Sacré Morrissey, alors que ses positions pro-Brexit, son ‘appui’ au parti d’extrême-droite For Britain laissaient craindre un virement xénophobe, le voilà qui sort son album américain, un disque de reprises faisant la part belle à des artistes plutôt contestataires tels que Bob Dylan, Joni Mitchell, Buffy St-Marie, avec des morceaux engagés contre la ségrégation raciale, la domination de classe et autres. Pas que, nous y viendrons. Visiblement cette même presse qui le suit depuis des années n’a toujours pas compris comment le Moz fonctionnait (ou alors elle fait exprès de jeter de l’huile sur le feu parce que cela fait vendre). Passons. ‘California son’ est un album étonnamment lumineux, un peu trop à mon goût, pas forcément mal mené, marqué par la patte du Mancunien certes mais pas assez. J’en veux pour preuve ‘Lady Willpower’ de Gary Puckett avec ses cuivres affreux et durant laquelle Morrissey s’amuse à singer Tom Jones, sans grand succès. Encore plus flagrant sur ‘Loneliness remembers what happiness forgets’, pas forcément mauvais mais où l’on aurait plus aisément imaginé Marc Almond. Contrairement à son compatriote, le Moz n’est pas coutumier de ce type d’atmosphère, il n’en maîtrise pas suffisamment les codes pour les transformer, son interprétation en sonne du coup un peu scolaire, un tantinet maladroite. Il s’en sort nettement mieux sur le ‘Only a pawn in their game’ de Dylan, nettement moins joyeux avec ses orchestrations et rythmiques celtiques ou le gospel endiablé de Buffy St-Marie (‘Suffer the Little children’…Tiens, une chanson des Smiths s’intitule ainsi). A mon sens, sans vouloir en faire une icône gothique, le Mancunien fonctionne plus efficacement dans des registres plus obscurs, on ne se refait pas. Bien sûr, la lumière ne lui est pas forcément si étrangère comme en témoigne la belle interprétation du ‘Morning starship’ de Jobriath, l’une de ses idoles et qu’il a largement contribué à réhabiliter. Jobriath aurait certainement apprécié. De même, il enterre assez sèchement Roy Orbison (‘ It’s over’) en le combattant sur son propre terrain, jusque dans les intonations vocales. Naturellement, sur des ballades tristes au piano telles que ‘Lenny’s tune’, notre homme est comme un poisson dans l’eau. Tout ça pour dire que cet album n’est pas une bouse mais vu la diversité des chansons sélectionnées (pertinentes globalement), Morrissey peine malgré tout parfois à y insuffler entièrement son identité, surtout sur les pièces les plus légères. Un disque de curiosités pas désagréable mais pas indispensable même s’il présente un Morrissey plutôt apaisé, moins occupé à provoquer ou combattre des controverses.