Witch Of The Vale › Commemorate

Je ne savais que penser en descendant l’étroite sente de pierraille; une sorcière hante ces lieux, m’avaient dit les villageois, nul n’ose se risquer au bord du ruisseau nos jours. Moi si. Tout le monde sait que les sorcières ne sont ni veilles ni laides, n’ont pas de verrue sur le nez et ne chevauchent aucun balais une fois libérées des contes d’enfant. Douce adrénaline, suave crainte du mystère de la rencontre, un frisson quasiment érotique me parcourait l’échine alors que je longeais le petit cours d’eau bordé de saules desséchés, de pierres moussues et de souches bizarres. L’ambiance était paisible rythmée par le murmure de l’eau, les chants d’oiseau, et même si certaines falaises s’élevaient en contrebas, la lumière filtrée par le feuillage conférait à la scène une touche féérique. Car c’est bien de féérie dont il s’agit. En lieu et place d’une sorcière, c’est une fée que je rencontrai ce jour-là ou pour transférer l’image en notions d’écoute, plus que de musiques sombre, c’est de l’heavenly que propose le duo écossais. Attention, Ryan, l’homme derrière les machines, essaie effectivement de tisser des ambiances mi-rituelles mi-apaisées, parfois râpeuses, n’insistant que peu sur l’aspect mécanique de ses instruments, très loin des essais minimal wave si courants aujourd’hui. La surprise vient plutôt de Erin, la chanteuse. Erin chante bien, trop bien. Sa voix éthérée évoque volontiers les bords de mer britanniques, la nature verdoyante et mystérieuse de leur région (il faut laisser au groupe une vraie capacité d’évocation, pas si évidente quand on travaille avec l’électronique) mais elle est gentille, très gentille, presque trop parfaite et lisse à mon goût. Version méchante, je trouvais même qu’elle avait tendance à ruiner le potentiel sombre de certains morceaux, les allégeant trop, jusqu’à ce que je modifie mon approche. Pris comme de l’heavenly, l’album de Witch of the Vale remplit son contrat. Cette sorcière-là est bienveillante avant d’être mystérieuse. Oui, certains rythmes sont âpres, certaines intros laissent présager une forme d’angoisse mais le duo ne laisse jamais la noirceur l’emporter. Comment le pourrait-il avec une chanteuse au timbre si angélique (sans être niais du tout, précisons-le) ? Mon principal souci proviendrait plutôt du fait que le disque manque de chansons réellement fortes. Beaucoup de cassures, d’apaisements, d’éclats, d’errements atmosphériques et le chant ne compense pas assez, trop impeccable. Certes, on note de très beaux moments (le mélancolique ‘Suffocation’, ‘Fever’, ‘Trust the pain’, la ritournelle hantée de ‘The way this will end’ ou un 'Commemorate' plus noir) mais le cd est long. Un peu trop à mon goût. Ca manque de relief, pas assez d’équilibre entre chansons rythmées et atmosphériques, une voix parfaite mais toujours dans les mêmes tonalités, trop peu d’éclats, on finit par trouver le temps long. Quel dommage, je ne sais trop qui j’espérais rencontrer en descendant dans le vallon ce jour-là mais certainement pas la personne qui s’y trouvait. Une belle journée, un bon souvenir mais je reste un sur ma faim malgré tout. Une autre fois peut-être…