Il y a forêt et forêt…Celle en bordure du village où les familles vont pique-niquer, où les odeurs de grillades empestent l’atmosphère, où l’air s’emplit de jurons, de cris d'enfants et d’aboiements, où des places à feu ont été installées…Et puis il y a celle où l’on ne va pas, celle aux cailloux moussus sur lesquels on glisse, où les souches sont si tordues que leur silhouette fait peur au crépuscule, où le vent siffle d’une telle manière dans les feuilles que l’on croit entendre des pleurs, celle dans laquelle seules certaines clairières sont baignées par le soleil…La plus belle en réalité, celle où il faut oser entrer, celle du Petit Peuple où la magie est reine. The Hare and the Moon, défunte formation écossaise, en éveille les échos millénaires, les rites ensevelis, les légendes enterrées, les divinités pas tout à faite mortes…Rarement ai-je entendu une formation travailler à ce point ses atmosphères, à tel point que cet album pourrait servir sans problème de b.o. à un film du type de ‘VVitch’. Primo, le groupe sait user du minimalisme, jouer sur ses effets hypnotiques, instaurant une tension tantôt mystique, tantôt glaçantes (‘Come ont the corn’); secundo, il ajoute parcimonieusement la dose de réverbération nécessaire pour donner une ampleur prenante et crédible à sa musique; le reste, ce sont les mélodies, l’usage maîtrisé des sonorités, quelques samples bien placés (‘Blood on Satan’s claw’ notamment) qui le tissent. La mort est un élément parmi tant d’autres dans les rituels païens, les bois ne sont donc ni un sanctuaire ni un enfer; il faut savoir ne pas s’écarter de certains sentiers, ne pas invoquer certains pouvoirs, choisir les sortilèges…Même la victime peut devenir bourreau (sublime ‘Cruel Henry’ avec ses accords d’orgue), le Roi des Aulnes est une créature séduisante mais mortelle (‘Erl-king’), comment savoir si ces bruissements, ces chuchotements qui agitent les broussailles ne sont pas ceux de quelque gnome maléfique ? Mais s’il s’agissait de fées ? The Hare and the Moon ne sont pas des hippies, ils ne se la jouent pas instruments traditionnels à tout prix, le but est l’atmosphère et c’est franchement réussi. Sans agressivité, de manière très naturelle, ils nous créent une forêt hantée pleine de mystère, de tentations, d’effroi aussi…Un vrai chef-d’oeuvre au pouvoir visuel des plus efficaces, et puis, vous avez vu l’invité sur le titre 15 ?