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Gonzaguinha › Plano de Vôo

cd 1 • 12 titres • 40:31 min

  • face A
  • 1O Começo Da Festa4:01
  • 2Tá Certo, Doutor2:31
  • 3Gás Neon3:50
  • 4Quebra Pau2:52
  • 5Assim Seja, Amém4:15
  • 6Suor E Serragem3:15
  • face B
  • 7Mundo Novo, Vida Nova4:00
  • 8Contos De Fadas3:32
  • 9Catatonia Integral3:32
  • 10Niel Cabeça De Bola1:32
  • 11Plano De Vôo3:26
  • 12Geraldinos E Arquibaldos4:05

informations

Producteur exécutif : Renato Corrêa - Techniciens d'enregistrement : Dacy & Toninho

Pochette par Iara Marçal et Leila L. Affonso

line up

Luiz Gonzaga Júnior (violão sur les 03, 05, 06, 10, 11) - Groupe Modo Livre : João Cortez (percussions sur les 01, 03, 06, 07, 08, 09, 11, 12, batterie sur les 01, 03, 04, 06, 07, 08, 11), Fred Barbosa (basse électrique sur les 01, 03, 04, 06, 07, 08, 09, 11, tumbadora sur la 04), Gilson Peranzzetta (piano électrique sur les 01, 03, 06, 07, 08, 09, 11, orgue sur les 03, 09, 11, piano sur la 04), Ricardo Pontes: (flûte sur les 01, 03, 04, 06, 09, saxophone alto sur la 07), saxophone soprano sur les 08, 11 et percussions sur la 01),

Musiciens additionnels : Cláudio Guimarães (guitare électrique sur la 07), Miltinho de MPB-4 (Violão sur la 02), Roberto Nascimento (Violão sur la 02)

chronique

Plano de Vôo ou le faux armistice façon Gonzaguinha... Un premier indice ? La pochette : aux évocations d'introspection de son premier disque, au symbolisme inquiétant de la composition du deuxième, succède une peinture naïve typique des musiciens jazz électrique de l'époque, mais où détonnent des fusils pointés sur des canards, comme une épée de Damoclès au-dessus des libertés du peuple brésilien sous la dictature. De loin, un visuel dans l'air du temps et un recentrage sur la musique plutôt que sur le propos ; de près, la diatribe, toujours intacte.

À l'instar de ce visuel, Luiz Gonzaga Jr. finit ici par appliquer la doctrine énoncée dans ses deux premiers albums : l'artiste doit cacher ses fêlures et amuser le public car c'est ce que ce dernier veut, après tout... C'est ainsi que Plano de Vôo commence par un « O Começo da Festa » (le début de la fête), essai jazz-funk fiévreux, plus entraînant que n'a jamais été la musique de Gonzaguinha. C'est un disque d'expérimentation, plus centré sur la musique que sur l'écriture, même si on le verra, Luiz Gonzaga Jr. n'oublie pas de placer quelques pastilles de mort-aux-rats au milieu du sac de bonbons... Il était viscéral, au mieux sarcastique, au pire impudique ; il devient ici complice et plus acceptablement ironique, comme sur le brillant samba « Ta Certo, Doutor », aux paroles qui parlent d'enfermer un malade inconvenant pour que son mal ne se répande pas dans la bonne société. C'est comme si Gonzaguinha avait compris que son message subversif porterait mieux sans faire peur à ses auditeurs, en les séduisant... La suite du disque est plus jazz que ne l'a jamais été sa musique, pleine de finaux qui s'emballent, de synthés et de flûtes tourbillonnantes, comme sur la superbe « Quebra pau », qui fait tourner la tête. Le ton est globalement bien moins sombre qu'auparavant et Gonzaguinha s'efface plus derrière ses musiciens, en particulier les nouveaux venus Gilson Peranzzetta (pianiste et claviériste) et Ricardo Pontes (flûtiste et saxophoniste), aux interventions souvent décisives, comme sur les captivantes « Suor e Serragem » et « Contos de fadas ». C'est par contre le premier disque dans lequel Gonzaguinha tombe un peu dans le piège du sirupeux : « Mundo novo, vida nova » et son saxophone lénifiant est un triste annonciateur des ratages à venir, qui resteront heureusement minoritaires pour encore plusieurs disques. « Catatonia geral » est quant à elle une suite officieuse à « Comportamento geral », avec sa fausse injonction au conformisme et son ton moqueur.


