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Compilations - Divers › West Indies : An Island Carnival

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Dioneo      lundi 16 novembre 2020 - 17:41

vinyles/cd • 12 titres • 38:55 min

  • 1Merengue (Portsmouth, Dominique)2:10
  • 2Masouc (Soufrière, Ste. Lucie)3:45
  • 3The Lizard (Young Island, St. Vincent)3:35
  • 4Mr. Walker (Grenade)1:10
  • 5La Rose (Ste. Lucie)3:00
  • 6Aguinaldo (Trinidad)2:45
  • 7Somebody Oh, Mouchay (Kingstown, St. Vincent)1:40
  • 8Shango (Trinidad)4:10
  • 9Spiritual Baptists (Trinidad)4:45
  • 10The Story of Marrdevirain (Guadeloupe)4:20
  • 11Tassa (Trinidad)3:15
  • 12Reel (Tobago)3:15

informations

Enregistrements de terrain effectués en 1969 et 1971 par Krister Malm ; les lieux où ont été enregistrés les morceaux sont indiqués dans le « track listing », entre parenthèses, après chaque titre.

line up

Jing Ping Band (1) ; groupe villageois non recensé (2), Julius Alfred (fiddle, 2) ; Bamboo Band non recensé (3) ; duo de luths-coco non recensé (4) ; membre de la société La Rose (cuatro, chantwell ; 5) ; Lopinot Serenaders (6) ; chœur d’enfants non-recensé (7) ; ensemble « yoruba » non recensé (8) ; chœur baptiste non recensé (9) ; percussions (cymbale talon, matalon) non recensées (10), Pundit H’lra Nègre (voix lead ; 10) ; Tassa Group non recensé (11) ; groupe non recensé (violon, tambourin, triangle), Ferdinand Murphy (tambourin solo, voix)

chronique

Les Explorer Series… il fallait bien un jour que je vous en parle ! Ce recueil antillais – bien que d’abord sorti par la « maison » suédoise Caprice Records en 1977, avant de se voir édité à l’internationale par Nonesuch en 1983 – est tout à fait typique de ladite merveilleuse collection. Des enregistrements « collectés » – sur le terrain, au plus près possible des conditions habituelles où les musiques sont jouées ; dans les enceintes, les circonstances dont elles sont une part – places de villages en fête, jeux d’enfants dans une cour, églises ou « festivals sacrés »… Un son à l’avenant : brut, souvent sommaire mais vivant comme ce qu’il capte, tente de restituer au plus juste. Une image sobre mais souvent belle, tout aussi « terrain » que le son, en guise de pochette. Et des notes, à l’intérieur, des musicologues qui avaient fait le voyage – précises, renseignées, mais pas rébarbatives, pas jargonantes, absolument accessibles ! De la substance, plutôt que du discours, concentrée dans l’objet, autant que faire se peu…

