Raskolnikov › Lazy people will destroy you

Fallait pas faire chier Albert Roche, ça c’est sûr…Mieux que Rambo, le mec, soldat français le plus décoré de la Première Guerre Mondiale, blessé neuf fois, seul survivant de sa section, le voilà qui positionne les fusils de ses camarades morts et leurre les Allemands en tirant alternativement avec chacun laissant croire à la résistance d’un bataillon, on lui doit un nombre incalculable de prisonniers également. Un miraculé. Alors qu’il a rampé des heures sous le feu pour sauver son capitaine grièvement blessé, risquant à nouveau sa peau pour l’amener aux brancardiers, il s’endort dans un trou de guetteur. Pris pour un déserteur, sans témoin, il est condamné à être fusillé. Alors que le peloton est en position, une dépêche intervient in extremis: le capitaine sorti du coma juste à temps le disculpe. Il mourra stupidement à 44 ans, renversé par une voiture. Franchement, y a de quoi faire un film génial et sans exagération sur une vie pareille. A l’écoute de ‘Faut pas faire chier Albert Roche’, on comprend d’emblée que Raskolnikov, faut pas les emmerder non plus; ce ne sont pas des Rambos, plutôt des orfèvres et ils savent où ils vont. Avec un son encore plus incisif et net que sur l’excellent précédent opus, le trio concentre le tir sur des rythmiques sans faille nappées d’un léger halo 80’s (le kit de batterie remonté avec des toms électroniques) permettant à la guitare et au synthé de faire pleinement leur travail à des moments bien choisis (les effets grinçants sur l’intro de ‘No safety word’, la touche mélancolique de ‘Sold dead souls’, la lourdeur électrique de ‘Stockholm 3’…). ‘Lazy people will destroy you’ s’il ne dévie pas fondamentalement de l’axe tracé par son prédécesseur est pourtant marqué d’une ombre plus tenace et opaque se traduisant par un chant toujours plus assuré, tranchant, carrément goth parfois (‘Faut pas faire chier Albert Roche’, ‘No safety word’). Sur scène également, le groupe dégage une énergie plus tendue, conquérante, marquée d’une passion qui se ressent dans l’âme insufflée dans les compos. Une drôle de froideur organique. Le travail de nuance demeure très présent puisque les atmosphères alternent entre post punk rapide, attaques gothiques, zeste rageurs punky, instants hivernaux, mais globalement ce second LP me paraît plus frontal. Pan dans la gueule en premier, savatage de côtes ensuite, allumage de clope en dernier histoire de te balancer le mégot avec mépris sur la carcasse. En même temps, défi du jour, essayez seulement de retenir votre corps brisé de bouger tout seul sur 'No safety word', 'Faut pas faire chier Albert Roche' ou 'Montauk Point Lighthouse'...Il y a des formations de cette trempe. Pas assez. 5,5/6