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The Upsetters › Super Ape

  • 1976 • Island ILPS 9417 • 1 LP 33 tours
  • 1976 • Mango Records MLPS 9417 • 1 LP 33 tours

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Ultimex      jeudi 12 mai 2022 - 17:13
Alfred le Pingouin      mardi 26 mai 2020 - 15:58
space_ritual      mardi 12 mai 2020 - 17:38
sergent_BUCK      samedi 9 mai 2020 - 23:55
Walter Benjamin      samedi 9 mai 2020 - 18:36
Dioneo      samedi 9 mai 2020 - 18:36
dimegoat      samedi 9 mai 2020 - 18:25

lp/cd • 10 titres • 38:33 min

  • 1Zion’s Blood3:58
  • 2Croaking Lizard3:28
  • 3Black Vest4:42
  • 4Underground2:58
  • 5Curly Dub4:15
  • 6Dread Lion4:33
  • 7Three In One3:40
  • 8Patience3:52
  • 9Dub Along3:13
  • 10Super Ape3:49

informations

Enregistré, mixé, produit par Lee Perry au studio Black Ark.

line up

Benbow (batterie), Bobby Ellis (trompette), Egbert Evans (flûte), Boris Gardiner (basse), Vin Gordon (trombone), Richard "Dirty Harry" Hall (saxophone), Herman Marquis (saxophone), Lee "scratch" Perry (musique, percussions, congas), Michael Richards (Mickey) (batterie), Noel "Scully" Simms (congas), Earl "Chinna" Smith (guitare), Keith Stirling (piano)

Musiciens additionnels : Prince Jazzbo (toasting sur Croaking Lizard)

chronique

« Bien que je sois noir, je me devais de le brûler, pour sauver mon esprit. Il était trop noir. Il voulait m'avaler ». (Lee "Scratch" Perry, à propos de l'incendie qui détruisit son studio – le Black Ark – en 1983).

En 1976, toutefois, le vieux fou à breloques n’en est pas là, encore. Enfin, vieux… la petite quarantaine à peine abordée, en réalité, alors ; quant à la nature de sa folie, son degré de réalité, ce qu’il y a toujours mis de jeu, de mise en en scène… la question restera sans doute à jamais en suspens. (Comme celle dudit incendie, d'ailleurs – problème électrique ou table-rase, acte de "purification" volontaire comme il l'affirmera, ensuite). Le type, en tout cas, est à l’époque en pleine possession de son échoppe, atelier, de son antre. Quelques machines seulement, au vrai – magnétophone quatre pistes, reverb, écho, phaser… à peu près rien d’autre, il se dit, question matériel. Mais le sens de la chose – le DUB, oui ! – encore parfaitement là, maîtrisé, l'intuition intacte. L’espace – y faire tourner, basculer le son, fouiller dans sa masse pour en faire ressortir tel ou tel détail ; les faire flotter ou les imprimer, les faire hantise ou motifs gravés nets dans le rythme.

Et puis aussi : The Upsetters, avec lui. Eux jouent alors « partout » – ensemble ou pas – sur les disques de reggae (et quelques débordements) de cette ère. Ceux enregistrés « au pays » (la Jamaïque évidemment). Ceux faits dans des studios plus luxueux, en Angleterre ou aux États – c’est le temps, aussi, où le reggae est devenue cette affaire internationale, via Marley et les Wailers, évidemment ; l'âge où jouer ça peut « tout permettre », tout ouvrir. L’époque où Island, ayant donc jackpoté avec Marley brasse à foison cette musique – label roi du marché... Et pas vraiment pour le pire, il faut bien l’admettre – rarement au prix d’un affadissement, d’un frelatage de la matière première, enregistrée, distribuée, en dehors de quelques « coups ». Qu'on se rende compte ! Rien que cette année '76 (outre Rastaman Vibration et Catch a Fire des Wailers) ce sont, sortis de là : Man On the Hills de Burning Spear, CB 200 de Dillinger, War Inna Babylon de Max Romeo (d’ailleurs produit par Perry, et ce n’est pas le seul du catalogue), le premier Third World, Funky Kingston de Toots & the Maytals…

Et ce Super Ape, donc – « typique et singulier » parmi ceux-là et d’autres (du catalogue, du gars… du dub). La pochette s’approprie façon « dread » les clichés d’un cinéma « d’aventure et d’action » bien imprégné d'imaginaire colonialiste (ou « post »). Ce titre même, ce grand singe dévastant la plage un énorme spliff à la main... J’ai toujours vu ça comme une sorte de bobine bootleg qui fusionnerait King Kong avec Shaft ou Superfly, une sorte de « blaxploitation yardie » au grain délibérément brut, aux couleurs saturées, les traits de genre poussés expressément à la limite entre roublardise et satire, pur enjambement de la censure et farce carnavalesque… Perry, à part ça, tape dans ses propres réserves, ses productions – War Inna Babylon et Romero, tiens donc et justement, sur Black Vest, pour la plus évidente – pour les replonger dans sa mixture. « Dread », elle aussi, potion un peu flippante qui rend tout plus beau mais aussi plus instable ; qui exprime ce que ladite matière ce que les idées ont de perché, au départ, avant habillage, qui s’exhale à nouveau là, après retaille, rhabillage – ou mise à nue tout autan – tant le dub (celui-là en tout cas) tend à dépouiller son objet autant qu’à zoomer sur ses reliefs, en affirmer les lignes et les accidenter après les avoir exposées à découvert.

