En 1982 naissaient The Smiths, un groupe ‘to die for’ pour reprendre la formule consacrée… Il y en avait eu un autre avant: The Jam (mon collègue Dariev vous a conté leur palmarès dans sa chronique), une autre pointure pratiquement inégalée depuis son split. Sauf que les choses auraient pu tourner autrement, même les héros mythiques ont leur talon. Celui de The Jam s’intitule ‘This is the modern world’, leur moins bon disque de leur propre aveu. Il faut dire que ‘In the City’ avait placé la barre si haut. En 1977, l’Angleterre découvre en plein cagnard punk un album génial du nom de ‘In the city’ joué pied au plancher par un trio de gamins impeccablement vêtus mais au verbe aussi acide que leurs contemporains à chaînes et pulls déchirés et surtout souvent plus malin, plus percutant. Seulement voilà, à l’époque le temps c’est de l’argent; on peut vivre de son art, les maisons de disque veulent bien allonger les biftons mais il faut retour sur investissement rapidement. Après leur avoir déroulé le tapis rouge, le boss les renvoie direct au charbon et la même année sort déjà le deuxième essai, pas si mauvais pour un disque mais tellement timide dans l’ombre de son immense grand frère…Certains businessmen manquent clairement de jugeote, comment espéraient-ils qu’un jeune homme de vingt ans aussi génial fut-il puisse pondre un second chef-d’oeuvre après avoir tant donné pour le premier ? Ceci dit, ‘This is the modern world’ démarre plutôt bien avec 'The modern world' justement, accrocheuse, nerveuse, ‘London traffic’ titre punk pop ayant dû influencer les Smiths dix ans plus tard et même ‘Standards’ préfigurant presque les Clash de 1979. Il faut admettre ensuite que la pression retombe un peu, comme si le groupe peinait à trouver ses marques même s’il lutte honorablement avec la power pop de ‘The combine’. Je me suis souvent demandé ce que j’aurais pensé de ce skeud estampillé d’un autre groupe mais je ne suis pas capable d’une telle objectivité. Rien de déshonorant mais ‘In the street today’ malgré son aspect punk percutant sonne relativement lambda, comme plusieurs morceaux de la seconde face d'ailleurs et même un ‘I need you’ tentant de rappeler quelques grand moments de Who ou ‘Tonight at noon’ faisant coucou aux Kinks tombent à plat; heureusement la belle reprise énergique de Wilson Pickett (toujours ce goût du rythm’n’blues cher aux Mods) achève avec panache. Bien sûr, les zicos sont impeccable dans l’exécution, la rythmique de ce trio est proprement diabolique, Paul Weller est un excellent chanteur au timbre charismatique, son jeu de guitare est pertinent mais en deçà de ce qu’il a fait et fera vite par la suite. La morgue juvénile manque, la créativité ne tourne pas à plein régime même si dans la pléthore de productions made in 77, ‘This is the modern world’ ne démérite pas. Nombre de gens ont descendu cette galette à balles fendues mais je ne puis me rallier pleinement à cette vindicte. Voilà juste un disque moyen de The Jam, un combo qui n’a presque aligné que des chefs-d’oeuvre mais comparativement à bien d’autres second couteaux de l’époque, c’est du bon. Sauf que The Jam sont des sabres damasquinés qui ne peuvent se permettre l’approximation, presque une malédiction… 3,5/6