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808 State › Don Solaris

  • 1996 • ZTT 0630-14356-2 • 1 CD

cd • 12 titres • 55:11 min

  • 1Intro1:16
  • 2Bond5:09
  • 3Dird3:53
  • 4Azura5:30
  • 5Black Dartangnon5:30
  • 6Joyrider4:40
  • 7Lopez4:17
  • 8Balboa5:14
  • 9Kohoutek4:16
  • 10Mooz4:35
  • 11Jerusahat5:12
  • 12Banachaq5:39

informations

Enregistré et mixé aux studios Olympic (Londres), Baby Monster (NYC), Eon (Sheffield), Wool Hall (Bath), Planet 4, Sarm (Londres).

line up

Andrew Barker, Graham Massey, Darren Partington, ; les crédits de chaque morceau, en dehors des invités qui officient aux voix, n’indiquent pas de noms mais des noms génériques d’instruments et leurs modèles précis – drums : TR909, Akai, Hi Hat and Anvil ; Bass : Matrix 1000, Jupiter 8 ; Keyboards : ARP Odyssey, Korg Wavestation AD, EMU vintages keys, Korg Prophecy, JD800, EM=M Spectra Synth ; Instruments : Alot Melodica, Blues Harp ; Guitars : Guild Strafire, Talamine electro acoustic, Gibson Les Paul etc. …

Musiciens additionnels : Ragga (voix sur Mooz), Louise Rhodes (voix sur Azura), Mike Doughty (voix sur Bond), James Dean Bradfield (voix sur Lopez)

chronique

Le futur d’avant-hier : la plupart du temps, ça vieillit plutôt mal ! Certain… restent coincés. En boucle, toujours, dans la même projection, la même vision d’un après vu d’avant – peut-être vu de trop tôt. Utopie ou dystopie, la discrépance est la même : l’image passe ; la définition change ; l’image vieillit, l’intuition, la pertinence extralucide des Voyants d’autrefois se tourne en rengaine, en routines – toujours la même légende, la même fable, réécrite avec des outils neufs ou pas, pour tenter de se rattraper aux jours. Changer de technologie ou bien rester scotché à l’ancienne, celle du temps où on était pionnier… Dans les deux cas, le risque est de tomber dans l’incessant cycle des « revivals » – le brillant passé tour à tour conspué ou réhabilité par une nouvelle génération mais les nouvelles productions des Anciens immanquablement vouées à se ternir un peu plus à chaque coup, copies de plus en plus délavées. Ah mais d’accord, vous me direz. Blabla. Mais 808 State, dans tout ça ? Eh bien… Eux ont choisi autre chose : continuer de sortir. De respirer. Travailler, aussi – et pas seulement leurs vieilles bases.

Don Solaris, de fait – sorti sept, huit ans après le « deuxième été de l’amour », l’explosion de l’acid-house et des raves-party (alors sauvages) au Royaume Uni, après le fameux Pacific 202, se tient exceptionnellement, encore frais, singulièrement perché, tout autant, limpide, détaché mais complètement flottant. Sortir… J’entends par là : que Barker, Massey et Partington, eux, ne se sont pas retirés, enfermés dans un âge supposé d’or – sans chercher pour autant à se raccrocher aux wagons, aux nouveaux courants, anxieux de ne pas se voir largués. On dirait qu’ils ont continué d’écouter, plutôt ; et aussi : leurs « classiques » autant que ce qui venait au jour. C’est une explication possible, en tout cas, pour que ce disque – sorti en pleines retombées d’autres clamées « explosions » (le trip hop, la drum’n bass – alors passés dans l’ADN des FM ou presque ; poursuivis par les rockers, les popeux ; l’obsolescence guettant, là aussi, et les années d’après qui allaient déployer, opposer leur filtre, peut-être encore plus sans pitié, avec le recul, que pour d’autres genres, d’autres secteurs et partis-pris de production, d’autres « nouveaux » alpha et oméga en leurs temps)… Une explication possible, disais-je : pour que ce disque, écouté de maintenant, sonne encore aussi peu crépuscule-des-idoles-oubliées.

Car Don Solaris – dès la pochette, avec ce coq et ce soleil irisés, acidulés ; dès ce titre, donc, SOLAIRE – est au contraire un matin continuel, étiré. Ou bien un jeu avec les heures – sautant de l’une à l’autre, nous suspendant à telle ou telle en état d’euphorie, de contemplation pourtant dynamique. Un matin de clubber – la lumière, oui, le son, la perception de toute chose modifiée par l’état du corps, les sens parfaitement disponibles, le rythme encore en train de tourner et changer au-dedans. Un clubber anglais et pas né de la dernière pluie (de bonbons chimiques colorés) – qui se rappelle aussi, donc, le Manchester/Madchester indy-baggy, les « conversions » (à l’acide, à l’ecsta, à la vibration électronique secteur Ibiza…) des branleurs électriques, Happy Mondays etc., qui se souvient de Primal Scream (écossais, eux), des « miracles » opérés alors dans leur tronches, leurs musiques. Un clubber qui se souvient du Gars Appelé Gérald (A Guy Called… un qui en avait été briévement, tiens, d’ailleurs, des rangs 808 State). Qui a gardé tous les liens, la fluidité, entre tout ça. Qui n’a pas prétendu, aussi, qu’ensuite il ne se serait plus rien passé.

