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Mama Béa Tekielski › Faudrait Rallumer La Lumière Dans Ce Foutu Compartiment

lp • 7 titres • 00:00 min

  • face a
  • 1La Clef
  • 2La Fenêtre
  • 3Le Fils Du Roi
  • 4La Vie
  • 5Quarante-huit Kilos
  • face B
  • 6Les Mots
  • 7Poussières

informations

Enregistré au studio Fremontel en septembre 1977 - Prise de son : Christian Gence - Produit par Béatrice Tekielski et Yan More

line up

Dominique Simon (basse), Jean Garcia (Guitare Électrique), Beatrice Tekielski (vocaux, textes, musiques, guitare électrique)

Musiciens additionnels : Michel Delaporte (percussions)

chronique

  • chanson expé « magny-style »

La retranscription du Cri de Munch en musique. Voilà, en peu de mots, l’effet que me fait l’hors-normes et transcendantal Poussières, qui met le voyageur égaré à l’épreuve sur la face B de cet album encore à peine culte, qui attend sagement le curieux. Cette déclamation industrielle – faute d’un meilleur qualificatif – nettement moins grandiloquente que le reste de l’œuvre de la dame, gravite autour d’un infernal et incessant bourdon de basse machinique variant à peine, qui semble se jouer des imprécations de sorcière blessée de Mama Béa. C’est un paysage d’après le monde, fait de rougeoiements nucléaires clignotants au-dessus d’un horizon déchiqueté, rares éclaircies sur une lande post-apocalyptique où tout agonise et fond sous une température qu’on devine ici à des milliers de degrés. Le remugle de basse ondule, suit son cours, sans structure apparente, sans crescendo… Et puis ça s'anime, les sonorités métalliques se détachent du chaos sonore, s’échappent de la mélasse qui produisait jusqu’ici bulles et fumerolles, se mettent à danser d’un pas menaçant, telles des chimères de Satan devant le grand chaudron… Retour à la gravité, dans un chœur de sifflements de crotales-cymbales. Les images jaillissent, puissantes, impitoyables, pendant un quart d’heure qui mériterait d’en durer au moins le double. Je ne citerai pas le texte, il faut se le manger comme elle l’envoie, dans le désordre, pour bien comprendre d’où exactement ce morceau nous parle, de quelles tripes de la sombritude (ouais) ces mots proviennent.

Nécessairement, le reste de l’album est d’un tout autre style, sans quoi vous auriez quand même déjà entendu parler de ce disque. Mais je m’attarderai d’abord sur « Les Mots », chanson-rock qui partage la face B avec l’encombrant Poussières. Derrière un riff chaloupé, repris en scat, se blottit l’un des titres qui me touchent le plus personnellement de Mama Béa. Il y est question de l’inadéquation des mots à transmettre les intentions humaines, toujours « trop grands ou bien trop petits », n’ayant « jamais la bonne pointure » (image reprise du « Préau » sur l’album d’avant, où il était question de fringues jamais à la bonne taille portées durant une enfance miséreuse), provoquant au final le trop bien connu abandon de tous envers tous « ce qu’on a sur le cœur, à quoi bon le dire / on est jamais sûr d’être bien compris / puisqu’on a pas tous le même délire ». C’est ni du Aragon, ni du Ronsard, et peut-être même pas du I Am ni du Lavilliers, mais c’est la seule chanson qui le dit comme ça est, les gens ! Et cette tournerie de guitares vaguement sud-américaine, funk sombre, de se révéler pile, exactement la bonne pointure pour ce texte si précieux, si transperçant de justesse sur les relations humaines, et leur immense éventail d’incompréhensions et de leurres possibles.

