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John Cale › Slow Dazzle

  • 1975 • Island ILPS 9317 • 1 LP 33 tours

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Membre Note Date
Raven      vendredi 30 avril 2021 - 23:59
GrahamBondSwing      mercredi 1 mars 2023 - 13:29

cd • 10 titres • 35:50 min

  • 1Mr. Wilson
  • 2Taking It All Away
  • 3Dirty-Ass Rock 'N' Roll
  • 4Darling I Need You
  • 5Rollaroll
  • 6Heartbreak Hotel [reprise d'Elvis Presley]
  • 7Ski Patrol
  • 8I'm Not The Loving Kind
  • 9Guts
  • 10The Jeweller

informations

Cet album est inclus en intégralité dans la compilation The Island Years.

line up

John Cale (chant, piano, orgue, clavinet), Timi Donald (batterie), Pat Donaldson (basse), Brian Eno (synthétiseur), Phil Manzanera (guitare), Chris Spedding (guitare), Chris Thomas (violon, piano électrique), Gerry Conway (batterie)

Musiciens additionnels : Geoff Muldaur (voix)

chronique

  • piano rock déviant

"Plus je connais John Cale, moins j'aime Lou Reed", ai-je un jour dit à ma chienne. C'est le monde à l'envers, mais Cale est un peu traité en chien crevé en comparaison au Lou, alors qu'il est le plus singulier des deux quand on se penche sur son cas. Jusqu'à se révéler fascinant. "Éblouissement lent" ? Tu m'étonnes, John ! Cale a son statut culte dans les milieux critiques, certes, cette aura de spectre créateur arrangeur caché derrière des connus et des classiques ; mais avec ses albums de 74-75 dits "trilogie Island", il a de quoi en remontrer au mythe de l'album maudit-malade Berlin. Slow Dazzle a aussi ce clinquant malaise, avec ses piano-rocks de bar à tapin classieux. Dès la pochette façon rock star autistique, à l'opposé de celle plus-frontale-tu-meurs de Fear, ça sent quand même pas le bien-être et les jours insouciants... Ce que "Guts" viendra confirmer plus loin. Cale est un torturé, c'est une certitude. Et un inclassable. Il a, bien plus que son ex-collègue, ce côté magicien caméléon, capable de vous sortir un peu n'importe quoi de son haut-de-(protéi)forme. Ici, aussi inspiré dans le costume de l'arty-baron glam que du chanteur de charme, du parolier conceptuel que de la crapule cock rock. Mais toujours avec cette patte inhérente au gallois expatrié - ce gosier altier au vice ambivalent et à l'austérité singulière... Une drôle d'aguicheuse, ce Cale.

