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William Sheller › Lux Aeterna

cd • 8 titres • 34:16 min

  • 1Introit
  • 2Ave Frater Rosae Et Aurae
  • 3Opus Magnum (Part. 1)
  • 4Opus Magnum (Part. 2)
  • 5Lux Aeterna
  • 6Sous Le Signe Des Poissons
  • 7Hare Krishna
  • 8Sous Le Signe Du Verseau

informations

La réédition CD anniversaire des quarante ans contient douze titres bonus, extraits des 45 tours antérieurs à ce premier album (et devenus pour la plupart introuvables).

chronique

Joyau pour crate-diggers, singularité relative dans le paysage musical de 1972, le mystérieux Lux Aeterna reste cet album statut mi-culte mi-kitsch. William Sheller l'a peut-être un peu cherché par la suite, avec des titres ou pochettes dans lesquels il n'est pas interdit de voir une forme d'autodérision (mêlée d'amusement et de tristesse), mais il a toujours un peu eu cette réputation de compositeur déguisé en chanteur populaire, avec souvent en sous-entendu : "trop doué pour se rabaisser à faire de la variété française". La Grande Musique, opposée à la musique petite, la musique de poche, de plage, de gare. Vieux débat usant et usé, dont Sheller est un de ceux - plus encore que le malin singe Gainsbourg - à prouver la caducité, avec une sensibilité mélodique rare (qu'il partage avec un autre rat de conservatoire, né dans Ice Cream). Sheller est d'abord un mélodiste redoutable, en effet, chose dont personne n'aura douté depuis que "Comme dans un vieux rock'n'roll" et "Un homme heureux" ont fait leur chemin sur la bande FM. Et ce talent se montre ici, à l'état purement instrumental, dans l'éclat originel.

C'est manifeste dès la magnifique "Introït". Aube gracieuse, toute de majesté dans son mouvement d'une volupté parfaite, ondulant hors du temps, aussi sereine que les vaisseaux en mouvement dans 2001. Simplement un des morceaux les plus émouvants que je connaisse, tous genres confondus, et qui me plonge dans le paradis des années progressives aussi facilement que l'Épitaphe du Roi Cramoisi, ou cette Malédiction des Gardiens de Phares. Sublime messe de mélancolie, qui tel le bouton au petit matin de l'éveil printanier éclot à la vue de nos pensées, "Introït" c'est la musique que les dieux de l'Olympe écoutaient dans la stéréo de leur salle de bain, pendant que la majorité des humains se curaient les arpions sur du Pink Floyd. La mélodie est si belle que même Sheller l'admet : il ne pourra pas faire mieux, donc il ne s'embête pas et la recycle avec délice tout le long de son album, par exemple en la bombardant de tirs lasers ("Opus Magnum"), jusqu'à la réduire en poussières d'étoiles sur les touches d'un piano éphémère ("Sous le signe du Verseau"), sur ce final pourtant éternel. Ceux qui ont découvert "Introït" via le remix inspiré de Nakamura pour le projet Deltron trois décennies plus tard verront que Sheller l'avait en fait déjà samplée, sur l'album-même. Que le morceau a déjà un beat hip-hop ou quasi. Et qu'il ne faut idéalement aucun rappeur sur cette mélodie, que je rêve de transformer en cape pour m'en vêtir tel un Rick Wakeman étincelant, flottant d'astre en astre dans un rêve plus soyeux que la plus fine voile de nymphe céleste. Mais ne laissons pas cette merveille nous saupoudrer la lucidité de GHB : d'autres passages touchent au cœur du chakra. Les détracteurs de cet album vous diront qu'il n'y a que "Introït" à en retenir.

Tsss tsss tsss... Mais alors, que dire la ténébreuse et implacable "Hare Krishna" ? Procession austère qui a dû traumatiser Goblin (ils sauront s'en souvenir pour leur terrible thème de Dawn of the Dead). Les autres morceaux de Lux Aeterna se perdent agréablement ("Opus Magnum part. 2") dans leurs mouvements sans objectif précis, comme si Sheller, libre, se laissait bercer par ses songes et influences aux époques entremêlées, entre chants grégoriens, pompes sympho-prog, opéra baigné d'occultisme, saveurs médiévalo-new age et bidouillages synthétiques sur classique (dans un esprit moins radical que Wendy Carlos). Sheller assume une approche à la fois solennelle et enfantine, curieuse, résolument naïve et sincère, celle d'un musicien qui veut à tout prix s'échapper du carcan académique, sans renier d'où il vient. Son œuvre de jeunesse démontre avant tout que Willy La Frite était cette musique d'une candeur admirable, aux envies d'inatteignable, une sorte d'ange hippie obscur, dont les ondes mystiques intriguent et apaisent, sourire bienveillant d'une supernova par-delà les cieux moroses de cette réalité.

note       Publiée le jeudi 3 mars 2022

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    SEN Envoyez un message privé àSEN

    Sans honte aucune je suis totalement fan des chansons de Sheller depuis ses débuts, je me repasses ses premiers albums régulièrement !

    Message édité le 04-03-2022 à 20:47 par SEN

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    dariev stands Envoyez un message privé àdariev stands
    avatar

    Sans honte aucune, je me range parmi les fans de ce sommet du kitsch 70's assumé qu'est "Rock'n'Dollars" (alias "Donnez-moi madame s'il vous plaaaaaîîît du ketchup" etc), qui venait sérieusement chasser sur les terres Supertrampiennes... Lux Aeterna ? faut vraiment que je réécoute, mais ça m'avait semblé être super impressionnant, un coté David Axelrod, voire Scott Walker (60's évidemment)... On veut plus de chro de Sheller, père Corbeau !

    SEN Envoyez un message privé àSEN

    Ah là là c'est ma jeunesse ce disque, qu'est ce que j'ai pu l'écouter !

    Note donnée au disque :