Prince › Piano & a microphone

‘Is that my echo ?’, 1983, demeure de Prince. Un piano. Un bootleg. Tellement cliché, le truc du mec qui vide ses tripes sur le clavier, l’exercice qu’on nous balance jusqu’à plus soif pour nous convaincre que telle ou telle chanteuse ne vend pas que à cause de ses nichons (généreusement étalés sur la pochette ), que untel transfuge d’un boy band sans intérêt est un vrai artiste avec un petit coeur tout sensible et pas juste un produit marketing casté. Sauf que là, c’est Prince, un génie qui en cette année-là n’a déjà rien à prouver et qui se fait plaisir là, en cet instant, sans se soucier le moins du monde de la postérité. Oui, cet homme-là, comme tous les génies pouvait avoir un caractère fantasque mais pas au point d’en oublier d’être vrai. Comme l’avouait le présentateur George Lopez, ‘si Prince vous appréciait, vous vous sentiez spécial’. Ce même Lopez qui s’étonnait sur le plateau du peu d’exigences de l’artiste (de l’eau, des tacos végétariens…) qui s’était battu pour proposer un show spécial au prix de 25 dollars car c’était alors ‘le prix que l’on payait pour assister à un concert’. Et que dire de la scène du Jazz Café de Montreux où débarqua sur le coup des trois heures du matin un certain Roger Nelson durant le fameux festival que l’on connait et qui régala gratuitement les veinard(e)s présent(e)s de plus d’une heure de show en 2007 ? Ou des répétitions avec The Revolution où la complicité avec ses musiciens est plus qu’évidente… Avec son piano, Prince se fait plaisir, sans pathos, simplement, du fond de ses tripes justement qu’il n’a pas besoin d’étaler car sa voix, ses doigts suffisent. C’est une répétition, rien de plus et pourtant… Oui, vous reconnaîtrez à peine ‘Purple rain’ qui n’est qu’esquissée, peu de chansons connues sont ici jouées et peu importe. Rien que les presque sept minutes ultra catchy et rythmées de ’17 days’ suffisent, jeu de base avec des moments où le Kid se laissent complètement aller, revient à la trame, entonne des ‘tadadada’, laisse le son enfler… Une merveille. Idem pour ‘Mary don’t you weep’ dans lequel l’artiste livre son amour du blues. De tels moments établissent clairement une filiation entre Prince et Little Richard à ceci près que le premier est une telle machine à musique tant niveau connaissances qu’interprétation que son jeu est nettement plus libre. Un simple piano et pourtant on devine ce que tous ses disques ont confirmé, un affranchissement des carcans et une liberté musicale impressionnante. Quelques moments recueillis (‘Wednesday’), du délire typiquement cabaret (‘Cold Coffee & cocaïne’), de la beauté pure (‘International lover’), un peu d’improvisation, de gravité, de déconne, un zeste de rythme (’17 days’) et d'expérimentation; d’une simple bande de travail, le Kid nous offre à son insu un disque poignant témoignant de son incroyable talent musical mais aussi vocal puisqu’il va varier son timbre à plusieurs reprises. Le son est excellent, parfaitement adapté à l’exercice. Oui, sortir officiellement ce pirate est un magnifique hommage post-Mortem, une plongée émouvante dans l’intimité d’un artiste unique qui ne fait pas semblant.