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Noël Akchoté / M.A.O. › Red Boot

  • 1995 • Deux Z ZZ 84125 • 1 CD

cd • 4 titres • 15:47 min

  • 1La guerre révolutionnaire??:??
  • 2Giant Mao??:??
  • 3Littel red book??:??
  • 4Red Boot (Jungle remix) ??:??

informations

Enregistré et mixé au Studio Acousti par Alain Cluzeau et Emmanuel Conte les 8 et 12 mars 1995. Sauf 4, remixé à Xtralab par P. Gee Lewis.

« La Vérité, c’est la mort de l’intention », Walter Benjamin (citation imprimée au revers de la pochette).

line up

Noël Akchoté (guitare), Dom Farkas (voix), Hélène Labarrière (chapman stick), Erik Borelva (batterie)

chronique

Noël Akchoté… Voilà un type – un musicien – qui m'interpelait régulièrement, à l’époque de ce disque. Tant par ses déclarations, ses sorties en interviews, que par ce que j’entendais de sa musique. J’aimais bien ses idées – tranchées mais toujours intelligemment exprimées. Sa vision « hors-milieux » – je me souviens d’un « le Milieu du jazz, c’est pas pour rien que ça s’appelle comme ça » (à peu près, de mémoire), avec un sous-entendu « comme la pègre » assez net, entre autres mots. Le gars qui s’était exilé en Autriche parce que pour lui ledit milieu français – jazz mais plus globalement musical, clivages inclus – sentait trop sa sclérose continuée. Bon… Akchoté, aussi, que j’ai souvent eu du mal à suivre – dont tel ou tel projet, au milieu des trucs qui me causaient, m’ont toujours laissé dubitatif. Lui dont parfois je n’arrivais pas à dire si j’aimais les propositions, à déterminer si je trouvais ça brillant ou complètement con. Lui dont j’aimais aussi le travail, l’ouvrage, le tout azimut, pour ça – pour cette ambiguïté, parce que ça ne me confortait pas dans mes préférences esthétiques, dans des attentes, des certitudes de genres et de hiérarchies attenantes. Parce que reprendre sur tout un disque, à la guitare seule (acoustique ou électrique), des chansons de Kylie Minogue – en vertu de mélodies jugées parfaites – lui semblait, indiquait-il, tout aussi « pertinent » que de sortir un album de duos avec Marc Ribot et Eugene Chadbourne. Ou des tranches de musique pour bordels et cabarets – avec en vrac Lol Coxhill (multi-souffleur free britannique), Sasha Andrès (d’Heliogabale), Jean-Louis Costes ou Red (Olivier Lambin – devenu depuis The Night Crawler)… ; parce que j’ai fini par aimer Au Bordel (Souvenirs de Paris) alors que Cabaret Modern (A Night at the Magic Mirror Tent) n’a jamais cessé de me paraître inabouti, raté, même, trop ostentatoirement provoc’ pour toucher (même si drôle par passages – à dessein, ça non-plus je n’en n’ait jamais douté). En bref : Akchoté, j’ai toujours aimé, aussi, n’être jamais obligé d’aimer, d’aduler, d’adhérer.