Super Ape, ceci-dit, est d’un abord plutôt « léger » – met la tête en lévitation (la mienne, en tout cas) sans plonger l’écoutant, aussi volontiers que d’autres (14 Dub Blackboard Jungle, trois ans avant – pas au hasard mais par exemple ; ou le Heart of the Congos des Congos, encore produit par Perry, l’année d’après Super Ape) dans l’abîme cognitif, le dépassement de trip où les dimensions se percutent. C’est une ivresse douce plutôt qu’un flirt au bord du coma, de la possession. Bien sûr, les proportions se déforment, s’étirent, prennent de drôles de tours, parfois – Underground ou Dub Along, on dirait le doo-wop, la soul d’avant Stax ou même Motown qui se prendrait dans un halo liquide, une bulle souple et translucide, lumineuse, un flash d'une fraîcheur curieusement odorante soudain surgie dans le salon de coiffure immaculé d’une tranquille petite ville de l’Amérique des années 50. (Avec l’accent de Kingston qui change les reflets, lui aussi). Les sourires et les clins-d’œils qui chopent un truc un peu trop appuyé, un peu plus prolongés au-delà de l'instant où on les capte pour que tout semble normal, complètement, absolument rassurant et familier (... « dormez tranquiiiille »). Seulement là... on s’en amuse. Le déplacement des repères a quelque chose de cartoonesque – d'une esthétique de série B là encore retournée en vrai outil d’écriture, entrées/sorties réjouissants sur les mailles de la trame, entre elles, autour, excursus et retour. Il y a un type qui vient toaster, un coup – Prince Jazzboe, sur Croaking Lizard. (La légende sur la pochette semble indiquer que le Super Singe l’écrase, le Minuscule Godzilla – enfin, c’est à dire qu’il doit quand même faire un bon varan et demi, hein, vue la stature de l’écraseur… Les mensurations de Babylone en écailles ?). Bref, ce disque – moi aussi, oui ? – divague. Mais le charme, cette fois, porte comme une vapeur, une brume – et sans vous relâcher, donc, au-dessus d’un gouffre jusque-là inaperçu, au détour d’un break, ne vous ayant pas cette fois insufflé trop haut pour le bien de votre équilibre, pour peu que vous ayez déjà tâté de ces parages et posologies.

Ici, c’est un printemps bizarre, l’heure est encore au temps lourd, celle où je vous l'écris, à l'orage qui tarde à crever – en passant, on peut voir que ça rage, sur l’image, derrière le Grand Simiesque, question tempête, typhon... Ce n’est pas une condition nécessaire, cependant pour s’y risquer – à cette musique, ce disque ; dans l’œuvre aux fonds innombrables et pleine d’escamotages de Perry et de ceux et celles passés par chez lui – ce climat-ci ! Pas une raison non-plus – une fois de plus, merci bien – pour vous sentir obligés de vous « mettre bien » avant d’aborder... C'est bon sans aucun adjuvant aussi, j'insiste, la chose. (Mais si ça vous dit… ne vous gênez pas, hein, je ne suis ni votre médecin ni votre directeur de conscience, allez. De toute manière ils s’en chargent, eux Scratch et les Titilleurs – de nous mettre bien, disais-je. Eh bien : profitons).

PS : Est-ce que basse est LOURDE ? Ooooh –pardi ! Et puis voilà encore la flûte qui fait son filet fou – à nous choper l’iris via voies auriculaires. Et la racine Cali est celle qui pousse en bruissant.

note       Publiée le samedi 9 mai 2020

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    "Les gens devraient mourir plus souvent pour passer davantage à la radio".

    (Allez hop, j'en fais le début d'une chanson... Ou pas remarque).

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    Coltranophile Envoyez un message privé àColtranophile

    Voilà pourquoi je l'ai entendu à la radio, ce matin. Distrait, je me suis demandé ce qu'il leur avait pris pour envoyer du Lee. Quand les intentions sont bonnes, les raisons en sont souvent à l'opposé.

    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Bon ben : Upset in Peace, Vieux Sorcier Cinglé. Quatre-vingt-cinq ans dont une bonne poignée de décennies à triturer le son et nos perception... Ça lui aura fait de l'usage, de s'inventer en l'Emmerdeur Suprême.

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    Dioneo Envoyez un message privé àDioneo
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    Ouep, Mad Prof, ça vaut vraiment le coup de l'aborder par un autre angle que par No Protection (j'imagine que c'est bien de celui-là que tu causes), que j'avais trouvé pas terrible, au vrai... Le premier volume des Dub Me Crazy est cool, oui, même si encore assez "classique" dans le genre, scotché sur la version "historique" du truc. (Quoi qu'il y ait déjà des détails chelous un poil hors-piste par rapport à ce qu'on avait pu entendre venant de Tubby/Perry etc. - genre la voix pitchée un peu bad-trippante à la fin du dernier morceau - le même rendu que celle de Martha Tilson sur Knife Slits Water d'A Certain Ratio... Sale). Sur certains trucs des volumes d'après ça se lâche encore bien plus - le volume "Part 10 : Psychedelic Dub" m'avait bien éclaté les synapses, un coup que je l'avais écouté sévèrement chargé !

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    dimegoat Envoyez un message privé àdimegoat
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    Vous m'avez bien teasé avec Mad Professor, dont je ne connais vraiment que ses remixes de Massive Attack, à vrai dire. J'ai écouté le premier Dub Me Crazy et dès le premier morceau, BOUM, le riddim me paraît tout à fait familier sans parvenir à recoller le morceau. Magie du dub. Et sinon, je milite aussi pour le retour du grand singe et les mélodies qui tuent, en effet.

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