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The Byrds › The Notorious Byrd Brothers

lp • 11 titres • 28:28 min

  • face A
  • 1Artificial Energy
  • 2Goin' Back
  • 3Natural Harmony
  • 4Draft Morning
  • 5Wasn't Born To Follow
  • 6Get To You
  • face B
  • 7Change Is Now
  • 8Old John Robertson
  • 9Tribal Gathering
  • 10Dolphins Smile
  • 11Space Odyssey

informations

Enregistré du 21 juin au 6 décembre 1967 aux Columbia Studios, Hollywood, CA - Produit par Gary Usher

Les bonus de la réédition CD contiennent notamment le superbe « Triad » (chanson donnée par Crosby à Jefferson Airplane et encore plus belle dans sa version démo acoustique par David Crosby en solo, plus rare), une version plus longue et moins baveuse du chef d’œuvre ultime « Draft Morning » (que Peter Fonda voulait à l’origine inclure dans Easy Rider aux côtés de « Wasn’t Born To Follow », qui la prolonge), ou encore l’instrumental ultra-kitsch « Moog Raga » confectionné par Paul Beaver (rameuté par son ami Gary Usher, producteur attitré des Byrds de 67 à 68) initialement pour « Space Odyssey », sans oublier une version plus dépouillée et fidèle à l’atmosphère analgésique de l’album de « Going Back », chanson qui sera d’ailleurs reprise 4 ans plus tard sur un obscur 45-t par un certain Freddie Bulsara.

chronique

  • acid-haze-folk > notorious b.y.r.d.

Cet étrange petit album tout léger et biscornu est de loin le plus psychédélique opus des Oyseaux, si ce n’est le meilleur. On y hume un air de sous-bois touffu et interdit, trouée de lierre et de boue en ligne de fuite de la ville étouffante (ici, la tentaculaire L.A.). Passé les très trompeurs deux premiers titres, panneaux mensongers indiquant une voie sans issue, nous sommes pris dans les mailles de ce qui s’avère être un drug album pur muscovado imbibé au LSD. Plus précisément, un drug album pour le déserteur ayant brûlé (euh, fumé, avec le pot-pourri de la commode du salon à belle-maman) son papier de conscription, puis, devenu de facto hors-la-loi, s’étant barbouillé la gueule de camouflage day-glo et kaki pour mieux se tapir parmi les séquoias et cyprès du maquis californien, façon Charlie Sheen (mais plus Badlands que Platoon, sorry Oliver Stone, encore raté)… Il faut entendre, après deux minutes d’acid folk en friche sans la moindre inclinaison pop entrecoupé de cor d’armée et de bruits de guerre – comme un rappel des soldats dont la battue menace de rattraper le déserteur – les chœurs anonymes et déjà anesthésiés de trouille égrener d’une voix neurasthénique et plus éthérée que le plus chimique des shoegazers : “today was the day for action (lol, vu le ton avec lequel c’est prononcé) / leave my bed, to kill instead / why should it happen”. Tout est dit de Notorious Byrd Brothers sur ce Draft Morning d’un autre monde, la tête à l’envers dans le glissement imperceptible vers le bad trip qu’est cette fin 1967 californienne... Et prolongé par le terminal et tout aussi forestier « Wasn’t Born To Follow » et son histoire d’initiation chamanique et de retour à l’état sauvage, au texte éblouissant de beauté et de clarté obscure. C’est un album de cavale, de Easy Rider pas si facile, passant sa tête à travers les buissons le temps de micro-chansons au goût avorté, de peur colossale muée en extase résignée et secrète. La destination n’est pas tant la frontière mexicaine ni les sanctuaires du désert (Joshua Tree, Zabriskie Point, Spahn Ranch, etc…) que les infinis replis des Rocheuses et leur réseau de ruisseaux de montagne qui semblent innerver ces pedal-steel chantant la fonte des glaces célestes (« change is now / things that seemed to be solid are not »). Et même les multiples esquives samba-jazz de la batterie, qui tentent de maintenir debout ces chansons déphasées, ne parviennent à effacer cette tenace odeur de conifère et d’humus rance. On croit avoir vu poindre la lumière sur la fugace rencontre de Old John Robertson, que les brèches spatio-temporelles qui gangrènent Tribal Gathering et Dolphin’s Smile viennent nous rappeler à l’angoisse qui règne ici en maîtresse suprême, finissant par tout recouvrir sur le sommet d’étrangeté au monde qu’est Space Odyssey, comme un ultime fuck off intériorisé des Cathares dans la dernière hutte ou crevasse brûlée par les soldats envoyés par l’église. « Prévenez vos gendarmes / Que je n’aurai pas d’arme », brodait sur le même thème un certain Boris. Il en faut, des écoutes, pour avoir l’impression d’y voir clair dans ce brouillard. Se rendre compte que « Artificial Energy » est d’emblée à contre-courant, puisqu’elle évoque les « choses douloureuses qui remontent à la surface », et parle même de tuer la reine, et de fuite vers les hauteurs. Et même si ce titre à un goût de compromission à la Soft Parade, les Byrds ne sont pas les Doors. Pas plus que les Stones ou Beatles. Y’en a pas deux, de groupe comme ça, et les Byrds aussi, c’est la base. Dans le sens pierre d’achoppement d’une culture, élément constitutif de ce qui viendra, et non pas relai entre le folk et la pop, ou entre le psyché et le country.