Vue l’aire ici couverte, on ne s’étonnera pas de la trouver ainsi, ladite substance : diverse et travaillée, tiraillée ! En langues modelées par les siècles et les drames, les libérations et les adaptations – créoles français ou anglais, espagnol local, tamoul. En timbres et objets étranges pour les catalogues de la lutherie « classique » – instruments africains réinventés (les arcs-à-bouche du calypso Mr. Walker – on notera que Buffy Sainte Marie, par exemple, jouera d’un instrument aux sonorités et au maniement très similaires pour son très country Cripple Creek, extrait de son premier album sorti en 1964, It’s My Way !) ; instruments d’orchestre au contraire inchangés quant aux pièces, à la fabrication, mais joués « rustique », bruité, les musiciens manifestement à la recherche des sons les moins ébarbés, là où la tradition européenne « savante » avait cherché, depuis des siècles, à tendre vers la plus grande « pureté acoustique » possible. En parlant de savoirs : d’autres arcanes, ici, entraperçues au détour de plages malheureusement souvent trop courtes pour qu’on ait totalement le temps de s’immerger à ce dont elles restituent l’image sonore – Shango ou l’extrait Spiritual Baptists, moments de cultes « yoruba » trinidadiens recréés ou préservés, syncrétiques, comparable au vaudou haïtien, à la santeria cubaine, au candomblé brésilien (comme dans tous ces cultes, les esprits/saints convoqués, invoqués, s’appellent d’ailleurs là aussi des Orishas) ; l’histoire de Marrdevirrain, chant épique hindi « hindou » célébré ici à la Guadeloupe, loin de son origine (Madras, à priori) – culte importé, là aussi modifié par l’histoire locale (et l’histoire locale, aux Antilles, avait toujours été, sera sans doute encore ô combien internationale – harmonieuse ou douloureuse, quelle que soit la volonté de ses acteurs à la « résoudre » ou non, que « l’ouverture » en soit subie ou embrassée…) ; histoire – celle de ce chant apporté là dans les malles (ou les balles) – là aussi abrégée par l’enregistrement… Et c’est bien la seule « limite » de ce disque, que ce choix de rendre des extraits souvent brefs, là où certains pourraient se prolonger de longues minutes durant, occuper chacun une, des faces de vinyle, de pleins CD. C’est un peu frustrant, parfois, quand ça s’interrompt, coupé ou fondu. C’est « honnête », certes – au sens où de toute façon, tout enregistrement, toute restitution, de ces formes, événements ne peut être que tronquée, tant ils s’ancrent aux lieux et compagnies où ils surviennent, où les groupes et assistances officient, au sens où le "collecteur" ne cherche pas à nous faire croire que "c'est tout", ce que donnent à entendre ces bouts prélevés. Reste qu’on a souvent l’impression de frôler seulement, comme ça, ce qui ne peut se déployer qu'au fil des heures qu'on cesse de compter… Heureusement, d’autres plages non écourtées, chansons faites pour le concert, la performance de rue, nous sont restituées pleines, dans toute leur beauté proche, ordinaire à leur espace-temps ; et entendues d’ici, toujours pétries d’une familiarité qu’on serait tenté, si on n’y réfléchissait pas, de tenir pour « universelle » – autant que d’accents, accentuations, motifs manifestement locaux, « insulaires » (c’est le cas de le dire). Quelque chose qui nous parvient entier parce que justement, encore une fois, pas « résolu ». Qu’on m’entende bien : je ne brandis pas là une « authenticité » à quoi pourrait prétendre ces enregistrement, qui les « légitimerait » en les différenciant d’une « world music » trafiquée, artificielle. Non… Ces musiques-ci, en effet, ne sont pas « de la world » – mais ce n’est certainement pas par la vertu d'une prétendue « pureté ». Brassages il y a bien, il y a bien eu – mais long, perpétré sur des dizaines, des centaines d’années ; et pas « finis », au moment où ce disque nous les donne à entendre (pas plus aujourd’hui qu’en 1977 ou 1983) ; les signes et mouvements, les vouloirs et donnés continués depuis, transformés… Par volonté ET « au fil ». Ces plages (Massouc – de mazurka, qui donnera aussi « zouk », d’après certaines théories ; calypsos ; comptines ou chant de rondes – Somebody oh, Mouchay ; tassa trinidadien…) sont belles parce qu’elles sont, encore une fois, des « moments », qu’elles débordent le cadre de « l’objet culturel » – que la « culture », en elles, est une question de quotidien… Ce sont, qu’on entend ici, des musiques populaires, et qui nous font penser, en leurs formes parfois évidentes, que « la pop », pourrait bien être ça aussi, pas une histoire seulement de marché avec calibrage, mise à niveau, fiction technologique pour justifier des « rencontres » – la rencontre, ici, s’est souvent faite par le choc, et la cohésion, l’harmonie trouvée entre ce qui s’était percuté, accroché, ce qui s’était infiltré, ne cache pas les reliefs, l’hétérogénéité des « sources » même. Elle les dépasse. Elle les a « digérés » – ou continue d’en conter le drame tout en épanouissant la forme du récit. C’est peut-être bien là – et je dis ça comme une hypothèse seulement, qu’on m’entende bien – une définition possible de la « créolité » ici à l’œuvre. Elle dépasse l’inconciliable à quoi les anciens maîtres avaient voulu l’assigner – par quoi ils avaient voulu la maudire, la condamner. Et ces musiques crient parfois – mais sans cesser de chanter, et sans qu’on se délecte, en elles, d’une détresse, mais bien d’un accomplissement. (Ce chant espagnol éraillé sur Aguinaldo ; l’histoire à deux voix – pourtant de guerre interposée, refilés par les colons anglais et français à leurs esclaves respectifs, au XVIIIème siècle, via des sociétés « secrètes » censées défendre leurs « propriétaires » respectifs – de La Rose, avec sa mélodie simplement captivante, ses timbres si peu « classiques », là encore, mais tellement justes pour ce qu’ils racontent, leur objet…). Et ces musiques articulent en sons « étranges » à « nos » orchestres – les arcs de Mr. Walker donc, le « Boom Boom » (sorte de trompe en bambou, pleine d’harmoniques sourdes et saturées à la fois) sur le Merengue qui ouvre le disque ou sur The Lizard – des mélodies qui souvent, prises sur d’autres rythmes, nous semblerait issues de contrées bien plus proches, ruralités ou citées bien plus de « nos » latitudes.

