Rx Papi › Foreign Exchange

Disque inattendu qui fait se croiser deux mondes, l’écrin classieux du cloud rap et la brutalité du « DMV flow ». D’un côté, Rx Papi, un de ces rappeurs youtube 2020s, encore relativement underground, qui évolue dans la sphère « DMV flow », cette nouvelle tendance du rap US qui consiste à enchaîner les phrases sans faire de pause, en les « overlappant » sur ordi. Un rappeur intéressant à suivre, donc, car non dépourvu d’une certaine radicalité créative (coutumier des freestyles de >10 minutes avec son acolyte Rx Nephew et de hors pistes parfois surprenants), mais qui a une fâcheuse tendance à se disséminer en singles et projets de qualité inconstante (4 disques en 2020, 4 en 2021). De l’autre côté le producteur Gud, issu du collectif Sad Boys centré sur le roi suédois du cloud rap, Yung Lean. Sur ce petit projet, les prods pleurantes et planantes de Gud accueillent de manière un peu incongrue, semble-t-il au départ, le DMV flow du ricain Papi, un flow taillé à la base pour des prods trap, drill voire « no melo », où le placement sans trou était utilisé avant tout pour sa froideur et son irrespirable violence. Rx Papi, dans cette mer de nuage, s’en sort à merveille, et son interprétation est si puissante et si bonne de bout en bout, à son plus énervé (« 12 Stout Street », « Still in Da Hood », « Albino Steve ») comme à son plus « emo » (« NLMB », « Rahkel »), que je ne verrai pas de raison de lui refuser le 6/6 s’il n’y avait pas « Liar », qui régresse à du mauvais Yung Lean. Cela mis à part, chaque morceau est une claque à la fadeur du rap contemporain. Foreign Exchange apporte à 100 Miles and Walk'in, sorti en début d’année, ce qui lui manquait : des beats assez chargés affectivement pour porter aux cimes le potentiel de Papi. L’alchimie est excellente.