On sait très peu de choses sur Mama Béa Tekielski. Qu’elle est d’Avignon, d’origine Polonaise. Qu’elle a commencé par un premier album sorti sous le nom de Béatrice Tekielski (pas encore « mama ») encore trop redevable aux classiques de la chanson rive gauche et à la Léo Ferré, autre sudiste politisé. Qu’elle a ensuite disparu des radars, mais a vraisemblablement fortement subi l’influence de la grande Colette Magny, elle-même volontiers désignée comme une « mama » du blues, façon Big Mama Thornton ou Mahalia Jackson. Que son « retour » avec l’album La Folle (un double !) est placé sous le signe du rock psyché (avec pas moins de 3 membres de Clearlight), mais déjà très imbibé de jazz-rock, comme c’est alors quasi-inévitable en France à la fin des années 1970. Que la suite la verra glisser progressivement vers une sorte de variété sombre à synthés, jamais avare en mauvais goûtS - et surtout impérialement dédaigneuse du bon - mais avec des fulgurances incroyables, des instants de beauté, de sincérité et de justesse qui sentent toujours la fougue des jeunes années.

On pourrait faire une plaidoirie pour sauver au moins son diptyque « La Folle/Faudrait » de ces défauts (mais ce serait faire l’impasse sur Le Chaos et Bébé Robot, qui pour certains sont ses meilleurs albums) : certes, il y a trop d’écho dans cette prod. Y compris les « échos » de Colette Magny, ou d’Isabelle Mayereau (surtout sur La Vie, adorable petit morceau juste alourdi par ses refrains qui semblent soudain en panne d’inspi). Certes, la musique de Mama Béa est intrinsèquement déséquilibrée et épuisante, mais Faudrait Rallumer l’est bien moins que La Folle, car amplement aéré par le cauchemar qu’est Poussières, et par les moments d’introspection cathartiques que sont (encore une fois) Les Mots ou La Vie. Le comble du repos de l’oreille est atteint sur le silencieux 48 kilos, a cappella parlé (j’arrive pas à dire spoken-word tant c’est juste une confession) entièrement basé sur le texte et la voix cassée, qui à défaut d’être un chef d’œuvre, force un peu le respect, quand même. Souvent Mama Béa semble crier dans le vide, ou ployer sous l’affliction dans ses élans de sincérité à vif, quand sa voix se brise, s’éraille, en un tic qui deviendra quasiment monnaie courante dans toute la variété « à voix » des années 80, française et pas seulement. Pourquoi, chez elle, cet aspect sonne véritable, tout simplement ? Peut-être parce qu’ici, la malédiction n’est pas qu’un mot vaguement aperçu dans un petit volume soigneusement fermé sur l’étagère, un dimanche de novembre… « … Et tu pourras pas décoller… »

note       Publiée le mardi 4 mai 2021

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Pour « L’Europe » seulement… Et dites vous bien que « Poussières » est deux trois crans au dessus dans la folie.

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Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

À priori, c'est le même disque avec trois titres en moins (merci Wiki-bidule). Remixés. Dommage de perdre "Le Préau" qui ouvre "La Folle" et qui est déjà complètement dingue. Et surtout le titre-fleuve dont je parlais plus bas. Tu peux pas beaucoup te tromper avec Mama Béa. Même quand ça rate la cible, ça touche autre chose.

Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

J'ai chopé celui-ci et Visages, qui reprend les chansons de "La Folle". Est-ce que ça le fait aussi ? Pour l'instant je digère seulement celui-ci y a déjà de quoi faire. Putaing ces guitares, et cet accent du sud.

Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

"La Folle" est un disque dangereux. Pas que celui-ci soit inoffensif, loin de là. Mais c'est un sacré traquenard dans son genre. "La Mort-Musik" est à la limite de bouffer le reste du disque, avec ses sons électro-électriques (entre Schulze et Hancock, voir le Paul Bley au synthé).

Raven Envoyez un message privé àRaven
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...Et t'as pas encore écouté La Folle !

Note donnée au disque :       
Alfred le Pingouin Envoyez un message privé àAlfred le Pingouin

MAIS C'EST DE LA FOLIE PUTAIN