Bien. Maintenant que j’ai tenté de rendre justice à cet album fort peu compris, je peux évoquer le cas Crosby, véritable sauf-conduit de tous les critiques s’étant cassé la plume sur l’impénétrable inconfort cotonneux de ces 29 minutes. David Crosby, emmerdeur en chef à la chapka et moustache fort peu cowboy (big up Tovaritch Iossif Vissarionovitch), et caution tombeur de ces dames du groupe une fois Gene Clark parti, était un membre essentiel, mais avait, comment dire… un sens très aiguisé du rôle social des Byrds. Il veut bien chanter le country étoilé « Wasn’t Born to Follow » de Goffin/King (au superbe texte cryptique), mais pas « Going Back » des mêmes auteurs, nostalgique, rétrograde par son seul titre, donc forcément réac. Et quand son chef d’œuvre « Triad » est en dernière instance écarté de l’album par le groupe – qui manque pourtant de chanson structurée – sur le motif que c’est une apologie du ménage à trois, Crosby, déjà junkie et ingérable, se barre. Ou se fait virer, disent les autres. Il se félicitera peut-être un an plus tard, quand il triomphera à Woodstock avec Stills & Nash (&Young), tandis que son ancien groupe cessera brutalement d’être cool à cause d’un album country-rock mal aimé et mal compris (Sweetheart Of The Rodeo). La pochette de Notorious en tout cas, est déjà ringarde, trompeuse au possible sur le contenu, qui est aussi peu terrien et psychédélique que l’emballage est humble. À noter que la thèse du remplacement de la tête de Crosby (qui était sur la photo, s’étant barré juste avant la sortie du LP) par celle d’un cheval est accréditée par le verso de Fifth Dimension, qui y fait écho, puisque la photo de Crosby accoudé épuisé sur la table de mixage est placée en vis-à-vis de celle d’un ours blanc affalé !

Tout ça pour dire quoi ? Que McGuinn et Hillman terminent l’album à deux, dépités et désorientés, et que ce disque est un peu une sorte de petite mort du groupe – le suivant, Sweetheart Of The Rodeo étant déjà une forme de renaissance d’entre les morts, celle apportée par la nouvelle recrue Gram Parsons. Mais de Fifth Dimension à ce disque, qui vient refermer la trilogie, on a une sorte de cantique de la perte de repères du soldat inconnu dont je mets quiconque de me produire l’équivalent, littéraire, filmique ou musical. Les Beatles, pour ce que je les aime, ne pouvaient même pas comprendre l’espoir allumé puis étouffé dans la fumée le temps de ces trois disques fugaces. Même si sur “Dead Prudence”, le soldat Lennon (un bon élément, cuilà) a la décence de sniffer la bonne piste, vite balayée par le vent. ”Sun warm on my face / I hear you, down below / moving slow / and it’s morning” (Draft Morning).

note       Publiée le vendredi 1 janvier 2021

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    Gouzi Envoyez un message privé àGouzi

    Beaucoup à dire sur cet album. L'atmosphère un peu surranée avec aussi un coté un poil "délavé" s'accomode voir annonce les prémisces de la fin du rêve hippie et n'est pas sans m'évoquer la 1ère part du double Blanc. On a pourtant affaire à un pic psychédélique dans leur disco, comme le souligne Dariev, avec la maîtrise rodée de 1968 qui succéde à la découverte et la spontanéité de 1967.

    Et citons le le riff aussi intriguant que remarquable du pont à 1,30 de Tribal Gathering qui semble avoir salement influencé celui du "1969" du 1er Stooges.

    "Y’en a pas deux, de groupe comme ça" Buffalo Springfield un peu quand même

    Album plutôt sous-estimé du groupe, effectivement.