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Veuve S.S. › Traître à Tout

  • 2018 • Nerdcore NC24 • 1 LP 33 tours

lp • 12 titres • 31:25 min

  • A
  • 1En Cage2:44
  • 2Béton – Armé1:04
  • 3Ventres Mous2:28
  • 4Déboîte1:31
  • 5Gavés4:33
  • 6Des Os & des Dents2:37
  • B
  • 7Où Est Ton Dieu ?2:08
  • 8Raté1:27
  • 9Cheap3:13
  • 10Sec1:51
  • 11Traître à Tout4:33
  • 12Quinque Secondus0:11

informations

Enregistrés les 17-19 mars et 5-6 avril 2017 à l’Épicerie Moderne, Feyzin, ARA, par Bruno Germain. Mixé le 3 juillet au Saint Maxime Basement Studio, Chuzelles, ARA, par Bruno Germain et Veuve S.S. Masterisé en août 2017 aux Dead Air Studios, Pelham, MA, par Will Killingsworth.

Artwork : H. LC.

line up

Hugues Le Corre (H. LC) (voix), Cyprien Masmejean (guitare), Olivier Michel (O. M.) (batterie), Benjamin Pic (B. P.) (basse)

chronique

Veuve S.S. avec un autre batteur – plus en place peut-être, pas moins brutal et vicieux (que l’ancien, que tout le monde là-dedans… Le mec a tapé chez Death to Pigs, quand-même, sévit aussi chez Zone Infinie). Les autres, toujours coreux, toujours bruitistes, toujours à vomir du noir en flot rugueux, étincelles glacées, gras mort-figé, laine de verre infectée. On ne s’y pointe pas pour la teuf, là, la comédie, la parade. Ça sue toujours son mal-exister – et qui a toute les raisons de persister ; son ras-le-cul de toutes ces conneries, de la vie parmi les gardes-chiourme qui ne réalisent même pas (ou pire, qui s’en cognent) que le moindre quelconque N+1 n'est lui/elle aussi qu’une particule de plus de merde en flottaison dans la soupe globale d’oppression – qui croit que les échelons gravis, on arrive quelque part. « Une armée de ventres mous/Leur violence ordinaire/Leur malaise si vulgaire »…

Veuve S.S. ne font toujours pas poètes – ne font toujours pas dans la « catharsis », non-plus, pas vraiment. (Comme si ça suffisait pour passer à autre chose, cette vieille foutaise d’office psy ; comme si ça résolvait quoi que ce soit, le moment venu de rempiler dans la broyeuse)… Bien-sûr, oui : les gars EXPULSENT (et nous avec). Mais non : ça ne suffit pas. Parce que ouais : demain ce sera pareil, encore PAREIL. Et ouais, foutre ouais : ASSEZ, ça oui, y’en a ASSEZ… Tout le temps.

Veuve S.S. : toujours en textes directs, en riffs cradingues, en larsens disgracieux. Alors ? RIEN ? Jamais ? Nulle part ? « Hardcore Négatif » ? Nettement, on peut trouver qu’il y a de ça… Mais sans le cirque tough-guys courant – les poses tatouages-biscotos. Sans non-plus qu'ils se sentent forcés de convoquer Sade et Satan (on n’est pas chez Kickback, quoi), sans qu’on craigne de voir se pointer au bout Bataille ou Blois ou D’Aurevilly, le trip « A rebours » ou « Là-Bas » (Huyssmanscore versant décadence ou rédemption). Non… Pas de place ici pour les ors souillés d’un quelconque démonisme – pas plus que pour ceux d’un autre Eden. Les pions prennent toute la place, le goût indélébile du fer. Pas assez de débattement pour déployer les moindres moignons d’ailes (seraient-elles de plume ou de cuir…). Il faut se bouffer le truc tel-quel. Se taper les bords de l’exigu toutes les fois qu’on headbangue… On peut seulement cogner. Ou non, moins, pire : tout ce qui reste, c'est gueuler – pour ne pas avoir à se salir encore les mains dans la baston, à empoigner toute cette merde qui n’en vaut pas la peine. « Courage ! Fuyons ! » – qu’ils disent, qu’il braille, qu’ils citent comme l’adage ou peut-être bien comme le titre de ce truc avec Rochefort, le film, là ? ... Il faut tendre l’oreille un peu mais on comprend alors assez vite – ce qu’il égosille, LeCore, au micro. Je me demande aussi, côté citation, tiens : si Gavé, (« Bien gros, bien gras/S’en gaver - plein la panse/Leurs gueules : des abattoirs »…) pastiche volontairement Vian – mais sans la gaudriole, j’insiste, sans la distance de la pochade. (Bon, déjà que ça grinçait pas mal, d’accord, lesdits Joyeux Bouchers – pas franchement optimiste, le petit père Boris, sur ce coup-là et sur d’autres). Le meilleurs morceau de l’album d’ailleurs, pour moi, en passant, ce Gavé. Le riff atrabilaire et barbelé, maigre et méchant, au début, bien punk, presque rock. Le ralentissement menaçant, qui obscurcit et refroidit encore l’atmosphère, à la fin, sans cesser de groover – au contraire, nous engluant là-dedans alors que la batterie ne scande plus rien. Il faut admettre. Il faut s’accrocher. Il faut, il faut… Il faut… « Il faut que les hommes soient devant… une réalité physique un peu terrible… pour changer de conscience » […]