Alors venons-en : ce M.A.O. – Red Boot m’a toujours fait l’effet d’une sorte de flop, de presque-ça-mais-rhââ-seulemen-presque. Sans que je parvienne forcément à mesurer la part de blague et celle du parfait sérieux musical. Des musiciens d’un jazz « moderne » – d’après le free et tous les « post » – qui s’extraient de ça, le temps d’une espèce d’EP. En une époque où de partout on clamait vouloir « décloisonner » les genres – la décennie d’un metal « fusion » monté en fusée pour retomber aussi vite (dans ses nouveaux clichés), celle, en son milieu (et on y est pile, l’année de ce Red Boot ; comme on est en celle du Disco Volante de Mr. Bungle entre autres), de l’explosion plus ou moins publique du trip-hop, de la jungle, de la drum’n bass – vocables qui entendus d’ici sonneraient comme des termes d’archéologie ou presque, facilement. Des hommes et une femme jazz-et-outre, disait-on, qui jouent électrique mais semblent à tout prix vouloir éviter le jazz-rock. Akchoté qui balance des riffs euh… disons « metal ». Étouffés/sifflants, syncopés lourd, pas si loin du « néo » alors en train de naître, de trouver son nom – et ses poncifs rapidement pénibles, eux aussi. La basse d’Hélène Labarrière – un Chapman stick en fait ; ce monstre à trop de cordes chéri de certains proggeux, entre les mains de qui le truc se mue aisément en instrument de torture slap-et-tapping-toute-une-éternité – et la batterie d’Erik Borelva qui enfoncent une même espèce de funk lourd mais désespérément sec, dénué de groove. Walter Benjamin donc, cité à l’intérieur du disque. Et Dom Farkas qui déclame suavement du… Mao – le Grand Timonier, oui, des extraits du Petit Livre Rouge et des poèmes du même. Façon crooner au meeting, agit-prop à moustache gominée, entre Grand Sérieux du Grand Soir aux Têtes aux Bouts des Piques et pantalonnade d’alcôve, soul pour B.O. de porno (en passant… De la B.O. de boulard, Akchoté et son comparse, le saxophoniste Quentin Rollet, en sortiront, vingt ans plus tard, sur leur label Rectangle – un triple CD nommé Bande Original, qui regroupera les travaux d’un certain Luigee Trademarq pour les métrages du dénommé John B. Root… mais c’est encore une autre histoire, ça).

« Nan mais c’est concept ? ». Sans doute. Je l’ai dit : au fil des réécoutes – nombreuses d’ailleurs, les premiers temps, parce que oui, le truc me posait questions – je n’ai jamais trop su trop me décider, savoir si la chose tenait à mon oreille de la pure farce, du manifeste, de l’une faite l’autre ou quoi… J’avoue m’être lassé, l’effet de surprise passé, assez vite. Seule la troisième plage, à force – Litte Red Book, impro noise d’une coulée, qui lâche quelques minutes durant la posture « Révolution Culturelle et Riffs Sous-accordés » (ou l’approche, le biais… le concept, encore – je ne disais pas « posture » forcément dans le sens d’une fausseté, d’une affectation menteuse… et puis cf. Walter, donc, quant à La Vérité) – a continué de me titiller un peu, d’avoir un petit peu à me dire. Puis immanquablement : le remix jungle, juste derrière, me faisait éjecter le disque sans finir – exercice d’un style réduit à ses gros traits – breakbeats sur-syncopés, massicotés, sonorités de métaux modélisés », froides, échos dub et basses en morse aux limites de « l’infra »… ; le supposé genre (jungle) quant à lui passé déjà à tout autre chose depuis quelques mois, si mes souvenirs sont bons, au moment de la sortie du machin, où ayant muté à peu près en même temps en d’autres formes (la « drum’n bass » donc, emportant vite les faveurs d’une critique qui n’avait globalement pas vu venir – contente d’y retrouver les supposés indices d’une « sophistication » plus grande, ladite jungle, en les escamotant sans manquer pourtant de cartonner, de se retrouver partout – dans les B.O. de jeux vidéos qui se vendaient par cartons, sur les radios « pointues »… jusque sur le plateau d’une émission de télé dominicale, je me souviens, en arrière fond d’une démonstration de vélo acrobatique… j’avoue que de la jungle chez Drucker, je ne m’y étais moi-même pas franchement attendu ! … la jungle, disais-je, ayant lorsqu’elle avait sauté à la face d’un certain public, plus large que le noyau de teuffeurs qui s’en repaissait aux origines, avait pris de court, quelque peu, une presse musicale pour qui jusque-là rock, pop etc., jazz et hip-hop que la plupart des scribes déjà n’avaient attrapé au vol que de justesse, étaient les seuls « paradigmes admis » … Soulagement, donc, sans doute, de ce côté-ci, quand « le genre » s’est mis à afficher les signes d’une « transition vers quelque chose de plus ADULTE »… Bon – mais ça c’est une autre histoire bis – à ceci-prêt toutefois qu’à mon avis, « l’insaisissable », l’imprévisible en question, des débuts du genre, son incongru surgissement, n’y ont certainement pas été pour rien, dans l’intérêt que lui a porté Akchoté – dans sa volonté d’en produire, d’en mettre sur ce disque).