C'est manifeste dès l'obsédante "Mr. Wilson", élégie empathique adressée à son garçon de plage adoré, vivant alors reclus en état de déliquescence. Une des chansons les plus magnétiques de Cale, de cette note pianistique monomaniaque jusqu'aux somptueuses harmonies du final, des clochettes scintillant tels les spots dans ses lunettes noires à son falsetto truculent... John était aussi ce vocaliste du Velvet qui savait pas très bien s'il devait chanter comme ci ou comme ça... Alors il savait s'inventer des voix. Charismatiques. Par exemple, c'est lui qui a inventé Nick Cave. La preuve date de 1975 et elle s'appelle "Heartbreak Hotel", sous-titrée "c'est comme ça qu'on fait une reprise bande de tacherons sans imagination". Relooking pur proto-goth rock. Même sans être dans le trip avant-garde über alles et les manœuvres d'encyclopède sourcilleux, faut quand même rappeler que le poli John, avec ses excès et sa personnalité nocturne incernable, a bien préparé le terrain aux corbeaux. Et pas seulement parce qu'il a travaillé pour Nico et était l'éminence grise du premier Stooges, "We will fall" notamment (l'anecdote sur ses tenues de sorcier vampire durant la conception de l'album est fameuse). Si Bowie et Iggy ont été repérés de longue, comme proto-corvidés, Cale est peu ou pas mentionné comme couleur primaire/matière première du genre. Pourtant, cet escogriffe me semble avoir anticipé les excentricités de Vanian et Devoto. Et l'Australien cité ci-haut, donc, sur cette reprise sinistre et hallucinée du King, au chant d'une grandiloquence "ogresque", à l'excès savoureux, séquestrée par un riff sabbathien qui n'est pas sans rappeler "Momamma Scuba". Ouais... En matière de Cale versant Grand Standing, Slow Dazzle se pose là. Peut-être son album le plus luxueux et rutilant. Et l'un des plus abordables sans doute, parfois gaulé-ceinturé comme du Springsteen de l'époque ("Ski Patrol" !) - radiophonique tout bêtement, même si pas l'un des moins fantasques, loin s'en faut... Un peu comme une suite plus putassière de Fear, plus rock'n'roll et cabaret aussi, où Cale n'aurait pas peur des orchestrations les plus show-biz, cuivres inclus. Parmi ses pouvoirs magiques, Cale a ce sens subtil du guindé vulgaire. Ce romantisme décadent, et cet esprit fin aux parades dignes d'un Randy Newman pervers, capable de chansons d'une élégance folle ("I'm not the loving kind"). Slow Dazzle pue la flamboyance cafardeuse des seventies, bue jusqu'à la lie, jusqu'aux chœurs aussi surannés que du Spector. Le charisme particulièrement retors de Cale y rôde avec une fringale de prédateur mélodique affamé, enfilant menaces aigre-douces et moments guimauve dans son antre cossu, avec l'aisance vocale d'un pur crooner.

Nous sommes, j'en ai bien peur, en présence d'un musicien d'une classe impériale. Même quand il nous déballe ses "Guts" (titre qui a donné son nom à notre site comme chacun le sait), chanson de cocu rance de chez rance... Cuck rock. C'est pas vraiment du Serge Lama hein ; John est pas content, il est malaaa-deuh, et il fait des trucs bizarres avec sa voix, serpent inclus... Crescendo grimaçant sur guitare arsouille, finition fiente de perroquet. Camisole proche. Moche, mais nécessaire. Slow Dazzle est douloureux, même sur l'a priori mièvre "Darling I Need You". Fardé en clair-obscur, rehaussé par l'électricité haute-couture de Spedding/Manzanera, avec quelques-unes des intonations signature façon Roi Lézard ("Taking It All Away", et plus encore "Dirty-Ass Rock 'n' Roll", exquise crasse au parfum fastueux). L'album vous paraît trop classique malgré tout ? Trop de flonflons ? Trop de proxénétisme à la variété, de maquillage, too much vulgloss ? Le final à la spoken word d'épouvante "The Jeweller" devrait mettre les esprits sombrexpérimentaux de accuerdo, avec un texte onirique archi-perché à rendre jalouse Brigitte Fontaine, sur soie de drones glaçants, anticipant certains trips d'Alan Vega ou de Programme dans une ambiance entre velours et souterrain... Clap de fin en chambre froide, achevant l'un des albums rock les plus vénéneux des années 70.

note       Publiée le vendredi 30 avril 2021

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    Gouzi Envoyez un message privé àGouzi

    ""Guts" (titre qui a donné son nom à notre site comme chacun le sait)"

    Pas sûr vu que j'en connais qui se demandent pourquoi ...

    jacques d. Envoyez un message privé àjacques d.

    Quelqu'un qui, dans la vaste galaxie électrique" compose, avec une belle sincérité, sans apprêt, un (excellent) titre nommé "ski patrol" ne peut, en effet, que mériter louanges et respect. "Here comes the ski patrol It comes but once a year On down the mountain side And they'll make sure that we're all right Make sure that we're all right Sure that we're all right Sure that we're all right, all right All right, all right, all right" Celui-ci reste mon titre préféré de l'album (et pourtant, je ne skie pas). La mélodie y slalome.