans 2001, ou un putain d'hosto, éprouve leur recette rodée à mort. Ces mecs ne pissent pas plus haut que leur poésie, ne sur-fignolent pas leur copie, ne cherchent pas plus loin que l'évidence, travaillent au corps : leur mélancolie est de la rue, du cru, rudimentaire comme leur anglais mais elle vient du cœur du core. Ils ont assimilé leur goth, leur doom et leur variété française, amalgamés de la façon la plus naturelle. Hangman's Chair contrôlent leur fusion, respirent leur musique... Ils sont beaux, tout simplement. Nos bons vieux metal-gotheux Paradise Hostie peuvent remballer l'tabernacle : les nouveaux patrons du giron ce sont eux. Qui contresignent avec une nouvelle nuance d'HangChair.

Leur formule n'est pas formol, mais... Natron. Embaumé vif, sceptre du plus beau groupe français en pogne (juste une clope), Hangman's est beau, impérial comme un pharaon loubardoom, pacha dans son spleen, arpentant toujours les rues désertes de la mégalopole, assoiffé de lueurs... Paname signifierait « ville énorme », selon une étymologie obscure. A Loner, qui a l'air d'avoir été composé sur un mouchoir de poche, est vaste, à l'image de son terrain d'inspiration. Autant que Banlieue Triste, mais d'une façon plus fluide, plus "streetwear"... Oui : Hangman's Chair semble se mouvoir en survêt' dans les Catacombes. Des Catacombes avec à perte de vue et tout du long : les néons. Les mecs en cueillent quelques-uns et se fraient leur chemin, comme le Chrichri péroxydé de Subway. Car ce skeud pue le tromé (autant que le trauma) : c'est à dire des catacombes aux cadavres mouvants, éclairées nonstop. Hagards. Si j'ai cité ce lieu déprimagnétique, dans la chro de This is not supposed to be positive, il est ici évoqué sans cesse par les ambiances, de la pochette sans équivoque, aux lamentations toufoutissimes, du rythme impla-câble aux bouts des ongles des riffs. Y a même une piste instrumentale fragrance Éric Serra - qui aurait signé sur 4AD ou Creation. Pure de chez pure, comme The Cure.

Et Toufouti est là, superbe, revient pour nous bercer et nous hanter avec sa voix, ce hall, cette Voix. Ce prodige staleyien nous emmène encore plus loin que le bout de la nuit et des néons, auréolant ces riffs lumineux-souterrains mieux que personne. Un aller simple pour nos songes en élixir, et cette envie qu'ont les guitares de presser de dodues et juteuses lucioles pour en extraire tout le suc... Aussi ardente que le désir constricteur de cette basse, qui tricote des câbles de RATP. Quasiment un truc vaudou, ce vaste son urbain aux coulures imprégnées de luciférine, plus phosphorescent que les stickers d'une paire de sneakers immortelle. Radioactive groove de gothgrungelover, dont le seul amour est la solitude. Que dire du Type O en Air Max sur "Cold and Distant" ? Tube des tubes, néon des néons. HANG-MAGIE. Je l'ai saignée, saignée, saignée, cette salope, sa saccade, son break de folie, depuis avant la sortie, et pourtant elle est encore là, plus belle et jaillissante de lumière blanche morte que jamais, magistrale, comme son break, pâle et FATALE, pire que Binoche, elle me mange avec une bouche plus large que celle de Béa dans le clip, m'laisse froid bouillant sur la dalle... "Brace yourself, break yourself, and don't complain in any way"... Aussi balèze que les "aï-AÏ-aï" de "Loner" (et ses "for myself" qui chuintent avec délice telle une Mergault des Carpates). Grands, tout grands Hangman's Chair. Impériaux-impérieux comme cet album, si familier, à la fois très similaire aux deux précédents... Et bien différent, dans sa tonalité propre. Dans sa façon, extrêmement fluide, à l'aise à un point d'aisance et de souplesse criminel, d'aligner les punitions mélodiques en règle. L'air de rien. En donnant tout. L'air de faire un simple petit disque de plus, pour la grosse écurie Nuclear Blast (la lueur de cette musique serait donc un effet Tcherenkov ?) Jusqu'à refuser le final "traditionnel" à sample possédé...