Un emmerdeur, on vous dit. Que j’ai voulu « suivre » aussi pour ça. Qui – je maintiens – met pas mal à côté, avec ce disque-là, façon coup-pour-rien… En tout cas, pas dans un mille qui me concernerait… Et alors ? Alors tant-pis – alors tant-mieux, encore une fois, si ce mec n’est pas incontestable, si sa musique, en cherchant, a pu parfois (peut encore ?) s’engager dans des voies qui à mon oreille tournaient vite en impasses. Je n’y ai en tout cas jamais vu aucun foutage de gueule – seulement des tentatives, des possibles qui pour moi ne tenaient pas tous. J’ai continué à lire ce que disait Akchoté. J’ai continué d’écouter d’autres disques de lui – ou avec lui, produits par lui, ou simplement évoqués au détour d’une interview ou de l’autre. Bien m’en a pris parfois. Et puis d’autres coup, c’était « hmmm… Oui mais non, je passe ». Pas de problème avec ça. Pas de souci à redire que ce M.A.O. me paraît plat, manque de corps, de vivacité, pour la violence qu’il semble vouloir clamer. Au moins, avec ce mec, avec ceux-là, je n’ai jamais eu l’impression qu’on essayait de me fourguer un Absolu, un fin des fin qui serait la fin de tout – du débat, de l’art, du non-art etc. Pas si souvent, quand on évoque Zédong, que j’ai cette impression : que d’adhérer ou non aux slogans n’est pas la question… Qu’on ne m’enjoint surtout pas à gober quelque absolutisme que ce soit.

note       Publiée le mardi 29 septembre 2020

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    GrahamBondSwing Envoyez un message privé àGrahamBondSwing

    Why not Dioneo, je ne vais pas me priver de suivre tes conseils, mais l'affaire se corse... ma plateforme de streaming préférée ne l'a pas en stock celui d'Hélène Labarière... il va falloir que j'active mon réseau ou enfiler mon imper et partir battre le pavé, faire une enquête de terrain...

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Au fait, @GrahamBondSwing : si tu aimes la partie de gratte sur Giant Mao, y'a moyen que le disque d'Hélène Labarière (bassiste qui est aussi sur ce Red Boot) que j'ai mis en reco te causes... Akchoté y joue entre autres de cette manières spéciale, avec ces espèces d'harmoniques sifflantes, sur certains passages, bien que le "contexte" soit davantage "jazz". (Guillemets parce qu'il faut prendre le terme dans un sens bien étendu, ça reste très ouvert, même si le jeu de la trompettiste et celui du batteur ramènent plus qu'ici à ça... Le chant est très particulier, aussi - moi j'aime bien, plus que celui de Borelva en crooner-rouge, mais la nana au micro a une approche assez particulière, pas du tout minimaliste...).

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    Bon, c'est pour ça que j'ai chroniqué Lust Corner juste derrière, hein, aussi - un de ses disques que j'aime, cette fois...

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    GrahamBondSwing Envoyez un message privé àGrahamBondSwing

    Je vois ce que tu veux dire et je vais insister aussi je pense car effectivement le mec est assez singulier (mais pas culte) et forcément on se dit "ça serait dommage de passer à côté de...". C'est un peu le but de ma présence sur guts de toutes façons : autrefois outil de vérification ou purement informatif, c'est aujourd'hui une aide précieuse pour me souvenir des chemins de traverse que je n'ai pas eu le temps d'explorer, y revenir, me perdre, semer des petits cailloux et découvrir de nouveaux passages secrets ;-)

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    (Et puis vous êtes pas obligés de me croire sur parole... Tant mieux si certains vont "vérifier" et trouvent que non-pas-du-tout... C'es une partie de l'idée, même).

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