Une fièvre exponentielle, une pulsation comme un tamtam dans les tempes, ce mur de guitares aux consonances quasi tribales… Rutger n’est plus mais les disques rappellent combien cet artiste au physique apparemment handicapant possédait une voix impressionnante, grave et légèrement nasillarde à la fois, atout essentiel sur un tapis de black jack déjà retors et séduisant. De toute manière, Tors of Dartmoor sont un groupe sous-estimé et ‘Third second’ ne fera hélas que confirmer. C’est peut-être l’opus le plus riche et le plus puissant des Allemands et la manière la plus adéquate de le résumer serait de parler d’un disque de passionnés de goth rock qui écoutent autre chose à la maison. Je me souviens de cette interview dans laquelle les musiciens parlaient de leurs goûts musicaux, du blues, du rock principalement (le groupe reprend d’ailleurs ‘Kashmir’ et fricote avec les Stones), un peu de punk aussi. Cela s’entend tant leur goth rock est personnel; faire cohabiter des grattes bien électriques, un zeste de programmation, une intensité sombre héritée de Bauhaus (le splendide ‘Do you dream in colours’), des touches personnelles (les cris tribaux de ‘Sail on’, les effets sur le chant sur le final barré de 'You took away my crown') ne semble pas leur poser problème le moins du monde. C’est grinçant, presque batcave dans le résultat (pas l’intention), perçant dans une forme de théâtralité entièrement sincère… Et ce chant. Rutger Frank est au top de ses possibilités, tordant son timbre grave d’intonations décadentes du plus bel effet qui ajoute encore à la gamme de possibilités du groupe. Certes ‘Kashmir’ est un exercice de style, parfaitement réussi, mais le reste tisse une atmosphère unique, tout en retenues et explosions, grâce à jeu malin des percussions, le tranchant de la guitare, la basse bien old school, un renfort d’orgue de bon aloi…’Third second’, c’est un peu comme descendre aux catacombes avec des rockers qui n’en sont pas; sous-estimé, je vous dis.