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Ziskakan › Rimayer

cd • 14 titres • 61:26 min

  • 1Bat tambour4:58
  • 2Célimène4:12
  • 3Rimayer4:20
  • 4O… Domin3:29
  • 5Trakasin7:00
  • 6Mo Frèle4:32
  • 7Bat Karé4:20
  • 8Nom Prénom4:15
  • 9Amwin mi kaz4:14
  • 101.2.3. (répét)0:49
  • 111.2.3.3:34
  • 12Sak la parol3:21
  • 13Santiman5:35
  • 14Lamour la rèt si patport6:49

informations

Studio Digital, Saint-Denis de la Réunion – Ingénieurs du son : Gérard Paramé et Jean-Louis Bègue, assistés de Dan et Éric Fruteau ; Pascal Manglou (1.2.3.). Sudio Joshua INC., Bombay, Inde – Ingénieurs du son : Anirban Sen Gupta, Saibu Simon, assistés de Neelesh Parab.

line up

Gilbert Pounia (voix, guitare, guitare 12 cordes, kayanm), Mishko M’Ba (basse, balafon, arrangements de cordes, tuyau), Patricia Philippe (chœurs, voix), David Ramsamy (tabla, gatam, kora), Bernadette Philippe (voix, chœurs), Jacky Lafutèr (roulèr, tambourin, kayanm, ravane, triangle, derbouka, cloche, grattoir, tanbour malbar, timbale), Damien Mandrin (shaker, cymbal, kanga, roulèr, woodblock, ravane, pikèr, zèf, kakiyaz, conga, djembé, tambour d’eau, djembé-sabar, chœurs, sifflement) ; Dominique Tambouran (guitare, taalam, tabla), Gérard Paramé (ingé son), Indiren Vellayoudompoullé (sitar, kora, harmonium, taalam, tampoura)

Musiciens additionnels : Any Grondin (chœurs sur 1, 2, 5, 6, 7, 8, 12), Eric Nabet (voix sur 1), Jam’Ba (violon sur 1, 10, 11, guitare sur 10, 11), DJ René (scratch sur 2), Teddy Graps (rap sur 2), Rupak Kulkami (flûte sur 3, 6, 7, 14), Madame Jean-Philippe (voix sur 4), Pradeep Barot (sarod sur 4, 14), Maritchu Aguergaray (violon sur 5), Gaël Baupérin (alto sur 5), Geneviève Barda (violoncelle sur 5), Danièl Florens (flûte sur 5), Trigun Joshi (shank et birdwistel sur 5, morsing, bol tibétain et duffly sur 7, chonga sur 9), Sumatri Antrokilar (voix alto sur 5), Jyotsna Hardikar (voix soprano sur 5, 7, 14), Neelesh Parob (mangira sur 5), Ulhas Bapat (santoor sur 7), Madhukar Dhumal (shenai sur 9, voix sur 14), Johan Calcine (sati, djembé-sabar sur 12, tanbour malbar et sati sur 13), Patrice Threurdardt (dok ka dok sur 12), Jean-Louis Bègue (charleston sur 12), Marie-Lourdes Paris (chœurs sur 14), Sabine Deglise (chœurs sur 14), Jacqueline Guérin (chœurs sur 14), Raja (tabla sur 14), Dr Sangeeta Shankar (violon sur 14)

chronique

Oui, je mets « France », en pays d’origine. Bien obligé : on ne l’a pas dans la base de données, le drapeau de l’île – La Réunion. Pour les registres, elle est un département parmi les autres – une région, précisément, dont elle est aussi le seul département. De par et en dépit de l’histoire – qui fait que de Paris ou Bordeaux ou Villeurbanne, on recense ce qui s’y passe comme dans un Finistère, une Creuse, une Île de France (une sans océan, celle-là). Bref… J’aurais pu mettre « internationale », aussi, comme nationalité – du groupe, des gens qui jouent et chantent ici, Pounia et compagnie… Mais c’eut été par trop un « à la place », là encore un « en dépit » – des trafics de chairs d’avant, des dépassements de ça, des brassages depuis et malgré ça (et marronnages et engagismes etc.), des routes commerciales – compagnie des Indes, étendues, bateaux (Pei Bato Fou – Pays d’un Bateau Fou, si je ne m’abuse – disait le titre d’un autre disque, plus tôt)… Tout ce qui a fait, qui fait les cassures, les afflux, depuis et vers la « métropole », l’Inde donc (Z’arabes et Malabars, comme semble-t-il on appelle sur l’île les descendants de ces migrants-ci), les comptoirs et autres contrées…