Et puis… Et puis avant tout – avant que toutes ces questions puissent subvenir ou non – c’est de toute façon un enchantement qui saisit, en non une quelconque gêne à ne pouvoir pas « identifier » ce qui se joue. C’est le plaisir d’un film sans commentaire, si on désire le prendre d’abord ainsi, et qui peut très bien se prendre ainsi – par le son et l’image, avant d’ouvrir le livret, de chercher à comprendre. Et c’est pour moi, toujours, ce qui en demeure – depuis le temps assez lointain (presque une autre vie…) où j’avais acheté ce disque, au hasard ou presque, ne connaissant alors de la collection, et assez vaguement, que son prestige « général ». Je le trouve toujours trop court – « mais c’est comme ça » ; et toujours pas « patchwork », malgré tout son multiple. Et voilà que la mélodie enfantine (somebody o, Mouchay, somebody mentionned Mary o ! Somebody o, Mouchay, somebody mentionned she can go…), celle (métallique, diphonique – comme les chants mongols du même nom, oui, les monodies doublées par des guimbardes jouées dans ces mêmes steppes ou d’autres avoisinantes… loin de toutes Caraïbes) de Mr. Walker (décidément), vont encore me rester en tête pendant des jours, me revenir à toute heure de ceux-là ou de la nuit. Allez… Pourquoi m’en plaindre, puisque le goût, depuis toutes ces années, ne m’en est pas passé.

note       Publiée le lundi 16 novembre 2020

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    jacques d. Envoyez un message privé àjacques d.

    C'est en effet une excellente idée de les chroniquer, ceux de cette collection ou d'autres (Le Chant du Monde, Yazoo, etc...), les opportunités ne manquent pas et puis comme vous glissez ça avec d'autres solides chroniques (Quicksilver Messenger Service par exemple), les plaisirs sont variés.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
    avatar

    Oui, le côté "vignettes"... Après c'est surtout sur ceux des disques/volumes qui s'attachent à une "aire", comme celui-là, qui balayent un domaine musical et géographique, disons, avec la plupart du temps un groupe/interprète/genre/forme représenté par piste. Pour d'autres volumes, ça tient plus du "récital" autour d'un répertoire par un seul groupe/artiste (le disque Chine/Pipa, avec Lui Pi-Yuen, ceux de l'ensemble Nipponia, le Ramnad Krishnan/Vidwan pour l'Inde du sud...), d'autres qui restituent beaucoup plus longuement des parties d'un rite, rituel, de cérémonies qui ne sont pas des concerts au sens "séculier", en "coupant" aussi forcément vu que ce sont des "actes" qui hors-disque s'étalent souvent sur des heures - mais dont au moins ces captations "prennent le temps d'installer l'atmosphère" (les disques sur le bouddhisme tibétain...), d'autres encore où la frontière entre tout ça, concert ou cérémonie, art ou rituel, n'est pas si facilement "décidable" (les disques de gamelan javanais et balinais, le Purna Chandra Das Baul/Ménestrel Bengali), mais qui sont là aussi des "performances d'un trait du même artiste/groupe", souvent enregistrés sur place aussi, ou "au pire" en concert... Avec ceux-là, l'effet zapping s'atténue voire disparaît aussi complètement que possible.

    Enfin, y'a de quoi écouter et de quoi chroniquer, en tout cas, dans le catalogue, et on ne va pas en rester à celui-là donc.

    Note donnée au disque :       
    jacques d. Envoyez un message privé àjacques d.

    Ah oui, les Nonesuch Explorer Series, préexistantes à tous ces labels plus ethnographiques façon OCORA (quoique UNESCO - et leurs fabuleuses pochettes - existait depuis 1961). Chez Nonesuch on n'hésitait pas à tailler dans le vif du sujet, shuntant les enregistrements de façon à faire sampler plus qu'à faire dans la restitution "authentique", mais vous avez raison tout ça, en dépit d'un indéniable aspect dépliant touristique, n'est pas dénué d'un charme, un peu suranné certes, comme s'il s'agissait de feuilleter un vieil atlas aux photos et cartes désuètes.