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Selvhenter › Motions of Large Bodies

cd • 10 titres • 44:55 min

  • 1Golden Boy5:57
  • 2Tribute3:29
  • 3Mos Def2:16
  • 4Late Night Ferry7:26
  • 5Dogs2:40
  • 6Stirb Langsam7:17
  • 7Sprituel Vækstpakke4:24
  • 8Les Femmes d’Affaires4:38
  • 9Balinesisk Ruder3:59
  • 10Wolfgang2:40

informations

Enregistré au studio Mayhem, Copenhague par Aske Zidore. Mixé et produit par Aske Zidor et Selvhenter.

Pochette : Eva La Cour.

line up

Anja Jacobsen (batterie, percussions), Jaleh Negari (batterie, percussions, claviers), Sonja Labianca (saxophone, claviers), Maria Bertel (trombone, claviers, synthétiseur), Maria Diekmann (violon)

chronique

La nuit je vis. Sur cette fameuse parallèle, parfois – ça s'appelle les songes, les rêves, on cogite autrement, on réfléchit sous d'autres angles et d'autres lumières, dans d'autres obscurités. Inutile, au vrai, de chercher à « analyser » – bêtement, de tirer des rayonnages d'une culture psychanalysée les dictionnaires de symboles et d'oracles affaiblis, coupés des corps qu'ils forment, des mouvements qui sont les sources des narrations (et dont celles-là ne sont pas seulement l'écho, gageons). La nuit parfois, aussi, je ne dors pas ou guère – question de moments, période, choses à faire ou non. Dans les deux cas, toujours : la musique des Danoises de Selvhenter me renvoie à tout ça – rêves-songes et non-sommeil, dans et hors le sommeil. Quelque chose de très beau mais de très agité, brume qui enveloppe et phares, foyers qui brûlent, incandescents, dans les nappes. Un lieu, un souffle, des souffles et battements qui renversent ou soulèvent, réchauffent et arrachent.

C'est que cette musique, aussi, s'articule – on y revient – pareille à ces mouvements nocturnes. Pareille à ceux des soirs, du plein minuit et heures autour, à ceux de l'aurore qui point à peine. Musique extrêmement vaste, et contrastée en dimensions multiples, sous l'impression première d'une grande ombre qui enfle, s'avance, d'une lumière aveuglante, ailleurs, qui absorbe cette singulière ténèbre. Selvhenter émanent des matières. Les structures et cheminements de leurs morceaux semblent relever de gestes qui en dessinent les guides (comme on parle de « guide » pour une corde fixée mais souple, le long d'une sente en corniche, au bord d'une falaise) plutôt que de limites tracées invariablement, qui les enserreraient. C'est une musique écrite, pourtant, n'en doutons pas – mais peut-être bien, très possiblement dans leurs mémoires, au fil des décisions/répétitions, des concerts, sur des repères et des pivots, plutôt qu'en partitions très strictes, sans latitude laissée au moment de la performance, de l'exécution publique (dans un sens qui est le contraire totale de son acception funeste, qu'on m'entende : « exécuter », ici, veut dire rendre au monde la musique, pas supprimer un être, retrancher du vivant). Chose rare, de plus : la musique de Selvhenter, jouée en studio, ne perd pas ce caractère à la fois très solide, concret – matériel, je le répète – pas plus que cette dimension, cette impression qu'elle en donne : d'ouverture, d'espace habité. Sax, batteries, woodblocks... – elles sont deux batteuses/percussionnistes, ici ; et ce n'est pas pour la frime – trombone, textures de synthés dans les basses ou les stridences, violon, qui oscillent des mélodies nuancées mais nettes, souvent, les impriment dans le rythme sans chercher à s'en détacher (à le contrarier) mais sans s'y fondre comme s'il n'y avait qu'une seule Couleur. Les dissonances peuvent surgir comme violence – mais pas envers la matière, pas envers sa plénitude ; envers une certaine forme de léthargie, plutôt, qui serait celle d'une harmonie gobée telle quelle, acceptée sans jamais l'avoir entendue vraiment, validée comme « classique » et envers quoi tout le reste devrait se définir, se classer, se nommer. Selvhenter ne font pas « de la musique classique », pas plus « du jazz », même pas « du free » ou « du doom-jazz » (étiquette qu'il serait trop tentant de leur coller à l'écoute, par exemple, du bouillonnement de pétrole non-filtré de Stirb Langsam – magnifique et alarmant). Elles ne « tombent » pas non-plus dans cette facilité, interdisent qu'on y tombe, nous autres écoutants, commentateurs, critiques, du « mais un peu tout ça à la fois sans l'être tout à fait ». La musique de Selvhenter est, de bout en bout, tréfonds et formes, « du tout à fait », qu'elle « parle » – c'est selon qu'on prendra les titres des morceaux comme des indices ou comme guère plus que des noms de hasard ou presque, mnémotechniques pour elles ou nous – des Femmes d'Affaires, d'un Ferry de Nuit Profonde, du rappeur Mos Def (et oui... la syncope, le groove, le brut-mais-travaillé du gars... ça va bien à la plage qui porte ce titre... le « flow »... le FLOW), ou, en leur langue à elles, de « Vitrages Balinais », de « Forfait de Croissance Spirituelle » (sic reverso ou est-ce vraiment ce que ça, ce qu'elles énoncent, sur Sprituel Vækstpakke...). Ou d'un certain Wolfgang (un autre?) ou bien encore des chiens.

La nuit, ces temps, ces jours, ces tous-derniers, je dors bien. Quelque chose devant moi que je ne connaissais pas, un pas hors des villes grandes et saturées où je vivais depuis vingt ans et plus, pas tenté par la sensation, pour ça, d'être arrivé dans un « nulle-part » juste un petit peu moins saturé, moins grand... Ça fait moins de bruits – ceux de type parasite – là où je réside maintenant. Et je reviens, pourtant – ou justement, pourquoi « pourtant » ? – à Selvhenter, à leur musique, ce moyen de transport(s) vers les heures où le corps et le cerveau, le sensible et le pensé cessent de jouer l'illusion d'une séparation définitive, sans porosité ni échange, ni fusion en une seule substance tangible, vibrée. La nuit je rêve, donc, et même quand je veille, je sens bien qu'on pense autrement. Sans confondre, je vois bien qu'il s'en passe, qu'il en passe, de l'un à l'autre état. Et de ces « Mouvements des Grands Corps », je sens toujours ce qui circule en nos perceptions – tout à la fois, pour l'occasion : grandes-ouvertes, infinitésimales.

note       Publiée le vendredi 24 septembre 2021

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Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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On est bien d'accord, la pochette - pas prog mais moche - ne rend pas DU TOUT justice à la musique... Ou ne lui ressemble pas, tout court, quoi, simplement.

Message édité le 25-09-2021 à 18:09 par dioneo

Note donnée au disque :       
saïmone Envoyez un message privé àsaïmone
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Wow c'est vénère ça, bien plus que sa pochette le laisse supposer