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Alice Donut / Killdozer › Michael Gerald's Party Machine Presents

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Dioneo      jeudi 17 décembre 2020 - 14:58

cd • 3 titres • 13:29 min

  • 1Alice Donut – Every Christian Lion Hearted Man Will Tell You4:07 [reprise des Bee Gees]
  • 2Killdozer – Conquistador4:51 [reprise de Procol Harum]
  • 3Kill Donut – Medley : Aquarius/Let the Sun Shine (The Flesh Failures)*4:30 [reprise d’extraits de la bande originale du film Hair]

informations

Enregistré au Studio 45 (Hartford, Connecticut ; 1 et 3) et The House That Love Built (Chicago ; 2) par Robert Weston (2 et 3) et Michael Deming (1). Produit par Alice Donut, Michael Gerald et Killdozer. « Track 3 performed and recorded in total nudity ».

Artwork : Frank Kozik. *Le medley Aquarius/Let the Sun Shine est présente seulement sur l’édition CD du disque.

line up

Tom Antona (Alice Donut ; voix sur 1 et 3), Michael Gerald (Killdozer ; basse et voix sur 2 et 3), Dan Hobson (Killdozer ; batterie et percussions sur 3), Michael Jung (Alice Donut ; voix, guitare et orgue hammond sur 1 et 3), Richard Marshall (Alice Donut ; guitare et voix sur 1 et 3), Stephen Moses (Alice Donut ; batterie et trombone sur 1 et 3, percussions et voix sur 3), Sissi Schulmeister (Alice Donut ; basse et voix sur 1 et 3), Paul Zagoras (Killdozer ; guitare sur 2 et 3, voix sur 3), Scott Giampino (Killdozer ; batterie sur 2), Jeff Ditzenberger (Killdozer ; guitare sur 2), Matt Fields (Killdozer ; orgue sur 2)

chronique

Alice Donut et Killdozer sont nés dans une espèce de vide – entre-deux de l’alternative, de la contre ou sous-culture (ça dépend qui commente) américaine, à l’articulation des années 80 et 90. « Trop jeunes pour être punk, trop vieux pour être grunge », pourrait-on dire – en transposant la phrase de Mike Kelley à propos de son groupe Destroy All Monsters, de son émergence au milieu des années soixante-dix, sorti du temps « suspendu » d’alors, cette fois entre hippies et punks. De ceux-ci et ceux-là (chevelus et crêteux), les deux groupes – comme beaucoup d’autres dans « l’indie » – avaient d’ailleurs toujours tenu. Parce que de ceux-là, ils avaient récupéré des débris, plutôt que par allégeance. Par un biais ironique, certes, dans une mesure certaine – un peu « par défaut », en contre, aussi, peut-être par réflexe, atavisme… Sans doute : les membres de l’un et l’autre groupe, les gens de cette génération, de cette scène, ne voulaient surtout pas en être, des uns ou des autres – punks ou hippies. En avaient soupé – c’étaient leurs parents ou leurs frères et sœurs aînés, respectivement ou tout un. Mais des autres et des uns, avaient hérité, pêle-mêle : une attitude « branleurs » de surface – peut-être pour masquer le travail de fond, le souci du détail ou de l’acharnement apporté à leur objet, leur ouvrage ; un tour « arty » qui prenait la chose (l’art, la musique populaire comme art) avec dérision, une vision acide de ça, une tendance à privilégier la laideur criarde pour dissoudre et distordre le kitsch que ça avait pu engendrer, pris avec le sérieux de ceux d’avant ; un goût certain pour le bordel, le chaos structuré, modelé en formes rococo ou brutes, selon, à la serpe ou en ligatures qui en faisaient bailler le grotesque en bulbes charnus…

Adoncques : nos deux bandes d’affreux zozos, dans leurs incarnations « tardives », l’une et l’autre pas loin de la fin de l’histoire. (Définitivement pour Killdozer, un peu moins pour Alice, qui se reformera dans les années 2000). Deux groupes alors « sur le déclin », aux yeux d’une bonne partie de leur public. Les deux drôles d’entité, reprenant – chacune puis mêlées – des morceaux-reliques des années hippies ou post, de groupes devenus sur le coup ou entre temps « énormes » en terme de ventes, de présence (scénique, radio…), « mainstream » au point de devenir le symbole même de ce que ceux d’après allaient détester (pour les « compromissions ») autant qu’aigrement jalouser (pour la brève liberté dont ils avaient joui et les moyens alloués par l’inattendu succès…). Incongrus, là, ces Bee Gees (pour la piste Alice) et Procol Harum (pour Killdozer), prétextes seulement à méchantes blagues ?