Mais ne causons pas bannière. Parlons musique. Eh… Il se trouve, bien sûr, que celle-là… « contient » tout ça – ou en déborde, si on préfère. Qu’il en émane, forcément, quelque chose – quelque chose qui n’est pas qu’un écho mais l’état des transformations, à ce moment de l’histoire (sans majuscule sacralisante – mais c’est bien aussi de celle-là qu’il s’agit, en même temps que du récit, de la narration) où ils enregistrent. Le Maloya de Ziskakan, depuis le début – au passage des décennies 1970 et 80, quand Gilbert Pounia avait créé le groupe – a toujours été ouvert, poreux, connecté a tout ce qui fait la vie de son pays – conscient de tous les liens, de ces routes et chemins (de terre et goudronnés, villages, montagnes, ciment ; voies maritimes et lignes aériennes). Enraciné bien sûr dans la tradition locale, les formes et battements, les modes des répertoires, mais pas cantonné à ces formes – plus « moderne » que celui d’un Danyèl Waro ou d’un Granmoun Lélé, grandes figures « roots » du genre. Enfin… « Moderne », qu’on m’entende bien : pas du tout au sens où cette musique serait une quelconque et vague mouture de « world », une variété internationale teintée locale, entrée de force dans quelque moule, adapté à des standards de production – littéraires, musicaux, technologiques – imposés de l’extérieur. Non… Cette musique est « moderne » parce qu’émanée d’une conscience, d’une sensibilité, d’un point de vue contemporains, ici-maintenant de ceux qui l’écrivent et la jouent. C’est-à-dire, là : l’appréhension d’une réalité qui n’est pas que rurale, pas enserrée, non-plus aux éventuelles limites (géographiques, topographiques, culturelles) d’une seule « communauté » – mais une fois de plus : bien consciente des barrières dressées, depuis les siècles, autant que des points de contacts entre toutes et tous (descendants de Malgaches, d’Africains de l’ouest ou de l’est, de Madrasiens ou Moumbaikar… ou semailles des colons – et métissés ou pas, admis ou non, eux et elles toutes et toutes). Musique, donc : Pounia et ses chœurs, d’autres parfois ici, en voix principale, chantent en créole. En hindi, aussi, à une reprise – sur une partie des couplets alternés de 1. 2. 3., avec ses chorales d’enfants. Tout, d’ailleurs, est ici créole – la substance sonore, l’usage des instruments, les arrangements, autant que la langue, les strophes. Pounia est « rimayèr », rimailleur, poète populaire (comme Alain Péters était « parabolér ») – et la poésie n’est pas qu’une histoire de page, de mot. Elle déborde, je répète, et ne flatte rien, ici – alors même qu’elle se déploie, s’agence, se resserre en toute harmonie (une qui lui est particulière), qu’elle effuse sa beauté, rayonne. C’est une musique qui jette des ponts – mais qui connait les heures, aussi, les circonstances et les fréquentations où s'y fomentent les embuscades. C’est une musique qui s’approprie, profondément, tout ce qu’elle touche, parce qu’elle sait que posséder tout ça n’est qu’une question d’état provisoire – et que la réciproque est toujours vraie, aussi (ce qu’on sait, ce qu’on doit dire et faire nous possède). Alors tout sonne : les percussions du maloya, donc (roulèr, pikèr…) comme d’ailleurs (tabla, derbouka…) ; le sarod et la tampoura, la kora, le balafon, les guitares amplifiées ou pas ; les mots de Pounia, de ses jours, comme ceux de Célimène Gaudieux (1802/1864). Les chansons comme les épopées. Les complaintes – qu’on ne qualifiera pas de « blues » de là, merci ; et pourquoi faudrait-il toujours ? La douceur, la chaleur qui passe, traverse et change la mélancolie, quand on parle d’escales et de destinations, de ports et bords qui séparent (pei lot bor/fami amwin naplin…). Les « noms prénoms » rapportés, mirés en perspectives (calendrier, fête nationale, patrons, la vierge – é non prénon non désiré). Les accents rythmiques qui d’un coup s’emportent et rappellent presque le salegy malgache – moins frénétiques peut-être, pas moins vifs pour autant. Les violons qui curieusement entonnent au tournant comme ailleurs on joue cajun. Les « Avis à la Population » – introït qui « bat le tambour » mais pas en menace étatique ou communale… Comme un mot passé, plutôt, une nouvelle, un « trésor sous une vague de la mer ». Il y a trop, dans ces mains qui s’attrapent, dans cette musique debout, qui fait face et avance, chemine et dialogue, pour qu’on l’enferme en recensement, en relevés.

