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Geins't Naït + L. Petitgand › Je vous dis

cd 1 • 8 titres • 44:28 min

  • 1Balla
  • 2Explo
  • 3Iroshima
  • 4Reste à la fenêtre
  • 5Je vous dis
  • 6Jm Massou
  • 7kkkk
  • 8SMOSN

informations

Artwork de Francis Meslet

chronique

Le colimaçon s'est ouvert à ma curiosité... Je l'ai gravi, comme je descendis marmot celui du Fort de Joux, pour y découvrir le volume inaugural de la série Mind Travels. Fruit d'une association liant l'expérimental pur et l'émotion, qui accouplés peuvent donner de bien belles fleurs, loin des bidouillages stériles qui pullulent en ce bas-monde... Gein'st Naït - entité nancéenne rôdant dans l'underground industriel depuis le milieu des années 80 - retrouve son acolyte des premières heures Laurent Petitgand - devenu entre temps et entre autres compositeur pour Wim Wenders. Et ils fabriquent en fusionnant les manipulations des uns et les mélodies de l'autre une suite de rouages sonores, élémentaires d'abord, mais sur lesquels viennent petit à petit se greffer toutes sortes d'effets symbiotes, d'échos fragmentés, qui en renforcent la puissance évocatrice. Voix aux langages brouillées, parasites type crachotements d'une cibi alien, bribes de bande, perceptions d'un futur troublé par les poussières... Les bidules ne manquent pas, et lentement mais sûrement, le bidule en bidules devient plus qu'un bidule. Cette musique croule de source, au gré d'une alchimie secrète des dimensions. Comme autant d'organes de récupération, travaillant en symbiose, dans une casse des souvenirs. L'aspect malsain et défiguré de Geins't Naït (on se souviendra d'Yvone) pénètre les espaces harmonieux de Petitgand, les deux s'enrichissant mutuellement. Avec comme liant ce spleen insolite et obsédant de ces rouages, sur lesquels ont brode des détails, qui à leur tour deviennent un tout vorace. Ces rouages étrangement familiers, comme des berceuses angoissantes... Leurs moteurs huilés avec précision, leurs garnitures bricolées délicatement, par ces artisans blottis dans la pénombre. Comme ce piano triste, cœur-étoile autour duquel gravitent les nuées d'artefacts. Bestioles grinçantes et gémissantes, peut-être droïdes peut-être végétales, murmures à mille pattes de petites machineries grésillantes. Comme cette sensation persistante d'une horlogerie, inductrice de visions mutantes. Incertitude du temps, du lieu... Mélancolie aux motifs arachnéens. Sentiment de déjà-vu dans un lieu inconnu, d'être chez soi là où tout semble se désagréger tout en se garnissant d'éléments étrangers... Instruments traditionnels anciens mêlés aux impulsions modernes, technologies qui se brouillent, comme cristal, rouille, chair, bois... On visualise même à certains moments, comme sur "Explo", de vieilles créatures biomécaniques, à la Cronenberg. Dans un monde qu'on devine vert-de-gris et en décrépitude, comme ce vieux phare dont l'escalier nous mène à des émotions enfouies, à des madeleines de l'inconscient collectif. Une musique-gigogne dont les spirales renvoient autant - sans jamais y ressembler platement - à Neubauten qu'à Tiersen, à DJ Shadow qu'à Deutsch Nepal, à Coil qu'à Parmegiani... On y recueille la folk surnaturelle de "Iroshima", entre l'hibakusha et le fantôme, les râles rongés de "Reste à la fenêtre", le thème enchanteur de "Je vous dis", se logeant dans la matrice pour le restant de ses nuits (n'y était-il pas déjà, ne l'a-t-on pas toujours connu ?), les voix brouillées et cliquetis cristallins de "kkkk", la cacophonie fantasmagorique de "SMOSN", carrousel morbide dans une agonie de clochettes et de jouets... Une musique à la fois simple et complexe, abstraite mais facile d'accès, de l'érosion, des mémoires en lambeaux reconstitués, des cycles, de la fugacité, au mouvement irrésistible de saisons. Un fil d'Ariane minutieusement encrassé, et les mécanisme profonds qui nous entraînent avec délicatesse dans leur rotation, berceuses électro-organiques prisonnières des songes... Comme une bibliothèque d'affects enfantins dans un bâtiment désaffecté où, laissées à l'oubli, des épaves de machines sont condamnées à ressasser les souvenirs de leurs fonctions.

note       Publiée le lundi 8 février 2021

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Note moyenne        2 votes

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Raven Envoyez un message privé àRaven  Raven est en ligne !
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L'indus y est encore, mais en ingrédient, subtilement incorporé dans le soyeux et les mélodies. Plus easy-listening, on va dire, sans que ce soit péjoratif le moins du monde. Je trouve que la musique de Geins't gagne en profondeur avec Petigand, sans perdre de sa singularité.

Note donnée au disque :       
cyberghost Envoyez un message privé àcyberghost

Ahaha oui Yvone <3 Mais curieusement, le peu que j'ai écouté de ces récents enregistrements ne m'avaient pas emballé, peut-être trop dans l'attente d'un come-back indus, à retester, quand même...

Thomas Envoyez un message privé àThomas

Ouh ça donne envie ça, je vais y jeter une oreille, merci Raven !

Scissor Man Envoyez un message privé àScissor Man

J'en rêvais, Raven l'a fait, je vous dis merci !

Note donnée au disque :       
nicola Envoyez un message privé ànicola

Tiens, un phare. Celui de Penmarc’h ?