The Fall › Fall heads roll

‘Fall heads roll’ n’est pas le meilleur album de The Fall (même s’il tape fort dans le haut du classement, clairement dans mon top 5) mais il contient l’un des meilleurs morceaux du combo qui résume à lui-seul son originalité, sa spécificité et sa philosophie: ’Blindness’. Cette chanson s’articule autour d’une des meilleures rythmiques du post-punk tout simplement, le bidule tellement jouissif que tu as juste envie de secouer ta tête comme un sauvage même si elle se cogne sans cesse sur le zinc car tu te trouves trop près du comptoir. Là où tout autre groupe aurait gâché l’extase en cherchant des variations, The Fall s’en branlent et laissent tourner sur près de sept minutes qu’on ne voit pas passer, avec une petite boucle récurrente de clavier en arrière-fond épiçant le smog électrique, le reste étant laissé à la récitation de Mark E.Smith qui a tout de même pris une sacré bouteille depuis tout ce temps quant à l’art de placer son non chant. Rien que pour ce titre…Mais histoire de laisser un peu de répit à votre touche ‘repeat’ (hé, les nazis du vinyl, ça va être plus compliqué, hein ? Sans rancune, je blague), sachez que ce skeud est bon dans sa globalité. Qui en 2005 oserait produire un tel disque de post punk endiablé si ce n’est The Fall. Il n’y pas photo, le duo base/batterie est proprement diabolique; c’est tribal (‘Bo Demmick’, ‘Blindness’), sauvage, percutant, toujours pertinent. Ce n’est pas l’unique qualité de cet album. Quand on voit la flopée de formations post punk synthétique qui déboulent de chaque coin du monde de nos jours, le t-shirt ‘Unknown Pleasures’ sous le perfecto, il serait bon de réécouter ‘What about us ?’, ‘Pacifying joint’ qui préfigurent quand même pas mal tout ça grâce au démoniaque petit synthé de Eleni Poulu. Evidemment, c’est moins sexy d’afficher The Fall dans ses références. Quelques pièces plus fraîches (le bon ‘Midnigh in Aspen’ évoquant certains aspects doux de Protomartyr dix ans plus tard), un éclat de nostalgie punk (‘Youwanner’) et un Mark E.Smith au mieux de sa forme. Je ne sais pas si c’est de m’être flingué les oreilles en poussant le volume à fond pour essayer de comprendre ce que racontait l’intéressé au cours de plusieurs interviews au cours des décennies (bon courage pour capter ce que dit un mec qui a l’air d’avoir trois paquets de chewing-gums dans la bouche et une pincette sur le nez) mais je trouve qu’il place sa voix de manière remarquable. Le combo se fend même d’une pièce presque mélancolique (‘Early days of Channel Führer) qui, là aussi, préfigure quelques bases du style de Protomartyr. Bref, le bonhomme a beau aimer affirmer qu’il n’a jamais ‘réellement voulu faire partie d’un groupe’, que c’est ‘surtout l’écriture qui l’intéresse mais qu’un bouquin, c’est trop long et chiant à écrire’, que 'se taper le circuit des éditeurs est encore pire que celui des maisons de disques’ et avoir su se mettre à dos la quasi totalité des zicos ayant bossé avec lui, il avait quand même un truc, LE truc, et les résultats sont là.