Kool Keith › Saks 5th Ave

Cul tendu mérite son dû. Keith à la rue, mérite double gros cul. Magnums bien glissés, bonnet parfait, emballage vert flashy à la Lost in Space, Rolls customisée, cacatoès en train de forniquer... Ça fait la rue Jacquie & Michel. Triomphe de l'amour, ô Harmonie de Dame Nature ! Monsieur Keith est un fin gourmet, c'est bien connu, et voici peut-être sa plus belle pochette du genre depuis Sex Style... Astucieuse idée de déco ? Machisme tristement redondant dans le rap, sous couvert d'avant-garde ? Quoi qu'on pense de l'artiste, de l'esthète, nous conviendrons qu'il aurait tout aussi bien pu choisir de ranger ses bouteilles d'une autre manière. Cela prouve qu'il est plus subtil gentleman qu'on ne le pense, et que les préjugés sur les rappeurs ont encore la peau dure. Qu'importe, ce collage vient à point G nommé pour infiltrer la génération des youteubeurs et des branleurs virtuels de tout bord. On savait Kool Keith amateur de fourrures... Le voici devenu, en toute logique, trappeur. Deux ans après sa première tentative (Controller), notre filou de Matthew confirme en effet qu'il peut lui aussi faire de la trap. Exercice délicat, car, pur opportunisme ou pas, chez les vieux emcees (même ceux qui moisissent dans l'underground depuis des plombes) cette musique ultra-synthétique est un gros risque de débâcle. Je ne suis pas spécialiste du genre, mais l'habit lui va bien, au Keith ! Mieux en tout cas que pas mal de ses boom baps archi-usés. Il s'en sort très honorablement, le margoulin. Kool Keith ne rappe plus comme si son vit en dépendait, depuis longtemps, mais sa trap de loser dalleux lui permet de recycler son flow dévitalisé, à la mécanique blasée. D'aligner une tracklist dans l'esprit du moment... La nouvelle génération est même plus foutue de trouver des titres ? OK, on va faire pareil. Shopping à la Kardashian. L'appel du vide. Fragment d'ère glaciaire cérébrale, en direct du trou noir vaseliné. Mais ce sont les ambiances qui font le jus de Saks 5th Avenue, généreuses en sons software radioactifs comme des barils de MOX déversés dans le jacuzzi géant de Donatella Versace. Prends ça dans ta story insta, roulure du monde hyper-connecté. Des percus en plastique chinois d'entrée de gamme, des beats signés Landon Price (Leader Price?) aussi raplaplas qu'un écran HD ? OK... Mais pourvoyeurs d'une pure ambiance malsaine propre ! Prince de la sape aux logiciels halluciné, fétichiste du logo de luxe et de la haute couture, Kool plane sur son fluo, on déguste, pépouze, en montant le volume de l'enceinte bluetooth-vasque à champagne, ce Keith millésime 2020, sa fine bulle, ses instrus carillonnantes et kaléidélicieuses de "Angel", "Bring 'em all" (feat. un hibou) et "Marc Jacobs", bonnes guirlandes de drogué, scintillements de bling bling douteux, le venin plus rampant de "Sharon in the car" et la trap plus sinistre de "Brown McLaren" (miam), ou la touche plus afro-futur du final, enfin un peu tout du moment que ça brille dans la nuit des oreilles comme Las Vegas dans le désert, et que c'est kiffant d'artificialité magnétique. Les quatre notes de piano à la con de "Miami Mike" suffiront à appliquer la glue sur le cerveau et la surface du son. Le gimmick orient-alien de "T-Mobile Connect" appuiera sur les deux pièces à assembler. Attendre que tout cela fixe, inspirer profondément les vapeurs. Deux gros boules ? Quatre petites boules ! Option contrefaçon de Louis Vuitton remplie de cachetons.