Attendez voir, c’est quoi ce sample ?! « … On est dans une crise évolutive. On est en train de… Mourir à l’humanité… Pour naître à autre chose » […] C’est qui ce type ? Eh bien, renseignement pris : pas un prophète de l’Apocalypse. Peut-être même le contraire – en quelque sorte. Un mec qui avait survécu à pire qu’imaginable – un rescapé de Mauthausen, où les nazis (via la gestapo) l’avaient jeté pour avoir été membre d’un réseau de résistance. Devenu « chercheur des mondes de Conscience à venir », plus tard – résident d’Auroville, continuateur de la pensée d’un certain Shri Aurobindo et de « Mère » (Mirra Alfassa), celle qui l’avait fondée, cette singulière « ville expérimentale ». Je vous laisse vous renseigner sur cette histoire, cette expérience, ces gens. Vous verrez par vous-mêmes si ça tient pour vous de l'arnaque urbaniste alternative, du pur délire ou bien de la thèse qui se tient, d’une philosophie pratique et viable, praticable… Si le mec que sample le groupe, donc – un certain Satprem, au fait – se le fourrait dans l’œil jusqu’au coude ou touchait une idée qui vous cause, à déclarer qu’on devait muter, que l’humain ne serait qu’un état transitoire, qu’il faudra prendre le risque sans quoi de toute façon, en tant qu’espèce, on sera sûr d'y passer. J’avoue n’avoir pas lu ses écrits – je ne sais pas, un jour pour voir, ça viendra peut-être ou pas. Reste qu’elles m’ont harponné, ces quelques phrases en bout samplé, au ton si tranquille pour dire la catastrophe.

BREF ! Et Veuve, alors, ils en pensent quoi ? Eh ! Qu’est-ce que j’en sais, moi… Ce que je vois c’est que ça infléchit – oh, très légèrement mais voilà – la couleur de la crasse qui suit, cette bizarre phase insérée. (Que ça m’a fait écouter le tout autrement, les fois d’après). Mais pas de surprise : elle resurgit, la dégueulasserie, après. Aussi fort. Aussi morne. Aussi littéralement énoncée. Tout est encore pire-que-raillé : conspué, prélevé pour montrer comme c’est trivialement moche – « La nuit on ment/On boit/Les mauvaises suées/Le haine de soi/le mensonge – enfin soi ? … »). Non : je ne sais pas s’ils veulent dépasser ça – à force de n’en plus pouvoir. Si de se faire « traîtres à tout », ça leur permettra – s’il espèrent que ça pourra, s’ils s’y éreintent – de s’arracher à cette stase dont le groupe, dont ce disque comme les précédents (l’EP Viscères, l’espèce d’album-démo Shlass, le split avec Meurthe…) ont toujours été la parfaite et réticente image, la scorie déchiquetée mais vivace, le fragment de calcul rénal (ou d’un autre organe, travaillant un autre tuyau) qui titille l'engorgé bubon sans arriver jusqu’ici à le crever. Je ne sais pas, non – si c’est ce qu’ils visent, ce qu’ils veulent. Je ne sais pas s’ils peuvent, si on peut, comment on va faire maintenant que c’est pire, ou autrement foiré. Je leur souhaite, en tout cas : de n’avoir plus, sans rien lâcher, à subir ce qui les presse, pour qu’en sorte un jus si salingue. D'accord… Ça voudrait dire alors qu’on ne s’en enverrait plus de nouvelle rasade, de cette revigorante saloperie. Eh tiens… Si ça se trouve oui, c’est ça : si ça ne libère pas, c’est ça, peut-être, qui le rend salutaire ! Pour qui, pour quoi ? Pour nous ? Pour eux ? Pour « la crise » ? (« On n’est pas dans une crise morale… On est pas dans une crise politique, financière, religieuse, on n’est dans rien de tout ça… » Voilà qu’il me revient encore, ce foutu extrait)... « Alors tout est cassé, partout. Tout est horrible, partout. Même dans les… splendides cités américaines… si confortables. La même barbarie, partout ».

OK, et j’en fais quoi, moi, on en fait quoi, nous, de ça ? Eh bien… Pour le moment, ici, je laisse déferler la suite, dégringoler le reste du disque, comme à toutes les autres écoutes. Je me sens la tête étonnamment claire, alors qu’ils continuent de faire gémir et crisser, crier les traînées de boue. On ne se laisse pas couler – simplement : on ne peut pas faire semblant de ne pas sentir combien, comment tout schlingue, à force de stagner sans fin.

note       Publiée le vendredi 22 janvier 2021

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