Un pavillon ? Tu parles, c’est à peine une caravane sans roue, en moins fun. Même vivre au coron, c’est trop cher; maman passe ses journées à fumer à la fenêtre à regarder dans le vague, une routine à peine interrompue quand le vieux vient la cogner lorsqu’il a bu trop de gnôle, parfois, c'est le frérot qui s'y colle, quand il cherche pas à la tripoter quand elle est par terre, ce sagouin. Gamin chétif, j’ai appris à courir très vite pour échapper aux autres mômes, à mon frère, mon père, à dormir dehors pour ne pas me faire sodomiser, à voler de la bouffe. J’ai aussi appris à sniffer de la colle. Pas pour me défoncer, non, pour me rendre méchant, déchaîner la rage. Je me suis bricolé des armes en fer rouillé, pas pour jouer aux indiens mais pour blesser. Je ne suis pas bien vieux mais le dimanche, ça ne rigole pas quand je déboule à l’aube sur mon vélo-moteur en hurlant dans les rues. Ouais, je leur gueule ce que je pense d’eux à tous ces tas de merde, je fracasse leurs boîtes aux lettres, je balance des pierres dans leurs vitres, je pisse contre leur porte. Pas un n’ose sortir. Il vaut mieux, je leur défoncerais la tête à coup de chaîne ou de barre à mine comme je l’ai fait aux deux autres ploucs qui m’ont cherché des noises à la sortie de la boîte de nuit. C’est ça, la vie dans notre ‘campagne’, mec, on se défonce à l’ultraviolence parce qu'on n’a rien et comme j’ai encore moins que les autres, je suis le meilleur à ce sport-là. Ca doit aller vite, être intense, sans pitié, laisser des séquelles. Parfois, je me demande si j’ai pas inspiré ces mecs qui répètent dans le sous-sol du pub abandonné. Leur musique aussi, elle va vite, elle est glauque, intense, une sorte de Sonic Youth punk, a déclaré un de leurs potes qui fumait une clope dehors une fois. T’as envie de cogner quand tu les écoutes tellement c’est déchiré et déchirant, cette fille qui hurle, elle me touche presque. Mais eux, ils ont des trucs à dire, pas moi.