Eh bien… Voir. Le choix des pistes reprises, à vrai dire, rend la chose plus ambiguë. L’originale des Bee Gees – tirée de leur troisième album, de 1967 – était au départ d’une bizarrerie qui peut surprendre, quand on ne connaît d’eux que les scies d’ensuite (How Deep Is Your Love ou Stayin’ Alive…). Rien que le titre, déjà (modifié par Alice, au passage – c’était « show you » et non « tell you » chez les Bee Gees ; c’est d’ailleurs ce qu’ils chantent, sur la reprise, seule la pochette se trompe). « Tout homme chrétien au cœur de lion te le montrerait », euh… OK. Et puis drôle d’ambiance aussi, sur la version 1967. Une alternance de passages en voix bourdonnées, d’atmosphère religieuse/sectaire (pas si loin du We Will Fall des Stooges, en tout de même moins abyssalement foncedé) et de couplets-refrains à la Byrds, en moins ensoleillé. Ce qui explique peut-être, ce côté Byrds – les liens étant ce qu’ils sont, les sauts d’années et d’esthétiques – que la version Donut sonne à ce point comme une espèce de morceau caché de R.E.M., version démo lo-fi avec un Stipe tourné canard enrhumé (Tom Antona, c’est quelque chose, en terme de timbre cartoonesque…), que les gars d’Athens auraient tenté de dissimuler, qu’Alice auraient à leur grand dam exhumé. Avec pédales chorus et trémolo qui font dissoner aigrelettement la guitare, et les passages « om » comme chantés par des Residents costumés en Bénédictins. Et puis l’épique-triste de celle de Procol Harum – prog vaguement mais pop pleinement, comme à peu près tout chez eux – se prête bien aux attaques vrillées de Killdozer. L’impression d’une menace qui plane, feutrée dans la version Procol (1967, là aussi), suinte ici, malsaine et déguenillée, de ce chant rauque à l’arrache, de ces guitares garage-stooges-hispaniques à l’accordage limite, de ces soli psyché-bluesy-punky (on se croirait presque chez les Dicks ou le MDC de l’album This Blood’s for You, quand eux reprenaient Cream). Con et pas gentil comme il se doit pour du Killdozer, donc, mal embouché – mais trippé comme le « summer of love » d’origine, le « swinging London » (bien que les Harum fussent de l’Essex, OK) ici piraté depuis le Wisconsin des années 90 (bien que le morceau fut enregistré à Chicago). Et puis surtout…

Il y a ce troisième morceau – absent des versions vinyle du disque. Un « effort collectif », les deux groupes saccageant de concert (mais en studio) deux célèbres extraits de la comédie musicale (de Broadway, puis adaptée au cinéma) Hair. Et quel plaisir, d’entendre Gerald et Antona brailler « l’âge du verseau » comme ça, en harmonies douteuses, de leurs organes qui freluquet frénétique, qui Cookie Monster poissé de bitume ! Et ce fond de guitares chimiques, acryliques, qui éclaboussent la toile de fond ! Oui : là, ouvertement, ça se gausse ! Mais n’empêche : tout tombe parfaitement pour que l’hilarité tourne dans l’instant où ça part à la fête véritable – celle du titre, trop éclatée pour qu’on se soucie, pour le moment, de la gueule de bois qui va sûrement suivre. Ce trombone huilé-voilé, ces guitares, donc, entremêlées en écheveaux, au tordu feeling… Cette chorale dans les choux mais tellement exultée. Laissez entrer, entrer le soleil, ouais. Qu’on voit bien les reliefs de junk-food dans la piaule pour une fois aérée, les draps en vrac et les corps couchés, qui ronflent au grand midi le lendemain de l’agape. Que ça vienne taper dans l’œil des zombis qui l’ouvriront en grognant, vodka-schotch-autres-gnôles ayant laissé leur charge, leurs précipités, les vapeurs d’euphories depuis longtemps envolées. Les deux bandes après ça, chacun des fêtards, s’en iront. Qui à pied, qui en bus. Qui dans ce combi Volkswagen aux teintes fluo, sur la pochette. C’est celui de Scoobi-Doo ? Eh bien… Apparemment, oui – bien qu’ils aient remplacé « Mystery » par « Party », peint parmi les fleurs. On ne saura pas si le directeur du parc d’attraction, dans l’histoire, démasqué à la fin (mais il pionçaient, eux, donc, ils cuvaient, pendant ce temps), était en fait Tim Leary, Charles Manson, Richard Branson, David Geffen ou un autre, ou quoi. On imagine, vues les effluves sonores qui viennent de retomber, les fumets qui marinent, dans la cabine, la caisse du véhicule. L’ont-ils volé ? Sammy leur avait-il vendu à la dérobée, pour se payer dans le dos des autres un hot-dog à la meth ou simplement, en bon « slacker », sa dose de space-churros bien huileux et cramés ?

Peu importe… La camionnette n’est plus, au loin, qu’un point qui disparaît, un grondement qui décroit. Il reste à peine dans l’air quelques traces de l’échappement souillé craché par le pot troué… Ce fut une chouette soirée – avec rien d’autre à faire, pour l’heure, celles à venir, que d'en écraser ou glander pour s’en remettre. Et puis… Dans Scoobi-Doo, de toute façon : je craquais, gamin, sur Velma (Véra) Dinkley plutôt que sur la barbie Daphné Blake. Elle avait plus à me dire – puis c’était elle, toujours, qui trouvait le fin mot, pas la prom queen, encore moins son Ken/Fred Jones, avec ses muscles et son toupet ciré. Scooby et Sam, eux, étaient de toute façon partis encore une fois bouffer… Je me remets le disque, tiens. Il sonne bien aussi, tous comptes faits, dans l’acoustique de la cuisine où j’attends que le café passe – qui avec un peu de chance dissipera une part des brumes.

note       Publiée le jeudi 17 décembre 2020

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