Prong › Force Fed

Hé, dis-voir passe-moi la clé de 10... dans l'établi au fond à gauche... mais non, ça c'est du 9... là-bas, sous la boîte à pizza, ouais c'est ça, à côté du pot de... erh?! j'ai entendu un crac ? hein, c'est un cric ? Arghl, un putain de boîtier à CD !!!! 'foiré de plastique ; tiens fais voir quel skeud t'as écrasé, qu'on écoute autre chose que Voivodhoney ; ah ouais excellent, ça, Repeater de Fugaz.. Ah mais noui, c'est le deuxième Prong ça, est-ce que tu connais ce disque, jeune tâcheron ? Faudrait qu'j'écoute les deux qui l'entourent, lise la notice technique et la recopie pour faire sérieux, mais j'dirais bien que s'il fait pas partie des grosses huiles de leur discographie, d'un point de vue purement garagiste, cracanicien, il fait mon bonheur. P't'être qu'ils ont enregistré de plus acide et corrodé, avec une humeur de sous-sol. Pas le Prong le plus propre, ooooh non, ce Force Fred a un son de guitare abrasif qui rendrait jaloux bien des thrasheux, d'ailleurs on pourrait faire comme les noobs hexagonaux à l'époque des chros en trois phrases et enlever le premier "h" à "thrash", car ça sent bon la poubelle en fer qui fait des étincelles tout ça... La limaille est fière, le white spirit s'évapore jusqu'aux sinus pour annihiler les derniers neurones récalcitrants, une affiche "Black&Decker perceuses matter" trône fièrement au-dessus de la caisse à outils, le sans-plomb coule à bon prix dans les esgourdes, y a déjà de belles cadences de salaud ! Et une sensation de bourrage de crâne sonore, de gavage au riff terne et au cri en marcel troué, bien retranscrite par ce titre transparent. Ce Prolo-Prong des bas-fonds new-yorkais me cause dru, et sans m'enthousiasmer jusqu'à déraison, je dirais qu'il est planté dans cette œuvre avec le plus succulent anynomat, un peu comme un vieux pick-up sur le parking de Bricolorama. Si le riff archi-classic et le beuglement ultra-dry de "Freezer Burn" peuvent limite donner une impression de second couteau allemand, "Forgery" pose direct les conditions, bien plus mauvais-cul, avec une "légère" saveur à la Godflesh, prouvant que l'indus ne date pas d'hier chez Prong. Et à partir de là ça pisse dru, la basse bien grasse montre son groin, le rythme se fragmente avec délice, c'est véloce, puissant, ça y va fronce-deaf, aidé par des solos lubrifiés au WD-40, caréné avec du métal de récup' qui sent bon le roumain et autres fines serbes, ambiance crossover-Kosovo, avec des grimaces aux genoux déchirés des jeans, la sensation d'urgence dans les dédales du béton, ce "Senseless Abuse" et son Slayer en bleu de travail, "The Coliseum" et son doom-noise défiguré par des solos comme des coulures de lave grise, témoignant du caractère phospho-terne de Prong, "Decay" qui ronge et rouille, "It's been decided" exultant de charme ferrugineux, et bien sciure "The Taming" avec les dents acérées de sa circulaire, ou ce "Look up at the sun" à la guitare d'une rare acidité, Big Black metal... Force Fed c'est un feeling, mon gars, un feeling boulonneux, et d'ailleurs en parlant de boulons, elle vient cette clé de 10 oui ou merde ?! Deux clés de 5 ?! P'tit malin, va ! Quatre boules jaunes en tout cas.