C'est globalement un disque cyclothymique, assez tordu et dur à cerner, où Gonzaguinha semble alternativement s'amuser puis laisser libre court à sa sensibilité : « Assim seja, amém » est une ballade intimiste à tomber, et « Niel Cabeça de Bola » ressemble à une soudaine lumière perçant les nuages jazz-funk rosâtres du disque... Tout cela semble trouver sa synthèse idéale dans le morceau-titre, une ode à la liberté complexe et tourmentée, et dans la rigolarde « Geraldinos e Arquibaldos », entièrement a cappella, à la charge critique soigneusement dissimulée mais que j'aurais probablement pris pour un crachat dans la gueule si j'avais officié à l'époque au bureau chargé de la censure ! Ce n'est pas encore avec ce disque que Gonzaguinha allait atteindre le succès, et on peut légitimement considérer ce tourbillon d'idées et de plans jazz comme un disque de transition. Mais sa beauté torve en fait un vrai grower, indispensable pour les amateurs des disques précédents et suivants de la période dorée du petit Gonzaga.

note       Publiée le mercredi 23 décembre 2020

chronique

Retour à la fête. Cette fois, fini la folk spartiate, ça va partir tous azimuts. Et déjà, un virage beaucoup, beaucoup plus jazz que les deux premiers, qui ne l'étaient presque pas. Avec des pépites bizarroïdes comme Contos de fadas ou Suor e serragem (50 sacs à qui peut dire de quel genre musical est cette plante carnivore rarissime), on est très proche des acrobaties acclamées - à juste titre - de Gilberto Gil sur son classique Refazenda, paru la même année. Mais avec des musiciens quasi-inconnus, et qui en 1975 n'avaient que peu d'expérience en studio. Autre influence, sans doute assez peu remarquée à l’époque : Tom Zé, dont on retrouvait le côté sec, dépouillé et illogique dès le premier épo de 73. C’est encore lui qui vient à l’esprit dans les arrangements audacieux, de plus en plus denses à partir de ce disque à la pochette très Duck Hunt. Suor E Serragem, donc, s’emballe comme du Joao Bosco, en y ajoutant ces pirouettes de film d’espionnage expérimental chinois au piano électrique (de G. Peranzzetta), qu’on retrouvera sur les albums suivants.

D’ailleurs, si vous aimez le cinéma, vous allez être happé par l’énormissime ouverture, ce « lancement de la fête » farci jusqu’au trognon d’émotions contradictoires, de cette louvoyance des meilleures suées brésiliennes, fièvre endiablée qui doit au moins autant à un désir inassouvi qu’à une nausée dans l’immensité et le tumulte du pays-continent sans repères. Gonzaguinha se contente d’user de sa voix comme d’un instrument, hululant sur fond de jazz orchestré à la manière du grand Milton sur son Milagre Dos Peixes de 2 ans avant. L’enchaînement avec les deux suivantes est parfait et étourdissant de maîtrise, du samba ciselé Ta Certo Doutor (écrit pour MPB-4) à Gas Néon, peut-être LA chanson à écouter en priorité, peinture de ces recoins et détours des villes du sud, où l’indolence morne et sale semble abriter son lot de mauvais coups et de traîtrises, dans l’ombre des platanes.

L’homme change encore une fois complètement de diction sur Assim Seja, Amem, dont la justesse sonne comme ces rares phrases tendres dans la bouche de ceux que la colère et la rancœur habite. Sur le refrain, ses mots s’égrènent comme des arpèges, tandis que la guitare chantonne, justement, ses arpèges bossa en fond. Mais l’humeur dominante reste sinueuse, éthérée, voltigeante. Le « plan de vol » est un défi aux fusils de chasse des militaires, guettant les vents de liberté et de contestation – une métaphore qu’adoptera Chico Buarque lui-même sur son « Corrente », un an plus tard. Cette prédominance des bois change complètement l’humeur des diatribes du meneur de fête, comme sur l’incroyable Catatonia Integral, tout de moiteur tropicale et de faim larvée au coin du blanc de l’œil dans la pénombre de la mousson.

Ce recueil est aussi accessible que le précédent était exigeant, c’est même celui à conseiller en priorité, le plus évident d’un auteur à l’écriture assez difficile d’accroche. Ce sont des images plus luxuriantes et bariolées qu’évoque ici le harangueur : jungle mutilée, soupirs atroces mais oubliés des gens dans les travées, solitude des multitudes, et puis, comme étrangère à tout sauf à elle-même (encore que...), la lucidité, féconde ou destructrice, de celui qui ouvre son bec comme d'autres sont jetés au cachot, peut-être parce que quand on est censé être le fils de Luiz Gonzaga, tout accident qui vous arrive serait pour de bon regardé comme suspect par la population, qui révère encore le paternel, créateur de tout un pan de la culture ouvrière et paysanne du pays.

Il n’y aura pas de coup de fusil, donc. L’album suivant verra l’artiste foncer tête baissée dans la direction des titres les plus expé-jazz de ce disque, mais en y ajoutant une poignée de titres plus chanson très aboutis qui lui ouvriront les portes d’une certaine reconnaissance (le succès, lui, attendra l’utilisation de ces chansons pour des telenovelas), à commencer par l'impérial Um Sorriso Nos Labios, 45-tours de 1972, à l’origine. Un tube retors qui met le paquet niveau démonstration de fête pour cacher la terrible colère et haine de l’injustice qui bout au fond… Une métaphore d’un certain pays soi-disant sorti du tiers-monde, je ne vous fais pas un dessin, toujours le même.

note       Publiée le mercredi 23 décembre 2020

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