... Pour finir sur les coups de boutoir forcenés d'une "A Thousand miles away", rouste rectiligne, imparable, opérée comme par des mecs de la BAC, qui dans un halo supra-blanc digne des enlèvements aliens, nous mènent à la cellule de dégrisement, en ayant le regard rivé sur les... Néons. Punition ! Banlieue Triste est un sacré album-total, dans lequel on plonge avec la crainte d'un scaphandrier. A Loner est sa suite mentholée, aussi envoûtante mais à sa façon. Hangman's Chair sont ici maîtres de leur spleengroove gothoparigo, oscillant avec délice de morosité épaisse dans leurs typiques saveurs Type O Chains (oui monsieur le sticker), et d'une souplesse de maître pour faire naître quelques vrais tubes, sans perdre leur faculté à étirer le temps comme un morceau de pâte à modeler. Aucun groupe américain n'a atteint cette fusion suprême des années 80 et des années 90 - cette assimilation d'une décennie par l'autre et peu importe dans quel sens ("An ode to Breakdown" !), aucun ne joue comme eux ce grunge des années 2020 : cette musique leur coule des veines, elle est totale, et elle est fatale. Et vous l'aimerez, tôt ou tard. Et vous aurez les cratères de la Lune sous les yeux, la peau plus blême qu'elle, et verrez toutes ces étoiles dans le caniveau... Qu'importe si j'ai parfois eu la sensation d'un disque radin par rapport au précédent : A Loner délivre, et enivre... Banlieue Triste était noir, noir comme la nuit noire ? A Loner est blanc comme la nuit blanche. Musique de la Nuit, aux ombres lactées. Albinos, comme cette Lune, immense, qui à son écoute s'étale à l'infini. Une évidence, vorace. Un cœur brûlant, pris dans la glace.

note       Publiée le dimanche 24 avril 2022

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Note moyenne        13 votes

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Int Envoyez un message privé àInt

Difficile de savoir si c'est une bonne idée ou une très mauvaise idée d'écouter ce truc (et son prédécesseur) quand on va pas bien. Le genre d'album qui révèle toute l'ambivalence du concept de "catharsis" : purification et coup de pelle dans la gueule (ou métro qui te roule dessus), consolation et misère du réel. Ca te met une tape sur l'épaule et ça t'enfonce, entre-deux, indécidable.

Et sinon, avec des paroles en français, c'était 7/6...

Message édité le 09-09-2023 à 08:03 par Int

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surimi-sans-mayo Envoyez un message privé àsurimi-sans-mayo

Tfaçons les gars, y a pas 36 solutions. Faites comme moi avec QOTSA, une écoute en submersible (gaffe au Titanic) et c'est plié. Bon, je vais me coucher.

Raven Envoyez un message privé àRaven
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Oui Rasti plus de Cure que d'Alice désormais, sans doute, déjà rien que dans leur façon d'étirer... Même si j'entends quand même toujours ces échos d'AIC urbain.

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Raven Envoyez un message privé àRaven
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Ah ! Ça change tout alors, Nicola... C'est lisse, long ? Yog, tu mets peut-être le doigt sur quelque chose en rapport avec leur musique. Hangman's Chair c'est très sensuel, tu n'es pas loin d'une révélation.

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Rastignac Envoyez un message privé àRastignac
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Ils ont ressorti un EP (Spleenwise). Autant Alice in Chains au début du groupe oui mais aujourd’hui c’est bien plus The Cure qui semble regurgité. Très léthargique, (mauvais) rêve éveillé, plus que dépressif ou tristoune vu de mes oreilles, et ça ne me déplaît pas. Et le côté surlyrique du chanteur semble prendre de la patine aussi avec le temps.