Don Solaris est tout en alternances : de plages instrumentales dansables ou pas, ou plus ou moins ; de boucles, pads, « acid », encore, séquences même assez trance ; de chansons carrément pop ; de passages où tout ça se mêle. Tout y sonne très… Naturel. 808 State invitent, au chant, des amis de leurs âges ou des plus jeunes, et pas que du quartier – M. Doughty de Soul Coughing (qui s’en souvient, de ce chaudron-là ?! …), Lou Rhodes de Lamb (autres zozos pas si simple et innocents que ça sous leurs airs…), James Dean Bradfield des Manic Street Peachers (groupe gallois – qu’il faudra bien un jour que je me décide à écouter pour voir…). Les genres ne se percutent pas tant, ne se fondent pas tant, non-plus, qu’ils se décodent et se font mutuellement muter. La production – et l’écriture ; et dans ces musiques-là on sait comment elles sont parfois indistinctes, ces deux « étapes » – baigne tout, je me répète, d’une lumière doucement vive, chaude, conductrice. La musique glisse discrètement sa substance dans les synapses, les neurones, libère des messages endocriniens – flashes d’abord presque imperceptibles sous les ballades mélancoliques (Lopez ! J’ai d’abord cru la détester, avec son chant à mèches… elle me touche vraiment, maintenant, peinture passée de la voiture-à-papa du gars comprise) ; sous les chansons à beats hip-hop et scansion beat film-indé/film-noir (Bond) ; sous les accès d’une espèce de big-beat qui tabasse, à peine déguisé de ce « fun » qui avait vite fait l’ordinaire du genre (parce que la fête, ici, n’implique pas forcément qu’on se mette à bouger MAL…). De temps en temps un sax – très acid-house 1988/89, justement – vient rappeler d’où ça, d’où on vient, chez qui on est arrivé ; mais décidément : Don Solaris n’est pas un avis de déclin. C’est une montée, tout au contraire – savamment menée, qui plus est, subtilement combinée. Petit à petit les voix, la pop, s’effacent – s’absorbent dans la pulsation. Graduellement, les tons se saturent. A certains détours, tours de boucles, des passages ambient – de salle chill-out, plus précisément – font trou d’air, qu’on reprenne son souffle… Qu’on ne voit pas venir le stade suivant de l’excitation de molécules. Don Solaris maintient cet état – de relâchement propre à ce que le son finisse par envahir, la sensation. La succession des plages prend tout son temps, pour ça – et fait en sorte que ça semble filer comme une nuit sans envie de sommeil de celle où l’on atteint midi sans s’en être rendu compte, comme si on venait de franchir la barrière de l’endroit où ça jouait. Et puis alors qu’on rentre, désirant les draps, agréablement gourd et la tête légère, cette espèce de retour, de poussée, de (décidément) remontée : Banachaq ! Rien de violent au sens (de la techno) hardcore (gabber etc.) ; mais ces séquences qui vrillent, qui dilatent les pupilles, l’iris, toutes les aires et terminaisons d’entendement, de captation du flux. (Aciiiid, on disait – là, on y est en plein). Le Matin, oui : c’est lui ! Il s’illumine, il s’embrase – enveloppement psychédélique en pleine ère urbaine aux heures vides. Rien de mort, pas un échos, pas un simple déjà-vu. Une persistance, plutôt – de ce que ces années avant ça disait, ils jouaient, de l’esprit de ce soirées… La forme changée, bien sûr – parce qu’eux comme nous, on voit bien que le décor a changé, les perspectives, qu’il serait idiot de croire que la réponse serait encore pertinente, remise toujours pareil ou vaguement au goût du jour, des tendances. C’est ça, oui, ce disque : une forme qui ne s’est pas figée – qui ne s’est pas pétrifiée, persuadée d’être et d’avoir été LA réponse, du définitif. Pas crânement convaincue que si le présent s’est avéré, dans les faits, bien différent futur d’avant-avant-hier, de celui envisagé, il n’en découle pas que c’est lui (le présent) qui a, qui a eu tort – c’est-à-dire : qu’à ses torts, celles et ceux qui apportaient d’autres tentatives, propositions, questions, fragments de réponses, ne sont pas fatalement à côté de la plaque, « la révolution précédente tenant lieu d’étalon ». D’ailleurs Don Solaris – astre ou pas autour de quoi l’on orbite – ne s’en veut sans doute pas une, de révolution. Une orbite, si, qui continue. Et je doute qu’808 State se soient un jour voulu hérauts de quoi que ce soit… Peut-être bien pour ça, d’ailleurs, que cette éclosion de jour-ci, sortie de leur machine en d’autres lustres, encore, ne sonne cette fois-là de plus, où je vous l’écris, à ce point pas flétrie.

note       Publiée le lundi 26 octobre 2020

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