Il s’en passe trop pour qu’une image, un index suffise, d’archives – de l’espèce de rock, de pop de cette première chanson (Bat tanbour) à la longue pièce parlée, déclamée mais avec une douceur, une ferveur saisissantes par Any Grondin, tout à la fin, sur le tramage raga-et-chœurs. (Lamour la rèt si patport – « l’amour reste sur le pas de la porte », si j’ai bien compris, doléance à un mari qui ne fait que prendre et partir, adresse aussi à l’Inconnu d’après, quand tout sera fini, la vieillesse même usée jusqu’à son dernier fil). Il ne s’y trouve presque rien qui jure, qui rate, dans la tentative – le rap et les scratch sur Célimène, peut-être, d’accord. (Et encore… Et je dois dire : je ne sais rien de ce qui se passe, côté rap, par là-bas – si ceux entendus là sonnent ou non « scène locale »). C’est autre chose qu’une somme, que le produit d’une fusion – c’est raisonné mais pas exercice, application d’une théorie. Ça « marche par soi-même », comme disait Bob – et ça ne copie pas ce trouvère-ci, pas plus que d’autres, d’Amérique ou d’ailleurs. Bien entendu, personne ne prétendra que ça ne se nourrit de rien, « qu’ici » ne se structure pas aussi parce qu’il y a un, des « ailleurs », que ça n’est pas parcouru, par ça, quand ça parcoure… Plus simplement, on dit : que le point sur la carte, quoi qu’il indique, ne suffit pas à raconter ce qui existe à la croisée des méridiens et parallèles… Que les coordonnées ne sont guère qu’indicatives et que lointaines ou pas, à celles où l’on écoute, en lire les chiffres ne suffit pas à entendre ce que disent, ce que portent les voix.

note       Publiée le mercredi 25 novembre 2020

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    Tallis Envoyez un message privé àTallis

    Cool, hâte de lire ça !

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Oui, y'en a une (petite) poignée sur le feu de mon côté... Cette région et d'autres créolités. Je trouve aussi que ça mérite largement d'être "renseigné" ici !

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    Tallis Envoyez un message privé àTallis

    En tous cas, j'espère que ça appelle d'autres chroniques sur cette région du monde. Il y a de quoi...

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ah ben cool, de rien... Ça fait toujours plaisir de voir que certains s'y essayent après lecture, à ces musiques/genres/disques qui ne sont pas forcément les plus écoutés dans le coin. (Je suis loin de connaître toute al disco, de mon côté, mais jusqu'ici en tout cas je ne suis jamais tombé sur rien de mauvais, en tout cas, ni de "tièdement world"...).

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    Tallis Envoyez un message privé àTallis

    Un superbe et lumineux album, vraiment... Etonnant comme la diversité des orchestrations d'un morceau à l'autre ne gêne en rien la cohérence de l'ensemble. Du coup, je continue à explorer leur discographie avec Kaskasnicola et ça l'air tout aussi bon. Merci Dioneo !

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